Église Unie Pinguet

Culte du dimanche 16 novembre 2014

Lectures bibliques (TOB)

Psaume 51, 8-14

Voici, tu aimes la vérité dans les ténèbres, dans ma nuit, tu me fais connaître la sagesse. 9Ote mon péché avec l’hysope, et je serai pur ; lave-moi, et je serai plus blanc que la neige. 10Fais que j’entende l’allégresse et la joie, et qu’ils dansent, les os que tu as broyés. 11Devant mes péchés, détourne-toi, toutes mes fautes, efface-les. 12Crée pour moi un cœur pur, Dieu ; enracine en moi un esprit tout neuf. 13Ne me rejette pas loin de toi, ne me reprends pas ton esprit saint ; 14rends-moi la joie d’être sauvé, et que l’esprit généreux me soutienne !

Romains 7, 15-25

Effectivement, je ne comprends rien à ce que je fais : ce que je veux, je ne le fais pas, mais ce que je hais, je le fais. 16Or, si ce que je ne veux pas, je le fais, je suis d’accord avec la loi et reconnais qu’elle est bonne ; 17ce n’est donc pas moi qui agis ainsi, mais le péché qui habite en moi. 18Car je sais qu’en moi – je veux dire dans ma chair – le bien n’habite pas : vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l’accomplir, 19puisque le bien que je veux, je ne le fais pas et le mal que je ne veux pas, je le fais. 20Or, si ce que je ne veux pas, je le fais, ce n’est pas moi qui agis, mais le péché qui habite en moi. 21Moi qui veux faire le bien, je constate donc cette loi : c’est le mal qui est à ma portée. 22Car je prends plaisir à la loi de Dieu, en tant qu’homme intérieur, 23mais, dans mes membres, je découvre une autre loi qui combat contre la loi que ratifie mon intelligence ; elle fait de moi le prisonnier de la loi du péché qui est dans mes membres. 24Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps qui appartient à la mort ? 25Grâce soit rendue à Dieu par Jésus Christ, notre Seigneur! Me voilà donc à la fois assujetti par l’intelligence à la loi de Dieu et par la chair à la loi du péché.

Matthieu 9, 9-13

Comme il s’en allait, Jésus vit, en passant, assis au bureau des taxes, un homme qui s’appelait Matthieu. Il lui dit : « Suis-moi. » Il se leva et le suivit. 10Or, comme il était à table dans sa maison, il arriva que beaucoup de collecteurs d’impôts et de pécheurs étaient venus prendre place avec Jésus et ses disciples. 11Voyant cela, les Pharisiens disaient à ses disciples : « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les collecteurs d’impôts et les pécheurs ? » 12Mais Jésus, qui avait entendu, déclara : « Ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. 13Allez donc apprendre ce que signifie : C’est la miséricorde que je veux, non le sacrifice. Car je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs. »

Prédication :

« Réflexion sur le péché en partant d’un mot d’enfant »

Par Gérald Doré, pasteur desservant

Julia, quatre ans, une de nos petites-filles, a un tempérament plutôt coléreux. Un jour de l’été dernier, alors que nous la gardions et que je l’avais réprimandée pour je ne me souviens plus quoi, elle m’a répliqué par des gros mots. « Espèce de… » et je vous laisse imaginer le reste. Comme font ses parents dans ce genre de situation, je l’ai mise « en conséquence », le terme à la mode, qu’elle comprend, pour dire ce que nous appelions dans le temps une « punition ». En fait, je l’ai envoyée réfléchir dans sa chambre. Elle y est bien allée, mais en claquant la porte si fort qu’on pouvait craindre qu’elle sorte de ses gonds. En réalité, ce n’était pas la porte, mais notre chère petite Julia qui sortait de ses gonds! Je suis entré dans la chambre, je l’ai prise dans mes bras et je l’ai assise près de moi sur le lit en la tenant. « Lâche-moi! », qu’elle m’a dit. Je ne l’ai pas lâchée pour autant et je lui ai parlé doucement. Elle a commencé à se calmer et j’ai pu lui poser sur un ton affectueux la question suivante : « Julia, pourquoi tu fais ça? » Écoutez bien sa réponse. Elle correspond exactement à ce que l’apôtre Paul vient de nous dire dans sa lettre à la communauté chrétienne de Rome et qui nous concerne tous.

Julia a répondu : « Grand-papa, je peux pas m’en empêcher! » L’apôtre Paul, lui, a écrit, nous venons de le lire : « …le mal que je ne veux pas, je le fais. » (Rm 7, 19). Julia ne connaît pas de mot pour dire ce qui lui arrive quand elle fait ce que ses éducateurs et éducatrices, qu’elle aime, essaient de lui apprendre à ne pas faire ou, en termes plus positifs, quand ils essaient de lui apprendre à maîtriser son tempérament fougueux. Paul, lui, est dans la continuité de la tradition biblique dont il est un fin connaisseur en tant que rabbin. Il emploie le mot péché pour qualifier le décalage entre ce qu’il sent devoir faire et ce qu’il fait en réalité. « Or, écrit-il, si ce que je ne veux pas, je le fais, ce n’est pas moi qui agis, mais le péché qui habite en moi. » (Rm 7, 20).

Paul ne parle pas ici des infractions que l’on commet, en désobéissant sans s’en rendre compte à une règle établie, comme de passer par distraction sur un feu rouge. La Torah, dans les cinq premiers livres de l’Ancien Testament, est tellement pleine de pratiques rituelles et de prescriptions alimentaires qu’un bon Juif pouvait manquer à l’une ou l’autre par ignorance, par distraction ou par manque de temps. Il était devenu sans s’en rendre compte en état de péché et devait éventuellement se soumettre à un rite de purification pour se sortir de cet état. Et il se trouvait toujours quelqu’un pour se donner la fonction de gardien des règles et faire sentir aux autres leurs manquements. Jésus était très dur pour ce genre de personnage. « Ils lient de pesants fardeaux et les mettent sur les épaules des autres, disait-il, alors qu’eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt. » (Mt 23, 4).

