Accueillir comme nous avons été accueillis

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Je ne sais pas ce qui en a été de votre expérience dans l’Église, mais, dans la mienne, ce fameux jeune homme riche ne l’a pas eu facile. Jugé de mille manières et voir même rejeté par les discours un peu bric-à-brac, les commentaires fusent de toutes parts. « Pourquoi n’a-t-il pas tout laissé pour suivre Jésus ? diront certains. Il n’avait sûrement pas assez la foi ». D’autres encore vont dire: « Qu’il était cupide en préférant ses biens au très saint Évangile ! Quelle faiblesse, oui, lorsque comparée à Pierre qui, lui, a tout donné pour suivre son maître ! »

Vraiment, je trouve scandaleux que ce jeune homme particulièrement aimé de Jésus ait été aussi sévèrement jugé !

Cette dureté de part et d’autre à de quoi nous questionner ce matin au niveau de notre représentation d’autrui, mais aussi la représentation qu’on a de nous-mêmes. Facile de dire que nous suivons Jésus, hein, mais il est plus difficile cependant de constater notre propre chemin et ses nids-de-poule.

Comme je l’ai mentionné au début du culte, la discipline de l’Évangile nous invite à soigner notre introspection et à faire vérité sur nos vies pavées de défis. Faisons donc un constat à partir de notre propre histoire : qui parmi nous, comme disciple de Jésus, n’a jamais été incompris ? Qui d’entre nous n’a pas perdu des amis hostiles à la foi ou mis de côté des habitudes et des ambitions au nom de l’Évangile ? C’est sans conteste que la courtepointe de notre vie de foi a été tissée avec des fils pas mal difficiles à rentrer dans une aiguille. Sachant que certains ici ont fait le choix de suivre un appel comme étudiants, enseignants ou ministres ordonnés ou laïques, quel effet ça vous a fait d’être appelé à servir, mais aussi de devoir laisser derrière vous une bonne part de sécurité ?

Vraiment, accepter un appel quel qu’il soit est une épreuve à ne pas négliger dans notre parcours personnel. Il en est aussi de même comme chrétiens qui répondent à l’invitation du Seigneur et qui disent « oui » à la discipline de l’Évangile. Seulement, à travers cette introspection sur notre histoire de vie, on peut en venir à éprouver de la compréhension pour le jeune homme riche, mais aussi – d’une certaine manière – à nous reconnaître en lui. Dans le sacrifice de ses biens pour mieux suivre Jésus, on peut se rappeler de ce moment où on a aussi été appelé à délaisser nos propres inclinaisons à la sécurité. Le voyant ainsi s’en aller tout triste peut faire ressurgir en nous – je l’espère – l’historique de nos propres débats intérieurs.

Notre redécouverte d’une familiarité entre son parcours et le nôtre nous permet, je crois, d’apprécier avec plus de valeur tout le mouvement de la grâce de Dieu pour ses enfants. La peine du jeune homme consiste aussi en la nôtre. Celle qu’on a vécue… et vit encore à certains égards. Comment, dans ce cas où nous avons goûté à la grâce de Dieu, pourrions-nous être durs envers lui, envers autrui et, finalement, nous-mêmes ? Tout donner pour suivre Jésus est une épreuve… mais une épreuve qu’on vit non seulement en collectivité, mais aussi à partir d’une promesse qui nous est adressée.

S’il y a bien sûr l’incompréhension de notre entourage qui nous est adressée, Jésus n’est pas sans nous rappeler que ce que nous avons perdu ou donné nous sera rendu au centuple. Maison, frères, sœurs, mères, enfants et champs nous seront non seulement accordés dans la vie à venir, mais aussi dans cet ici maintenant, un présent qui nous concerne là, en ce moment même.

Suivre Jésus comporte son lot de défis, certes, mais ce n’est pas pour autant un appel à la mortification. Notre expérience personnelle de la grâce le démontre. Notre « oui » n’a pas éteint la flamme de notre histoire, loin de là ; ce que nous avons mis de côté a été remplacé par les fruits d’une communauté qui cultive la patience et la compréhension. Nous faisons expérience chaque dimanche, chaque jour d’une famille spirituelle dans laquelle s’exprime la surabondance de l’amour de Dieu. Beaucoup de perte en-soi, mais aussi beaucoup de joie dans l’instant présent et à venir.

Nous ne savons pas, certes, ce qu’est devenu ce jeune homme riche que Jésus se prit à aimer… Peut-être est-il resté dans sa peine, remuant de temps à autre ses richesses avec mélancolie ? Dans un tout autre possible, peut-être aurait-il commencé à élaguer et s’impliquer peu à peu dans la communauté, à mettre l’orteil dans l’eau vive de l’Évangile comme nous avons fait nous aussi ? À son rythme, à sa convenance, selon son appel… comme nous, nous avons été appelés ? Peut-être, bien plus tard, serait-il retourné au maître ou à la croix pour lui répondre tout simplement « Me voici ».

Nous ne le savons pas nécessairement, mais j’ose croire que notre propre histoire comme disciple nous inspire à croire que c’est bel et bien le cas. Dieu ne force personne à dire « oui », mais il ne nous abandonne pas pour autant. Malgré nos épreuves et nos débats intérieurs, il n’est jamais trop tard pour accepter un appel… ou appeler quelqu’un. Suffit alors d’avoir en tête la grâce de Dieu pour accueillir autrui avec patience et compréhension tout comme nous, nous avons été accueillies.

Qu’il en soit ainsi selon notre foi,

Amen

LECTURES BIBLIQUES

Marc 10, 17-31

Hébreux 4, 12-16

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