Voici que des anges le servaient : ou le Carême autrement

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp


Chercher le mot « carême » dans un dictionnaire ou un moteur de recherche. La première définition donnée sera fort probablement « une période de quarante jours d’abstinence et de jeûne… etc. etc. » – ce qui reflète assez bien ce que le carême est devenu avec le temps. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi les protestants l’ont rapidement abandonné. Nous sommes sauvés
par la grâce seule. Donc les protestants ont toujours regardé d’un œil suspicieux tout ce qui pourrait donner l’impression qu’on nos œuvres sont méritoires. Mais à en juger par l’extrait de l’Évangile proposé pour ce premier dimanche du temps du carême, il est réducteur de dire que le carême n’est qu’une période de jeûne.

Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits.


Le carême a été institué au quatrième siècle. Oui, ce temps a toujours été un temps de jeûne mais plus encore, il a été une période de préparation à la célébration de Pâques et au baptême pour les adultes ayant complété jusqu’à deux ans de catéchèse préalable. Depuis les premiers siècles, les récits de la tentation de Jésus (
les récits parce que la même histoire, à quelques détails près, est racontée dans Matthieu, Marc et Luc) ces récits donc ont accompagné les adultes qui désiraient entrer dans l’Église. Elles étaient aussi proposées aux chrétiens qui voulaient renouveler leurs promesses baptismales. De toute évidence, des chrétiens de tous les temps – ou presque – voient dans cette histoire des éléments fondamentaux à la vie chrétienne. J’aimerais en souligner trois ce matin.

Premièrement, il n’y a pas de mal à jeuner. Au contraire. Si la Bible nous dit que Jésus a jugé bon de jeuner, ça ne peut pas être mauvais en soi… même pour nous les Protestants.

Depuis quelques temps, de nombreux chrétiens cherchent à jeuner autrement… comme Jésus a jeuné… pas pour se punir ou se prévaloir de quelque mérite que ce soit… mais plutôt pour donner à Dieu et à ses commandements leur juste place dans leurs vies. Vu de cette manière, jeuner peut nous aide à vivre la Parole que nous proclamons : nous ne vivons pas de pain seulement mais de tout ce qui vient de Dieu, que Dieu nous nourrit comme rien d’autre. Pour ne donner que deux exemples, je connais des gens qui font un jeune de Facebook pendant le carême et qui utilisent le temps qu’ils auraient consacré aux fil de nouvelles sur les réseaux sociaux pour se rebrancher à la Bonne nouvelle de Jésus Christ dans les Écritures. J’ai une amie qui essaie de jeûner de son perfectionnisme, son désir de toujours tout avoir « sous contrôle » ainsi que de la culpabilité, de l’anxiété que ça génère. Elle essaie de pratiquer le lâcher-prise par la méditation.

En outre, pour ceux et celles qui, comme moi, vivent dans l’abondance, jeuner, c’est se rappeler Dieu a créé un monde pour nous donner ce dont nous avons besoin… et non pas tout ce dont nous avons envie. Prendre plus que notre part des dons de Dieu peut même tout gâcher. Notre première lecture ce matin a fait référence à la manne dont Dieu a nourri nos ancêtres dans le désert. Souvenez-vous de ce qui est arrivé à la manne quand des gens, de peur d’en manqué, ont essayé d’en garder jusqu’au lendemain ? Elle s’est gâtée (Exode 16, 20). Un jeûne planétaire, ne ferait-il pas du bien à la terre qui souffre de notre gourmandise mondiale?

Bien sûr que ce n’est pas facile. Il y aura des sacrifices à faire si on veut vraiment apprendre à vivre la foi que nous confessons. Il y aura plein de défis et des épreuves à traverser. Mais comme Jésus, nous savons que les épreuves font partie de la vie. C’est un autre aspect fondamental de la vie chrétienne qui nous est révélé dans l’Évangile de ce matin. Notre foi n’est pas une échappatoire, une inoculation contre toute épreuve. C’est la force et le courage d’affronter les épreuves, de les surmonter, et d’en sortir transformés.

Nous le voyons ce matin dans le récit des tentations de Jésus… ou les épreuves (dans le grec le mot tentation veut dire « épreuve ») auxquelles Jésus lui-même a dû faire face. Je pourrai parler longuement au sujet des trois tentations auxquelles l’accusateur a essayé de soumettre Jésus, comme il le fait à nous toutes et tous : l’avoir, le pouvoir et la gloire, c’est-à-dire le fait d’avoir tout ce qu’on veut, le pouvoir de manipuler le monde pour notre propre bien, et la recherche de notre propre gloire. Mais je pense que je vais garder ça pour après le culte lors du temps de partage si vous voulez.

Mon troisième et dernier point sera ce qu’on pourrait appeler la quatrième tentation. On en parle très peu dans les commentaires. Toutefois, c’est la tentation qui nous guette le plus, me semble-t-il. Laquelle ? Celle de l’autosuffisance. Nous vivons dans une société qui valorise (pour ne pas dire survalorise) l’individu, l’indépendance, les gens qui sont toujours « capabs de s’arranger tout seuls ». De façon générale, nous n’aimons pas nous montrer vulnérables. Nous n’aimons ni demander, ni accepter de l’aide. Mais avez vous remarqué ? Même Jésus n’est pas toujours capab. À la fin du récit de ce matin, quand tout est fini… (enfin !) des anges s’approchent et le servent. Jésus résiste à la tentation de l’autosuffisance. Il ne cache pas sa vulnérabilité. Celui qui va tout donner pour les autres, sait aussi recevoir des autres. 

En fait, tout ce que je viens de dire peut se résumer en un mot « équilibre ». Comme le disait Jean-Luc Fabre dans un commentaire sur l’Évangile de ce matin : « Pour (bien) vivre, l’être humain doit trouver à concilier intérieur et extérieur, apprendre à articuler justement le « donner » et le « recevoir » en toutes ses dimensions existentielles : individuelle, familiale, sociale, politique, professionnelle, personnelle… » Il me semble qu’à son meilleur, c’est ça le but du carême, nous aider à (re) trouver de l’équilibre dont nous avons besoin pour bien vivre… qu’on soit catéchumène ou chrétien-nne de longue date. Qu’il en soit ainsi, par la grâce de Dieu et la transformation du monde que Dieu aime tant. Amen.

Par Darla Sloan

5 mars 2017 – 1 Carême A17 – Église Unie Saint-Pierre

 

 

LECTURES BIBLIQUES

Deutéronome 8, 1-5

Matthieu 4, 1-11

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