Pour les gens qui se préoccupent de l’avenir de l’Église, on peut trouver des centaines de spécialistes qui offrent leur diagnostique pour expliquer pourquoi le corps du Christ est si mal en point ces temps-ci. Articles du style : 10 raisons pour lesquelles les moins de 50 ans ne veulent RIEN savoir de l’Église. Bien sûr il y a tous les scandales, les chicanes sur la question de la sexualité, par exemple, (question que la majorité des jeunes ne se posent plus depuis longtemps). Mais, plus souvent qu’autrement, la première raison donnée par les auteurs peut se résumer un deux mots : C’est plate !
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
Il faut se poser la question. Comment en est-on arrivé là ? Jésus est la tête de ce corps que nous formons et selon le portrait qu’en font les Évangiles, c’est un bon vivant, c’est le moins qu’on puisse dire. Peut-être même un fêtard… que certains vont jusqu’à traiter d’ivrogne (Matthieu 11, 19). Et dans l’Évangile de Jean, c’est à une noce bien arrosée que débute son ministère public. Jésus est manifestement tout sauf plate.
C’est quand même fascinant, non ? Assez pour susciter l’intérêt de quelques curieux, ne trouvez-vous pas ? Selon Jean, le premier « signe » de Jésus, la première manifestation de la gloire de Dieu à l’œuvre en Jésus, ce n’est pas une guérison époustouflante ou une prédication saisissante… c’est un geste qui permet à quelqu’un… on ne sait pas qui… de sauver la face.
Dans une société où l’hospitalité est archi-importante, manquer de vin, c’est une faute sociale monumentale, qui entacherait la réputation des hôtes pour longtemps. On comprend alors que la mère de Jésus prenne celui-ci à part et lui dise : « L’heure est grave, fais quelque chose! »
Et là Jésus le « bon vivant » donne l’impression de devenir un vrai casseux de party : « Que me veux-tu, femme? Mon heure n’est pas encore venue. » Rien comme une noce pour faire ressortir les tensions familiales, vous dites-vous, peut-être. Dans la version grecque originale, Jésus dit à sa mère : « Qu’y a-t-il pour toi et pour moi? » une formule hébraïque utilisée pour écarter une intervention qu’on jugeait déplacée. En gros, Jésus lui dit : « Y a d’autres choses qui devraient retenir notre attention. Nous risquons de passer à côté de l’essentiel en focussant sur cette question. » Oui, Jésus a raison. Parfois, dans nos vies personnelles et comme Église, nous fixons tellement les petits détails de notre quotidien que nous perdons de vue la vision d’ensemble. L’heure de Jésus, ce qui mérite toute notre attention, c’est sa mort et sa résurrection.
Jésus ne nous dit pas que nos soucis, nos préoccupations et nos problèmes ne sont pas importants. Jésus intervient, après-tout, en faveur de son hôte pour le « sauver » de l’embarras. Jésus n’est donc pas insensible à « nos petits problèmes ». On n’a pas tort de les lui confier. Mais Jésus nous dit que c’est à « son heure » que nous pouvons mettre nos pendules à l’heure. Son heure… sa mort, sa résurrection… nous permet de mettre les choses en perspective. C’est ce qui donne un sens à tout ce que nous vivons. Beau temps, mauvais temps, c’est ce qui nous permet de comprendre et de nous positionner, nous orienter, face à ce que nous vivons.
