Dans son catéchisme protestant, le pasteur Antoine Nouis écrit : Si de petites touches nous rappellent tout au long de l’Évangile que Jésus était un homme de prière (il priait parfois des nuits entières), le contenu même de ses prières nous est rarement rapporté, comme si sa prière appartenait à son jardin secret, à l’intimité de sa relation avec son Père. (…) Cette discrétion de Jésus par rapport au contenu de sa prière a dû agacer les disciples qui lui en ont fait le reproche : «Seigneur, enseigne-nous à prier, comme Jean l’a enseigné à ses disciples».

L’évangéliste Luc nous présente donc aujourd’hui l’enseignement de Jésus sur la prière comme d’autres l’ont fait, et notamment Matthieu dans le sermon sur la montagne.

Le contexte de la demande des disciples laisse entendre que les maîtres spirituels enseignent la prière à leurs disciples comme Jean l’a appris à ses disciples, parce que la prière est ce lien privilégié qui lie le disciple à son maître, parce que c’est à travers la prière que se transmettent les grandes vérités des diverses croyances. Quand le bouddhiste se retire dans le silence de sa méditation il cherche à trouver la « libération », « l’état de félicité ou l’état de paix » du nirvana. Quand l’hindou répète le mantra de la vibration divine du «OM» primordial, c’est pour lui une recherche du divin présent en chaque individu. Quand le musulman s’arrête dans un moment d’adoration et de soumission à Allah comme le lui enseigne le Prophète, il rend présent dans sa vie un verset explicite du Coran « Rien n’est tel que Lui ». Quand le chrétien prend, lui aussi, le moment de la prière, il découvre la très grande proximité de son Dieu.
En Jésus-Christ, en effet, Dieu s’est fait proche. Plus que créateur et sauveur, l’évangile nous révèle que Dieu est Père, et même Papa, comme le dira aussi l’apôtre Paul avec le beau mot ABBA (selon l’expression araméenne utilisée par des enfants pour appeler leur père) (Rm. 8, 15 et Ga. 4, 6).
Jésus nous convie donc à l’intimité avec Dieu dans et par la prière. Jésus enseigne à ses disciples l’élément fondamental de la foi qui nous anime : Dieu est Père ; et si Dieu est Père, nous sommes, tous et toutes, chacun et chacune d’entre nous, comme tous les autres qui sont près ou loin de nous, les enfants d’une même famille.
C’est donc quand le chrétien se met en prière, comme Jésus le lui enseigne, qu’il se met à l’écoute de l’essentiel du message évangélique : Père, que ton Nom soit sanctifié…, mais aussi Donne-nous chaque jour notre pain quotidien. Donne-nous, pourrions-nous dire, à tous la nourriture qui fait vivre et qui fait grandir ton Règne, Règne de justice et de paix, Règne d’amour et de vérité. Donne-nous d’être si attachés à Jésus et à son Évangile que nous soyons capables d’en vivre et d’en témoigner.
Nous le constatons, dans la parabole de l’ami importun qui suit immédiatement l’enseignement sur la prière, Dieu donne, Dieu se donne à l’ami importun qui le prie, qui insiste plutôt plus que moins. Et Dieu donne généreusement à celui qui sait partager. En effet, l’ami importun ne va pas déranger son Ami pour répondre à ses propres envies ou à ses propres besoins. Non, il demande parce que, dit-il, un de mes amis vient d’arriver de voyage chez moi et je n’ai rien à lui offrir.
Ce qui compte ici dans la prière, c’est de demander toute l’aide requise pour assumer pleinement ce devoir d’hospitalité qui était si sacré dans les civilisations anciennes. Accueillir l’autre, c’est, en effet, reconnaître toute sa dignité d’enfant de Dieu. Prier, on le reconnaît ainsi aisément, c’est se mettre en position de répondre à l’appel du Maître tel qu’Il l’a exprimé dans son discours d’adieu selon saint Jean : Aimez-vous les uns les autres comme je vous aime (…) Ce que je vous commande, donc, c’est de vous aimer les uns les autres. (Jn 15, 12 et 17)
L’image retenue n’est pas neutre, écrira encore le pasteur Nouis dans son catéchisme protestant : un ami va voir un ami, un fils va voir son père (…) Dans le langage de la Bible, nous sommes créatures devant Dieu (…) En Jésus-Christ, le Créateur est devenu Ami et Père. Prier, c’est s’affirmer comme créature, comme enfant, comme ami, c’est trouver notre juste relation avec Dieu.
À nous qui concevons trop souvent la prière comme un moyen de faire pression sur Dieu afin de l’amener à reconnaître la justesse de notre cause, les exemples de Jésus (…) nous montrent que la prière est aussi le combat pour inscrire notre vie dans la volonté du Père.

• La prière est parole. Elle dit la vérité de notre vie devant Dieu, elle est demande (…)

• La prière est écoute. Elle écoute la vérité de Dieu sur notre vie.

AMEN.

Par Pierre Nadeau

Prédication du 24 juillet 2016 pour le 17^e dimanche ordinaire (C)

LECTURES BIBLIQUES

Genèse 18, 20-32

Luc 11, 1-13