Elles sont-tu folles ou quoi, ces femmes-là? D’abord, il y a Ruth. C’est une veuve sans enfants dans une société où le seul régime de prestations de survivants est le mariage à l’un des frères du défunt. C’était à la fois une manière de garder tous les biens matériels dans la famille ainsi qu’une façon de garantir la protection et la sécurité des femmes. Mais le mari de Ruth n’avait qu’un frère, lui aussi décédé. Son seul espoir, c’est de retourner dans son clan d’origine afin que ses parents essaient de lui arranger un autre mariage. Alors, pourquoi s’obstine-t-elle à rester avec Noémi ? Elle est-tu folle ? Non, elle est fidèle. Fidèle à Noémi, et surtout, surtout, fidèle au Dieu de Noémi. Ruth le Moabite a vécue de nombreuses années avec sa belle mère, assez longtemps pour que Noémi la considère comme sa propre fille. Et comme elle l’aurait fait pour sa propre fille, Noémi transmet à Ruth sa foi. Ruth promet d’aimer et de servir le Dieu de sa belle mère, le Dieu dont la loi se résume en deux commandements : aimer Dieu et aimer son prochain comme on souhaiterait être aimé. Si Ruth souhaitait ne pas être abandonnée, comment pouvait-elle abandonner Noémi ?
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
Je me demande si Ruth n’avait pas entendu Noémi prier le psaume 130. « Des profondeurs, je t’appelle, Seigneur : Seigneur, entends ma voix ; que tes oreilles soient attentives à ma voix suppliante. … Peuple de Dieu, mets ton espoir dans le Seigneur car le Seigneur dispose de la grâce et, avec largesse, du rachat. »
Le verbe hébreu traduit par « racheter » veut dire « libérer » dans le sens de « faire sortir d’un espace étroit, limité, contraignant, étouffant; amener vers de grands espaces », en d’autres mots, amener vers des espaces où on vit et respire mieux. Ruth refuse d’abandonner Noémi. Elle met son espoir dans le Seigneur, celui pour qui il n’y a pas de cul de sac, pas de voie sans issue. S’engager à cheminer avec Noémi, coute que coute, est une confession de foi de la part de Ruth. Elle s’engage devant Dieu, d’aimer et de soutenir Noémi, confiante en la providence de Dieu pour qui rien n’est impossible.
C’est ce que nous faisons lorsque, par notre baptême, notre profession de foi ou une liturgie d’alliance, nous nous engageons les uns envers les autres. Lorsque nous nous engageons à vivre notre foi dans le contexte de cette communauté de foi, nous nous promettons de nous aimer et de nous soutenir les uns les autres, comme nous voudrions être aimés et soutenus. Nous nous engageons à êtres présents, non seulement pour ce que cette communauté nous apporte, mais aussi pour ce que nous pouvons apporter à la communauté…. afin que tous et toutes soient amenés vers de grands espaces où l’on vit et respire mieux. Les Écritures le confirment : c’est ensemble, en communauté de foi, que les promesses de Dieu se réalisent.
Il ne faut pas sous-estimer la valeur de sa présence. Même si vous avez l’impression de rien retenir du culte d’aujourd’hui, ne sous-estimez pas ce que votre présence apporte à cette communauté. Chaque voix est une voix de plus qui soutient nos chants. Vous ne saurez peut-être jamais comment votre sourire, votre écoute, une parole ou un geste de votre part touchera l’un ou l’autre de vos frères et sœurs ce matin. Par votre présence, vous êtes une bénédiction pour les autres. Et qui sait ? Vous serez peut-être bénis au-delà de ce que vous imaginiez possible en vous levant ce matin, comme c’était le cas pour Ruth et Noémi.
