Aujourd’hui nos frères et sœurs musulmans entament le ramadan, un des cinq piliers de l’Islam. Ce temps de jeûne, de prières, et d’efforts personnels de perfectionnement n’a rien de volontaire : c’est une obligation pour chaque musulman qui en est capable.
Cette année, certaines personnes en parlent de manière toute particulière à cause de la Coupe de Monde de Football qui est en train de se dérouler au Brésil.
La question qui s’y pose est de savoir comment les athlètes musulmans vont faire avec cette prescription religieuse-là et les sollicitations physiques intenses que demande une compétition à si haut niveau, vu surtout leur sévère danger de déshydratation.
A l’instar des musulmans, pour être en conformité avec les préceptes de leur religion (afin de gagner leur paradis diraient d’autres), bien des adhérents de bien des religions ont l’obligation d’obéir à des dispositions très claires et quelquefois très contraignantes dans leurs pratiques et dans leurs codes. Ces domaines touchent, par exemple, les rites et rituels, les heures et les positions de prières, les sacrifices ou les interdictions alimentaires. Cela coûte (et se remarque) d’être un bon pratiquant de sa religion. Tel ne semble pas être le cas avec nous autres protestants réformés. Il n’en demeure pas moins que les efforts et sacrifices des personnes d’autres religions peuvent nous interpeler sur la compréhension et l’exercice de nos propres pratiques religieuses.
La Réformation a bien montré que nous « protestons », nous attestons notre conviction que nous sommes sauvés par grâce : c’est lorsque nous étions encore pécheurs que Christ est mort et ressuscité pour nous. Nous n’avons aucun mérite dans notre propre salut, tout ce que nous avons à faire, c’est d’accepter le don gratuit de la vie éternelle en Jésus Christ. Si nous ne sommes nous pas responsables, par nos propres efforts, d’éviter les châtiments de l’au-delà et d’accumuler assez de « bons points » pour mériter la mansuétude divine, qu’en est-il pour nous ? L’avons-nous trop facile?
Y-a-t-il un effort vraiment à engager, des sacrifices à consentir ? Qu’est-ce qui fait notre identité et quels sont les signes ostentatoires du protestantisme en matière de piété ? En quoi pouvons-nous avoir du mérite à pratiquer notre religion, si tant est que le protestantisme soit une religion ?
C’est peut-être cela qui fait la richesse et la difficulté de notre foi : faire les bonnes œuvres non pas pour acquérir quelque chose mais par reconnaissance à ce qui nous est déjà offert. Le don gratuit est une chose et les exigences de Jésus vis-à-vis de ceux qui veulent être ses disciples peuvent surprendre et choquer. Le récit de l’Evangile de ce jour (Matthieu 10.37-42) nous offre quelques pistes de réflexion à ce propos.
Le récit de Matthieu nous présente les mots de Jésus, à la fin d’une longue série d’enseignements, juste avant d’envoyer ses disciples en mission. Il leur donne les toutes dernières instructions.
De ces instructions apparaissent nettement deux marqueurs qui doivent caractériser la communauté des disciples de Jésus et qui placent la barre très haute.
La première règle, présentée dans les versets 37, 38 et 39 dit que pour être digne de lui nous lui devons un amour sans rival (37), nous avons à prendre notre croix et venir à sa suite (38) et nous donner entièrement à lui dans un abandon consenti et sans partage (39).