Dans le passage que nous avons lu de sa lettre aux Romains, Paul, dans la suite de Jésus, ne se place pas du tout dans cette position d’un surveillant aux aguets des manquements des autres. Il nous parle plutôt de sa propre expérience subjective, de sa déception de ne pas être à hauteur de la conception qu’il se fait du bien. La zone du péché, c’est, pour lui, là où se produit le décalage entre l’idée qu’on se fait du bien et la manière dont on agit en réalité. « … je découvre, écrit-il, une autre loi qui combat contre la loi que ratifie mon intelligence; elle fait de moi le prisonnier de la loi du péché qui est dans mes membres. » (Rm 7, 23). Cette déception sur lui-même le conduit au bord du découragement d’où il lance un appel au secours. « Malheureux homme que je suis! Qui me délivrera de ce corps qui appartient à la mort? » (Rm 7, 24).

Depuis le temps de Jésus et de Paul, la psychologie nous a appris beaucoup de choses sur ce qui détermine le comportement humain. Nous savons que nous sommes influencés par l’héritage génétique qui nous vient des générations qui nous ont précédés. Nous sommes conditionnés aussi par l’éducation que nous avons reçue, de même que par les idées, les modes et la culture de l’époque dans laquelle nous vivons. Nous restons responsables des gestes que nous posons, mais en même temps, quand nous sommes de bonne foi, beaucoup de circonstances atténuantes peuvent contribuer à les expliquer.

Sans disposer de toutes les connaissances que les sciences humaines allaient apporter longtemps après lui, et sur la seule base de l’inspiration spirituelle qui l’habite, Jésus ne joue pas à culpabiliser les personnes qui croisent son chemin. Il demande, bien sûr, « aux foules et à ses disciples » de prendre en considération tout ce que peuvent dire ceux qui ont la responsabilité de formuler, d’interpréter et d’enseigner les lois de sa société (Mt 23, 1-3). Mais, en même temps et du même souffle, il interpelle les personnes dans ce qu’elles ont de meilleur en elles, indépendamment de leurs écarts de conduites à l’égard des règles en vigueur et des comportements reconnus comme acceptables dans sa société.

Dans l’extrait de l’évangile de Matthieu que nous venons de lire, Jésus invite un collecteur d’impôt à faire partie du groupe de ses disciples, tout en sachant que comme pour les autres de son métier, la société fait peser sur lui un lourd soupçon de fraude. Et le texte ajoute que « comme il était à table dans sa maison (c’est-à-dire la maison de ce collecteur d’impôt), il arriva que beaucoup de collecteurs d’impôt et de pécheurs étaient venus prendre place avec Jésus et ses disciples. » Aux Pharisiens, donc aux gardiens de la loi, qui le lui reprochent, Jésus répond non par un argument légal, mais plutôt par une parole prophétique tirée du livre d’Osée : « Allez donc apprendre ce que signifie : C’est la miséricorde que je veux, non le sacrifice. » (Os 6, 6); la miséricorde à l’égard des autres, à l’image de l’esprit de miséricorde que, selon Jésus, Dieu exerce à notre égard. En d’autres mots, ce qui pour Jésus est signe du règne de Dieu, ce ne sont pas des rites censés effacer le péché, mais un refus de nous condamner nous-mêmes et de condamner les autres, en même temps qu’une attention portée sur ce qu’il y a de meilleur en nous et dans les personnes qui font partie de nos vies.

Plutôt qu’un esprit légaliste et moralisateur, Jésus répand autour de lui « l’esprit généreux » auquel fait allusion le dernier verset du psaume que nous avons lu (Ps 51, 14). Dans l’évangile de Matthieu, il l’affirme avec encore plus de vigueur, et de manière à provoquer ceux qui se voient comme sans péché. En effet, il y confronte « les grands prêtres et les anciens du peuple » (Mt 21, 23), en leur disant: « … collecteurs d’impôt et prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu. » (Mt 21, 31). La religion qui a joué pendant des siècles sur la culpabilité et la peur d’une damnation éternelle comme conséquence de ce qu’elle définissait comme péché, cette religion avait oublié tout un pan de l’enseignement de Jésus. Contrairement à ce qu’a fait, et fait encore peut-être, cette religion qui se cache sous le nom de chrétienne, Jésus n’est pas celui qui nous met le nez dans nos péchés. Jésus est celui qui nous « remet » (c’est-à-dire pardonne) nos péchés. Dans l’évangile de Jean, il nous dit : « … ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. » (Jn 20, 23). Dans notre tradition réformée, cette parole est comprise comme étant adressée à tous ceux et celles qui se veulent disciples de Jésus et non seulement aux membres d’un clergé.

Vu la nature d’un tel enseignement, il n’est pas surprenant que l’apôtre Paul trouve en Jésus la consolation de son drame intérieur, ce drame qui lui fait s’en vouloir de ne pas être meilleur, lui qui pourtant, pour ce qu’on en sait, n’était pas si méchant. « Grâce soit rendue à Dieu par Jésus Christ, notre Seigneur! », s’écrie-t-il.

Pour en revenir à notre chère petite Julia, je suis content de l’avoir traitée avec tendresse dans sa grande colère. Il faut, bien sûr, qu’elle apprenne graduellement à se maîtriser, mais elle est trop jeune pour tomber dans la grande détresse de Paul devant les imperfections de sa petite personne. Et qui sait? sa capacité de révolte et de colère servira peut-être un jour une grande cause, à la manière de Jésus.

Amen.