Vous avez revêtu l’homme nouveau, celui qui, pour accéder à la connaissance, ne cesse d’être renouvelé à l’image de son créateur ; là, il n’y a plus Grec et Juif, circoncis et incirconcis, barbare, Scythe, esclave, homme libre, mais Christ : il est tout et en tous. Colossiens 3, 10-11
Voici venus les jours d’indolence propre aux semaines de grande chaleur. En sirotant une boisson glacée et en admirant l’éclat estival de la nature, on rêvasse facilement : les derniers mois (parfois les années) défilent, les souvenirs de voyage, d’évènements significatifs, de personnes rencontrées montent en nous, souvent associés à des musiques, des atmosphères, des sentiments diffus et pourtant éminemment évocateurs. La trame de nos vies. Me sont revenues en mémoire les chansons de Cat Stevens, très populaire à l’été 1970; ces textes parlaient à mon âme son langage, bien avant que je discerne que, à travers cette poésie évocatrice, c’était l’Esprit divin qui m’invitait à sa rencontre. Where Do the Children Play, I Think I See the Light, et bien sûr Peace Train en sont des exemples. Un peu plus tard, j’ai reçu un cadeau unique, le don de la foi. Jésus est devenu quelqu’un de réel, de vivant pour moi : et j’ai alors ressenti la réalité du Christ cosmique, en tout et en tous, du Sauveur du monde autant que de moi. De son côté, à peu près à la même époque, Cat Stevens a lui aussi vécu une transformation, illuminé par la splendeur du Dieu unique, et il a pris un nom qui était la confession de sa foi nouvelle : Yusuf Islam. L’un comme l’autre nous avions vécu une expérience spirituelle radicale, selon les Écritures chrétiennes, nous avions revêtu l’homme nouveau, celui qui, pour accéder à la connaissance, ne cesse d’être renouvelé à l’image de son créateur. Un tel changement peut être associé à un instant particulier, le moment de la conversion, mais demeure en fait l’aboutissement, le fruit d’un long processus qui ne peut ni ne doit jamais s’arrêter; tout au contraire se poursuivre, évoluer, se nuancer au fil de la maturité et des expériences de vie.
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
À la lumière de l’actualité tragique de la semaine, du déferlement d’hostilité, de suspicion croissante et de généralisations outrancières à l’égard de l’islam, je me suis rappelé que Cat/Yusuf et moi, il y a plus de 45 ans, nous partagions les mêmes valeurs et de semblables orientations du cœur et que, en autant que je sache, c’était toujours le cas. En revenant à la foi de mon enfance, d’abord en contexte catholique puis, par choix, au sein du protestantisme, je n’ai jamais souhaité entériner les atrocités et les imbécilités qui se réclament du Christ, hier comme aujourd’hui, tout comme la majorité des chrétiens sur la planète. Je suis persuadé qu’il en va de même pour Cat/Yusuf et pour la majorité des musulmans dans le monde.
Aux journalistes qui l’accompagnaient en Pologne pour les Journées Mondiales de la Jeunesse, le pape François déclarait mercredi dernier suite à l’assassinat du père Jacques Hamel : Le monde est en guerre, mais pas de religions. Le monde est en guerre parce qu’il a perdu la paix. Mais quand je parle de guerre, je parle d’une guerre d’intérêts, d’argent, de ressources, pas de religions. Toutes les religions veulent la paix, ce sont les autres qui veulent la guerre…
Il y a deux mois lors du culte, j’ai proposé à notre réflexion des considérations sur la violence et sa récupération religieuse, à partir d’un passage du livre des Rois qu’on peut qualifier d’horrible, alors que le prophète Élie égorge les prophètes de Baal. Cette semaine, la mise à mort de ce prêtre de 86 ans, dans l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray, par deux jeunes djihadistes (nouveaux convertis semble-t-il) qui ont utilisé la même méthode d’exécution qu’Élie, l’égorgement, a soulevé un haut de cœur généralisé et une indignation universelle, et ce de la part de tous les groupes religieux. Deux jeunes Français, 19 et 20 ans, avec des problèmes de comportement et d’intégration sociale, récemment « convertis » à l’islam semble-t-il. Pourtant, dans leurs gestes et leurs déclarations, je ne reconnais rien des fruits de l’Esprit divin, d’une transformation radicale de conversion, rien qui ressemble à l’amour, la paix et la fraternité universelle caractéristiques de mon expérience spirituelle et de celle de Cat Stevens. Et c’est cela qui me questionne profondément : comment une telle confusion est-elle possible? Ces jeunes sont de l’âge de nos enfants ou de nos petits-enfants. De toute évidence ils ont perdu leur boussole, les repères sains, et leurs aspirations à vivre pleinement ont été happées par une idéologie tordue, fondamentaliste. Conversion? Où est le Dieu très miséricordieux et compatissant dans une telle expérience spirituelle? En France comme ici, il nous faut constater que trop souvent nos enfants ont perdu le cap, alors que nos sociétés s’enfoncent dans l’individualisme consommateur et l’indifférence à l’impact sur autrui. N’y aurait-il pas ici un champ de mission immédiat que les circonstances nous proposent, à nous qui souhaitons être renouvelé[s] à l’image de [notre] créateur?