La deuxième marque des disciples de Jésus vient aux versets 40 à 42. La dépossession volontaire et entière exigée dans les versets précédents donne lieu à un échange symbolique d’une importance inouïe. Le disciple qui arrive à aimer Jésus plus que parents ou enfants (les êtres pour lesquels nous avons un devoir sacré) et qui volontairement « perd sa vie », devient en fait Celui qui l’a envoyé. Nous sommes revêtus d’une autre identité, il nous est donné une autre dignité : celle de Celui qui nous a envoyés. Dans une formule marquée de solennité, Jésus certifie: « Qui vous accueille m’accueille moi-même, et qui m’accueille, accueille celui qui m’a envoyé ». (40)
Dans cet accueil radical tout compte, même un simple verre d’eau fraîche pour un gosier asséché. Le Dieu de Jésus Christ n’est ni un poinçonneur ni un ordinateur. La comptabilité est mise au rencart, il ne s’agit plus d’additions et de soustractions. L’économie du Royaume de Dieu fonctionne avec une logique toute différente. Nos avoirs n’y sont plus définis par des actions de piété religieuse mises bout à bout à notre actif. Nos passifs ne sont pas la somme de nos manquements quotidiens, de nos péchés, petits ou grands.
Une fois pour toutes notre compte a été et reste approvisionné, et cela a été fait gratuitement, sans la moindre contribution méritoire préalable de notre part : c’est le don gratuit de Dieu, en Jésus Christ. Il nous appartient, maintenant et pour le reste de notre éternité, à le gérer et à en devenir les administrateurs de la grâce. Tout ce qui nous est demandé en retour, c’est de mettre notre vie à son service.
L’exercice est exigeant et demande, en plus du travail du Saint Esprit en nous, une grande discipline spirituelle et un engagement de tous les instants dans la prière, le pardon, la recherche de la paix, et quand nous l’avons trouvée, dans sa préservation. Voilà ce qui caractérise un protestant réformé qui a une intelligence de sa liberté des responsabilités qui en découlent. Cette personne, sans tambour ni trompette, accomplit les œuvres du Royaume, jour après jour.
Cela peut se faire en restant vigilant pour extraire toute racine naissante d’injustice, de haine ou de mensonge et en travaillant sans relâche à l’existence de relations plus équitables et plus harmonieuses, à l’amélioration de notre capacité à pardonner et à espérer, à sourire et à offrir un verre d’eau fraîche ou juste un peu de tendresse, à n’importe qui, n’importe quand et n’importe où, mais pas n’importe comment : avec amour et un joyeux enthousiasme !
Que ceux et celles qui ont des oreilles pour écouter, entendent. Amen !
Samuel V. Dansokho
Eglise Unie St-Pierre et Pinguet
Ecritures
2 Rois 4.8-11, 14-16
8Une autre fois, Élisée était passé par le village de Chounem. Il y avait là une femme riche qui avait insisté pour qu’il vienne prendre un repas chez elle. C’est pourquoi, depuis ce jour, Élisée allait toujours manger chez elle quand il passait dans cette région. 9Cette femme dit à son mari : « Je suis sûre que cet homme qui passe toujours chez nous est un saint prophète de Dieu. 10Nous devrions construire une petite chambre à l’étage supérieur de la maison et y mettre pour lui un lit, une table, un siège et une lampe. Il pourrait loger là quand il passe chez nous. » 11C’est ainsi qu’un jour Élisée vint chez ces gens et monta dans la petite chambre pour y passer la nuit. … 14Élisée dit alors à Guéhazi : « Que faire pour elle ? » — « Eh bien ! répondit Guéhazi, elle n’a pas de fils, et son mari est âgé. » — 15« Rappelle-la donc ! » dit Élisée. Lorsqu’elle se présenta sur le pas de la porte, 16Élisée lui déclara : « L’an prochain, à la même époque, tu tiendras un fils dans tes bras. » Mais elle s’écria : « C’est impossible ! Toi qui es prophète de Dieu, ne me dis pas un mensonge ! »
Matthieu 10.37-42
37« Qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi. 38Quiconque ne prend pas sa croix et vient à ma suite n’est pas digne de moi. 39Qui aura assuré sa vie la perdra et qui perdra sa vie à cause de moi l’assurera.
40« Qui vous accueille m’accueille moi-même, et qui m’accueille, accueille celui qui m’a envoyé. 41Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète, et qui accueille un juste en sa qualité de juste recevra une récompense de juste. 42Quiconque donnera à boire, ne serait-ce qu’un verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, en vérité, je vous le déclare, il ne perdra pas sa récompense. »
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