C’est à travers le prisme de sa mort et sa résurrection que le signe de Cana prend tout son sens. Comme je l’ai déjà dit, dans ce premier signe, Jésus ne fait rien « d’essentiel ». Il ne fait rien pour apporter la paix, pour éradiquer la faim dans le monde. Le manque de vin ne menace aucunement la survie des convives, ni même leur soif possible, puisqu’il y a de l’eau. Ce qui est menacé ici, c’est la joie du moment présent. C’est la fête. Mais cette fête évoque bien plus qu’un moment de divertissement ou d’oubli passager (qui nous laisse toujours sur notre faim). A cet égard je pense à une vidéo-clip que j’ai relayée sur notre page Facebook. Une étudiante à la maitrise en philosophie qui, pendant plusieurs années, cherchait à « mettre du piquant » dans sa vie (qu’elle qualifiait de « platte ») en courant après des sensations fortes et en faisant la fête. Mais ces divertissements n’ont pas assouvie sa soif de vivre intensément, sa soif de sens, sa soif de vérité. L’euphorie lui permettait d’oublier pour un moment son mal de vivre… mais ne faisait rien pour l’apaiser vraiment. C’est lorsqu’elle a découvert l’Église, et cette autre fête, que tout a changé pour elle. Ce qu’elle a trouvé, dans une paroisse que certains trouveraient sûrement platte, c’est la fête n’abolit pas nos défis, nos soucis, nos préoccupations et tout ce qui nous menace dans la vie. La fête évoqué par la noce de Cana. Cette fête devient signe, c’est-à-dire qu’elle nous pointe, elle nous oriente, vers le règne de Dieu, cette fête par excellence qui nous surprend au delà de tout ce que nous pourrions demander ou même imaginer.
Dans la Bible, la noce symbolise l’alliance, la relation indissoluble entre Dieu et son peuple, qui sera scellée par la venue du Messie. À Cana, le geste prodigieux de Jésus nous ouvre à un nouveau type de relation avec Dieu. L’eau destinée aux rituels de purification est transformée en vin. La présence de Jésus nous permet de passer de rituels mettant l’accent sur le péché qui nous sépare de Dieu à la communion, état de grâce offert gratuitement qui nous lie de manière festive à Dieu au plus intime de nos de notre existence. Les barrières érigées entre les gens qui sont acceptables et ceux qui ne le sont pas, les gens qui sont invités à savourer l’abondance des dons de Dieu et ceux qui ne le sont pas, toutes ces barrières sont emportées par le vin qui coule désormais à flot (6 jarres de 2 à 3 mesures chacune, c’est entre 500 et 700 litres environ). Il y en a pour faire un méchant party où toutes et tous ont plus que le stricte minimum! Pis c’est pas de la piquette. Peu importe ce qu’on a bu jusqu’à présent, ce que Jésus nous offre dès aujourd’hui, c’est le meilleur. Il y a de quoi réjouir même le plus triste des cœurs. Cette promesse, Jésus l’a scellée de sa vie : au delà des peines, des tristesses, des souffrances, des deuils à travers lesquels nous aurons à passer, il y a une joie que nulle ne pourra nous enlever, une lumière que rien ne pourra éteindre.
Cette joie, nous ne pourrons pas la garder jalousement pour nous-mêmes. Au cours des semaines à venir, Jésus va nous appeler à inviter d’autres au festin… C’est pour le bien commun que Dieu nous a accordé une diversité de dons… afin que toutes et tous puissent « boire au fleuve de sa bonté ». À tous ceux et celles qui rétorqueront, « Boff, l’Église, c’est platte ! » Puissions-nous répondre : « Allons boire. Oui… oui…oui… car le vin est bon! » Amen!
Par Darla Sloan, pasteure
Le 17 janvier 2016 – 2 Épiphanie C16 – Église unie St-Pierre
TEXTES BIBLIQUES
Psaume 36, 6-10
1 Corinthiens 12, 4-11
Jean 2, 1-11
2 commentaires
Fête et célébration font partie du vocabulaire religieux. De la vie et des leçons de Jésus apprises à l’école, peut-être, la société québécoise ne semble avoir retenu que les contraintes et les déceptions d’une église hiérarchique qui imposait des doctrines coulées dans le béton. La théologie de l’église unie, étant évolutive, tout en reposant sur des assises bibliques, encourage l’inclusion et la conversation, tout comme un bon party chez des proches.
Belle vision conviviale! Merci d’être des nôtres et de prolonger le party via la Toile.