« Nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit en un seul corps, nous dit Paul. Le corps ne se compose pas d’un seul membre, mais de plusieurs. »
J’ai une question pour notre communauté : combien de fois avons-nous évoqué ce passage de la lettre de Paul au cours des douze derniers mois ? Pour être honnête envers vous, j’en ai perdu le compte tellement l’analogie est revenue dans nos discussions. Nous l’avons évoqué maintes fois, et ce, que ce soit lors du souper communautaire, l’admission des nouveaux membres ainsi que nos rencontres pastorales dans le studium. À travers Darla qui nous demandait continuellement « quelle partie du corps êtes-vous ? », on dirait que l’Esprit avait un message à nous faire passer. Sachant que Dieu peut se faire insistant pour le bien de tous, se pourrait-il qu’il ait anticipé la situation mondiale dans laquelle nous nous trouvons ?
Dur, dur d’être chrétiens et chrétiennes aujourd’hui. Et je ne parle pas ici de croire en Dieu ni de trouver son aise dans les Évangiles. Tout cela est bien simple comparé à l’enjeu de l’unité qui peut nous embêter de plus en plus. Comme Paul le mentionne, nous sommes tous et toutes membres d’un seul et même corps, celui du Christ. Comment, dans ce cas, imaginer l’unité alors que le corps est écartelé par cet irrésistible attrait des membres vers les idoles du pouvoir ?
Entre vous et moi… Comment ne pas avoir été scandalisé des gens se réclamant du Christ et qui se mirent à la suite du bourreau du crucifié ? Expulsions, calomnies et violences ont marqué les premiers jours de règne de ce roi soi-disant chrétien. Je m’en confesse devant vous, je me verrais bien agir comme dans une situation de survie extrême. Ces membres que, dans ma colère, je qualifierais de nécrosés, je les arracherais volontiers du corps. Mon cri pour Dieu se résumerait ainsi : « Ça fait trop mal. Coupe-moi ça ! »
Pourtant, dans le feu d’une colère qui n’est peut-être pas seulement la mienne, je ne peux pas faire autrement que d’être étonné par un verset de la Première lettre aux Corinthiens : « Si le pied disait : « Comme je ne suis pas une main, je ne fais pas partie du corps », cesserait-il pour autant d’appartenir au corps ? » Alors que je pourrais être tenté de couper un pied ou une main pour que la douleur arrête, Paul me rappelle que, peu importe quoi, ce même pied ou cette même main a quand même sa place dans le corps.
« Comme je ne suis pas une main, je ne fais pas partie du corps… »
On pourrait certainement voir dans cette aptitude du pied la tentation d’un repliement sur soi. Repliement auquel bien des disciples se laissèrent aller au cours des derniers mois, délaissant le bien commun pour protéger leurs privilèges. Néanmoins – et c’est le génie de Paul – ce passage met aussi en garde contre une inclinaison à faire violence aux membres qui font souffrir. Même si ledit membre œuvre pour la division ou qu’on le sépare par la force, il appartient toujours au corps au même titre que nous.
Il est possible de tirer de ce minuscule passage une importante leçon d’unité et d’humilité. Ce disciple qui nous fait souffrir aura beau être condamné ou exilé, il reste tout de même attaché au corps du Christ et ce, peu-importe ses contradictions et ses incohérences. Bien évidemment, cette impossibilité de rompre un corps en détachant les membres est une absurdité. C’est complètement fou, complètement insensé… si ce n’était de la grâce de Dieu par qui les membres restent liés. Si le Seigneur nous pardonne nos péchés lorsque nous nous confessons à lui, à plus forte raison considère-t-il toujours les disciples errants comme ses enfants. Ces membres qui le font souffrir restent des parties essentielles de son corps. Pour nous en faire une idée, on n’aura qu’à examiner la vie du Christ. Même si Jésus a été rejeté des siens tout au long de son ministère, il n’a jamais cessé pour autant de se considérer des leurs. Il n’est pas venu pour condamner qui que ce soit, mais rassembler le peuple qui, sans pasteur, errait sans cesse.
Autant les membres qui prétendent à l’individualité que ceux et celles qui préconisent l’amputation se trompent. Ce n’est pas à la division que Christ nous invite, mais a être miséricordieux comme notre Père est miséricordieux1. Dieu, dans toute sa miséricorde, nous appelle à une unité fondée sur la grâce. Ça n’enlève pas, bien sûr, les torts causés ni les appels à la conversion des disciples qui faussent parfois les balances, calomnient le peuple et abusent de la Création. Bien au contraire, cette invitation à agir avec grâce contre « nos ennemis intérieurs » nous force à prendre la parole pour oeuvrer avec miséricorde.
Dans le corps du Christ, chacun et chacune a sa place. Même les membres qui génèrent de la souffrance et qui n’écoutent pas ou ne connaissent décidément pas le message du Christ. C’est un ouvrage long et fastidieux que de cohabiter avec des membres qui s’entêtent à poursuivre des chemins de mort. Toutefois, au même instant, souvenons-nous bien d’une chose qui, pour ma part, m’invite à l’espérance : frères et sœurs, Dieu va toujours avoir le dernier mot. Comme le dira Christ un jour, « Le Ciel et la Terre passeront, mais mes paroles ne passeront point2 ».
Qu’il en soit ainsi selon notre foi.
Amen
LECTURES BIBLIQUES
2Matthieu 24, 35
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