Ruth s’attache à Noémi, non pas pour ce que Noémi peut lui offrir, mais pour lui offrir le peu qu’elle a : sa présence. En s’engageant à rester auprès de Noémi, Ruth risque sa propre sécurité. Elle met son espoir en Dieu, confiante que le Seigneur la sortira de l’impasse dans lequel elle se trouve et la conduira, avec Noémi, vers une vie nouvelle et abondante. Et dans cet acte de foi, Ruth est non seulement bénie, elle devient une bénédiction pour les générations à venir. Elle s’attache à Noémi et la suit à Bethléhem…où elle rencontrera Boaz qui fera d’elle la mère de Obed, le grand-père du roi David, l’arrière, arrière, arrière…grand-père de Jésus. (Souvenons-nous de l’histoire de Ruth la prochaine fois que nous sommes tentés de dire que nous ne sommes pas bénis de Dieu parce que les signes de sa présence ne sont pas évidents dans l’immédiat).
Ruth est une femme de foi, l’une des cinq femmes à être nommées dans la généalogie de Jésus. Jésus qui, dans l’Évangile de ce matin, attire notre attention sur une autre veuve, qui est, elle aussi, une femme de foi exemplaire. D’ordinaire, elle passerait inaperçue cette pauvre veuve sans nom. Les grands de ce monde prennent tellement de place que les gens autour ne voient ni n’entendent rien d’autre. Mais Jésus, lui, la voit parce qu’il ne regarde pas combien les gens donnent, mais plutôt comment le don est fait. L’offrande de cette veuve est un acte de foi. Les quelques cennes que déposent la veuve ont plus de valeur parce qu’il ne s’agit pas d’un peu de monnaie trouvée entre les coussins d’un divan ou dans le fond d’une poche : c’est tout ce que cette pauvre femme avait pour vivre. Sa vie, c’est son offrande. C’est ce que Jésus fait de sa propre vie. C’est comme ça que Jésus veut que nous vivions.
Mais c’est de la folie, non ? Non. Vous voyez, mettre de l’argent dans le tronc, ce n’est pas un jeu de hasard, où on jette de l’argent au vent dans l’espoir que cela nous rapporte. C’est un acte de foi. C’est reconnaitre que ce que nous avons ne nous appartient pas : tout nous est donné par Dieu, pour la gloire de Dieu et le bien commun.
À la différence des riches qui donnent beaucoup parce qu’ils ont la garantie d’obtenir un retour sur leur investissement – ils auront l’estime de tous ceux et celles qui admirent leur générosité – la veuve dépose son offrande sans garantie, confiante que, par sa grâce, Dieu lui accordera la vie en abondance.
Si Marc ne nous dit pas ce qui arrive à la veuve, peut-être est-ce parce qu’il nous invite à terminer l’histoire nous-mêmes ? Cette femme n’a pas de nom. Donc, elle porte tous les noms. Son histoire, c’est la nôtre. Alors, « Peuple de Dieu, à l’exemple de Ruth et de cette veuve sans nom, mets ton espoir dans le Seigneur car le Seigneur dispose de la grâce et, avec largesse, du rachat. » Puisse Dieu nous libérer, nous donner de l’espace, nous ouvrir largement le champ des possibilités, par sa grâce. Et nous, qui avons été bénis, puissions-nous être une bénédiction pour les autres. Amen.
Par Darla Sloan
Le 5 novembre 2017 – 22 Pentecôte A17 – Église Unie Saint-Pierre
3 commentaires
Un peu dommage que ce dimanche, j’aie raté cette prédication.
La famille est venue pour la journée, arrivée samedi soir.
Des mots touchants avec beaucoup de réflexions en perspective.
Comme si le cours de ma vie prenait une autre tournure juste
à peser sur certains mots qui apportent un sens plus profond
à mes temps de prières. Une nouvelle façon de voir ce personnage
et un nouveau chemin à suivre via Ruth.
Merci Darla
Tu vois, comme je disais, on ne sait jamais comment notre présence (réelle ou virtuelle) peut toujours les gens. Merci de prendre le temps de l’écrire. Dieu te garde.
En fait, le dernier commentaire a été émis par Darla…erreur du catcheur.