Enfin, il n’est pas anodin que ce meurtre ait été perpétré au moment et dans le lieu de la messe, mémorial du sacrifice sanglant de Jésus sur la croix pour le salut de l’humanité. À son âge, l’abbé Hamel ne s’attendait sûrement pas à trépasser comme les martyrs des premiers siècles, bouc émissaire d’une frustration existentielle profonde qui a revêtu les habits du zèle religieux au nom de la gloire de Dieu ! Le paradoxe ne peut être plus fort. La vie offerte du Nazaréen sur la croix a été comprise par les premiers chrétiens comme la réalisation de ce qui était symboliquement exprimé dans les sacrifices : la restauration de la pleine communion avec Dieu et des humains entre eux et avec la création, par la purification des fautes, de nos péchés et rébellions. Ce sacrifice ultime et final met le terme à tous les autres : Vous êtes morts, en effet, et votre vie est cachée avec le Christ, en Dieu; vous vous êtes dépouillés du vieil homme, avec ses pratiques.
Frères et sœurs, demandons à l’Esprit de nous protéger des débordements et de nous permettre de continuer à rouler dans le train de la paix, avec toutes les femmes, tous les hommes de bonne volonté, ce Peace Train, jadis chanté par Cat Stevens, aujourd’hui par Yusuf Islam. Car dans l’humanité au cœur de Dieu, il n’y a plus Grec et Juif, circoncis et incirconcis, barbare, Scythe, esclave, homme libre, mais bien des hommes et des femmes qui œuvrent pour l’harmonie, la concorde, le partage, la justice et la paix. C’est cela être un en Christ! Amen.
(** Plus bas, vous trouverez la déclaration sur les relations entre l’Église Unie du Canada et l’islam et la prière des noms de Dieu **)
Denis Fortin, pasteur
31 juillet 2016
St-Pierre / 11e dimanche de Pentecôte « C » / 31 juillet 2016
LECTURES BIBLIQUES
Psaume 49
Colossiens 3,1-11
Qohélet 1,2.12-14; 2,18-23
Luc 12, 13-21
Déclaration sur les relations entre l’Église Unie du Canada et l’islam
L’Église Unie du Canada :
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Reconnaît, au sein du christianisme, l’existence d’un long passé d’hostilité et d’incompréhension à l’égard des musulmans et de l’islam et désire s’engager dans une démarche de réconciliation avec ses voisins musulmans.
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Reconnaît le témoignage prophétique de Mahomet et admet que la miséricorde, la compassion et la justice divines sont exprimées dans le Coran, considéré par les musulmans comme la parole de Dieu ayant autorité.
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Affirme que Dieu, dont l’amour manifesté par Jésus Christ est sans limites, créateur et fructueux, ce Dieu agit de manière créative et rédemptrice, en nous, de même que Dieu œuvre aussi dans les autres.
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Affirme que Dieu œuvre de manière créative et rédemptrice dans la vie religieuse des musulmans. Nous partageons la foi en un Dieu unique et une origine spirituelle commune par la foi d’Abraham.
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Affirme que le Coran et les musulmans rendent un immense honneur à Jésus en tant que prophète.
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Affirme le témoignage de l’islam en tant que religion de paix, de miséricorde, de justice, et de compassion.
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Affirme, avec les musulmans, une vision commune de l’humanité qui conduit à une collaboration pour la paix et la justice dans le monde.
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Souhaite que les relations entre chrétiens et musulmans ne soient plus bornées par notre passé tissé d’ignorance, d’indifférence et de mauvaise volonté.
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Invite l’Église à engager un dialogue qui maintienne l’intégrité de chaque tradition, tout en laissant place à un témoignage fidèle de chacune et cela au moyen d’une écoute mutuelle attentive.
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Invite l’Église à trouver des occasions de collaborer avec des musulmans pour rechercher la justice et résister au mal.
© 2004
Les noms de Dieu
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