Il y a des croyants, il y a des croyantes, qui pensent qu’il est inutile de demander à Dieu d’intervenir dans nos vies et dans le monde. Je me souviens avoir lu que ce point de vue a été défendu par un théologien américain, célèbre au 18e siècle, Jonathan Edwards, un protestant comme nous. Pour lui, Dieu était à l’origine de l’univers. Il avait minutieusement réglé de toute éternité le cours des choses et il n’allait pas le changer pour accommoder les demandes d’une personne ou d’un groupe particulier. Pas de place donc pour la prière de demande et la prière d’intercession.
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Afin de l’apprécier pleinement, il est préférable de lire, au préalable, les textes bibliques dans la version TOB, accessibles via le site http://lire.la-bible.net/. |
Suivant cette façon de penser, il ne nous resterait qu’à assumer devant Dieu notre condition humaine dans l’univers, en prenant conscience des lois de la nature et en nous y soumettant : naître, vivre, être en forme ou être malade, dominer la nature ou subir les catastrophes naturelles, enfanter ou ne pas enfanter, être heureux ou malheureux…et mourir, pour passer du monde naturel au monde surnaturel.
Ce n’est pas ainsi que la Bible voit les choses. Le 1er chapitre de la Genèse nous présente Dieu comme l’Être qui crée du bien et de la bonté à partir du chaos. La traduction de Segond dit qu’avant la création, « la terre était informe et vide », la traduction œcuménique (TOB) dit que « la terre était déserte et vide » (Gn 1, 2). En réalité, ce que dit le texte hébreu, c’est « la terre était tohu-bohu », un mot qui a été repris dans le dictionnaire français et qui y est présenté comme synonyme de chaos. À partie du chaos des origines, Dieu crée ce qui est bon. Rappelez-vous le refrain que place le livre de la Genèse après chacune des étapes de la création : « Dieu vit que cela était bon ». Ce qui est placé par le livre de la Genèse à l’origine de l’univers continue, en réalité, à se produire aujourd’hui. « Nous croyons en Dieu qui a créé et qui continue à créer », dit notre confession de foi. À partir du chaos de notre monde, et parfois de nos vies, Dieu vient à nous pour créer de la bonté. Ce que l’apôtre Paul dit pour son temps vaut encore pour aujourd’hui : « …la création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l’enfantement. » (Rm 8, 22).
Quand nous nous adressons à Dieu pour lui demander plus de bonté, plus de beauté, plus de paix dans le monde et dans nos vies, nous nous associons à son œuvre de création. Il en va de même quand nous lui demandons la santé pour nous ou pour ceux et celles qui se recommandent à nos prières. L’apôtre Paul ajoute, en effet, que « nous aussi… nous gémissons intérieurement, attendant l’adoption, la délivrance pour notre corps. » (Rm 8, 23).
D’un point de vue biblique donc, il est légitime que nous adressions à Dieu nos prières de demande et d’intercession. Dans le passage que nous venons de lire, le prophète Jérémie met dans la bouche de Dieu cette parole adressée à Israël : « vous m’adresserez vos prières et moi, je vous exaucerai. » (Jr 29, 12). Six siècles plus tard, l’apôtre Paul écrit à la communauté chrétienne de la ville de Philippes : « Ne soyez inquiets de rien; mais en toute occasion, par la prière et la supplication, accompagnées d’actions de grâce, faites connaître vos demandes à Dieu. » (Ph 4, 6).
Cela veut-il dire que nous pouvons demander et obtenir n’importe quoi? Comme gagner à la Loto? Ou, si on est catholique, obtenir du beau temps pour un mariage en mettant un chapelet sur la corde à linge? Ou, plus sérieusement, ne jamais être malade, être toujours à l’abri des épreuves de la vie et obtenir à tout coup une guérison pour une personne qu’on aime? On pourrait le penser en lisant la parole suivante de Jésus séparée du reste du texte où elle apparaît : « Demandez, on vous donnera » (Lc 11, 9). On nous donnera, à n’en pas douter, mais pas n’importe quoi. On nous donnera ce qui entre dans le projet de Dieu sur nos vies.
Dans le passage du livre de Jérémie que nous venons de lire, Dieu complète son message par ces mots : « Moi, je sais les projets que j’ai formés à votre sujet – oracle du Seigneur -, projets de prospérité et non de malheur : je vais vous donner un avenir et une espérance . » (Jr 29, 11). Dans le passage de l’épître aux Philippiens que nous avons lu, l’apôtre Paul complète sa pensée en écrivant : « …faites connaître vos demandes à Dieu. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos pensées en Jésus Christ. » (Ph 4, 6-7).
Jésus lui-même encourage la prière de demande. Il a bien dit : « Demandez, on vous donnera », mais, comme nous l’avons lu, il a bien précisé ce qui nous est donné en réponse à nos prières : toujours quelque chose de bon pour nous, même si cela n’est pas toujours évident sur le coup. Jésus dit : « Si donc vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux (et celles) qui le lui demandent. » (Lc 11, 13). La voilà la réponse à toutes nos prières de demande et d’intercession. Dieu fait travailler en nous son Esprit pour nous aider à trouver ou retrouver la paix du cœur, signe de sa bienveillante miséricorde, au milieu des épreuves de la vie, des méchancetés humaines et des catastrophes d’une création « encore dans les douleurs de l’enfantement ». (Rm 8, 22).
Dans le même ordre d’idée, je vous lis une des dernières pensées qu’a écrites un des grands auteurs spirituels de la fin du vingtième siècle, Henri Nouwen. « Dieu a fait de nous ses enfants bien-aimés et il nous a envoyés en ce monde. Dans chacun de nos passages, dans chacune de nos pertes, nous avons appris à nous aimer les uns les autres en tant qu’époux, parents, frères ou sœurs. Nous nous soutenons les uns les autres, nous nous aidons à traverser les passages de la vie et ensemble nous grandissons dans l’amour. Finalement, nous sommes appelés à l’exode et nous quittons ce monde pour entrer en pleine communion avec Dieu. »1 (Fin de la citation).
Une des plus belles prières de demande qui a été écrite au vingtième siècle est celle du pasteur et théologien Reinhold Niebuhr (1892-1971). C’est une prière bien connue, qui a notamment été adoptée par les Alcooliques Anonymes. Le passage de cette prière le plus souvent cité est le suivant : « Dieu, donne-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne peux changer, le courage de changer celles que je peux, et la sagesse de connaître la différence entre les deux. »
Oui, prions. Demandons cette sérénité, ce courage et cette sagesse. Demandons à Dieu son Esprit Saint. Dieu entend notre prière.
Amen.
Par Gérald Doré, pasteur desservant
1 Henri Nouwen. Rentrer chez soi. Montréal, Novalis, 2004 [1996] : 108-109.
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