Jéricho… dernière halte avant Jérusalem. La tension monte. Et Jésus est entouré de gens qui ne voient pas… qu’ils ne voient pas clair. Qui est trop sûr de sa vision est le plus aveugle de tous. Tous ces gens qui ont les yeux rivés sur Jésus, qui suivent ses mouvements et scrutent son moindre geste depuis si longtemps donnent souvent l’impression de ne rien voir. Il y a tous ces religieux qui ne cessent de lui tendre des pièges. Selon eux, leur façon de rendre un culte à Dieu est la bonne et ce que Dieu veut, c’est un temple bien rempli et des rites bien exécutés. Il y a ceux et celles qui ne voient en lui qu’un guérisseur. Mais Jésus n’est pas venu apporter la santé (pour un temps limité) à quelques individus. Sa mission est beaucoup plus vaste. Rien de moins que le salut… la vie en abondance pour ce monde que Dieu aime tant. Oui, Ésaïe a dit que le serviteur ouvrirait va ouvrir les yeux des aveugles. Mais le prophète a aussi dit que le serviteur serait la lumière des nations. N’est-il pas possible d’entendre dans les paroles du prophète une promesse faite non pas à des individus mais à un peuple qui ne voit pas à quel point il est dans le champ ?
Même les disciples les plus proches de Jésus sont aveuglés par leurs idées reçues et leurs attentes. Jésus a beau répéter que le plus grand dans le Royaume des cieux doit être le plus petit et le serviteur de tous (Marc 9, 33-37). Il a beau annoncer à trois reprises sa mort imminente et sa résurrection. Les disciples se font toutes sortes des illusions. Oui, on peut avoir une vue parfaite… et manquer de vision.
Avec Bartimée, c’est tout le contraire. Ses yeux ne voient pas mais l’essentiel est visible pour son cœur. Bartimée ne le voit pas mais quand il entend que Jésus de Nazareth est dans la foule qui s’approche, il saisit l’occasion unique qui s’offrait à lui. Il s’écrie : « Fils de David, Jésus, aie pitié de moi ! » (Marc 10, 47)
Beaucoup le rabrouent. Certains craignent peut-être que la voix de Bartimée n’étouffe leurs propres cris… ou qu’en attribuant ouvertement des titres messianiques à Jésus, Bartimée n’attire l’attention des autorités et crée encore plus de problèmes à Jésus et à ses disciples. D’autres encore… ceux qui croient qu’un corps en parfaite santé et un portefeuille bien garni sont des signes de la faveur de Dieu… se disent sans doute que si Bartimée est aveugle, ça doit être la volonté de Dieu, ou pire encore, que c’est de sa faute. « Qu’est-ce qu’il a fait pour mériter ce qui lui arrive ? »
Mais Bartimée voit Dieu et le monde autrement. Il ne se laissera pas intimider. Il donnerait n’importe quoi pour se rapprocher de Jésus. Il n’a pas grand-chose, mais il a sa voix. Alors il crie de plus belle. « Fils de David, aie pitié de moi ! » Jésus l’entend. Même s’il est très occupé, même si certains de ses disciples sont très importants, Jésus s’arrête et dit aux autres d’appeler Bartimée. Pourquoi fait-il cela ? Est-ce parce que Jésus veut que ses disciples participent activement au développement de nouvelles façons de vivre et d’être dans le monde ?
En tout cas, Bartimée y participe activement, c’est le moins qu’on puisse dire. Sans hésiter, Bartimée rejette son manteau. Ce vêtement servait à la fois à le garder au chaud et à ramasser les sous que les passants lui laissaient. Son habit était une marque de son identité, une identité qui sera bientôt chose du passé. Bartimée laisse tout ça derrière lui et d’un bon, il se lève et se présente à Jésus… dans toute sa vulnérabilité… prêt à accueillir la vie nouvelle que son maître veut bien lui offrir.
Comme Bartimée est différent du jeune homme riche que nous avons rencontré il y a quelques semaines (Marc 10, 17-27). Celui qui était incapable d’abandonner la vie qu’il connaissait… sa protection et sa sécurité. S’il était allé voir Jésus sans doute est-ce parce que l’homme riche avait le sentiment que Jésus avait quelque chose à lui offrir. Mais il était incapable de voir ce que Bartimée a vu… et il s’en est allé tout triste.
Bartimée ne manque pas sa chance. Il saute littéralement sur l’occasion qui s’offre à lui et Jésus lui demande : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »
Où avons-nous déjà entendu cette question ? Oh oui… c’était juste avant d’arriver à Jéricho. Jésus a posé la même question à Jacques et à Jean lorsqu’ils ont essayé de lui soutirer des faveurs (Marc 10, 35-45). « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? » Et eux de répondre : « Accorde-nous de siéger dans ta gloire l’un à ta droite et l’autre à ta gauche. » Ce ne sont pas de jeunes convertis. Ils sont avec Jésus depuis le début de son ministère public. Ils ont entendu son enseignement, ont été aux premières loges de ses miracles les plus prodigieux et ils continuent à penser que Jésus est venu pour assurer le pouvoir et le prestige d’un petit nombre. Ils ont peut-être de bons yeux, mais à certains égards, ils sont plus aveugles que Bartimée. Qui a le vrai handicap ici ?
« Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Sans hésiter, Bartimée s’écrie : « Maître, que je retrouve la vue » Bartimé n’est pas aveugle de naissance. Mais on verra que Bartimé ne cherche pas simplement à retrouver sa vie d’avant, à revenir à une vie normale, comme tout le monde. Bartimée voit déjà qu’avec Jésus comme maître, il verra sa vie changer au-delà de tout ce qu’il aurait pu imaginer. Et c’est ce miracle qui lui est accordé. À la différence du jeune homme riche qui s’en va tout triste, Bartimé embarque sur le chemin avec Jésus… et oui… jusqu’à Jérusalem.
Qu’en est-il de nous qui avons cheminé avec Jésus pendant toutes ces semaines, tous ces mois, toutes ces années ? Que voulons-nous que Jésus fasse pour nous?
Puissions-nous toutes et tous partager la conviction de Bartimée… sa persévérance… et surtout sa vision… Laissons derrière nous notre vie d’avant. Levons-nous d’un bon, dirigeons-nous en toute simplicité vers Jésus qui nous appelle à sa suite et supplions-le : « Maître fait qu’on voie de nouveau ! » Amen.
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