« Le jour et la nuit, j’attendrai toujours ton retour… » (fredonné). Peut-être vous souvenez-vous d’avoir entendu cette chanson chantée par une chanteuse très populaire en son temps et qui s’appelait Dalida. Bien sûr, vous vous en souvenez ou vous l’aurez deviné, c’est de son amoureux que la madame de la chanson attendait le retour. Mais, si on oublie l’amoureux de madame, et qu’on ouvre l’attente de la chanson sur le porteur infini pour nous du parfait amour, Celui dont nous gardons le nom devant nos yeux sur le mur de ce temple (« Dieu est amour »), nous entrons dans l’esprit de ce temps qui précède Noël et que la tradition des Églises appelle « Avent » (A-V-E-N-T).
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
Avent est un mot qui vient du latin adventus et qui veut dire « avènement, venue, arrivée ». Dans beaucoup d’Églises, y compris la nôtre, les quatre dimanches qui précèdent Noël sont consacrés à l’attente d’un avènement, à l’attente dans laquelle nous sommes constamment que quelque chose se produise, à l’attente que quelqu’un vienne. C’est la première depuis que je viens présider des cultes ici que nous avons un culte mensuel qui tombe sur un dimanche de l’Avent, un culte qui fait porter notre attention sur la place de l’attente dans notre vie spirituelle.
Rendons-nous compte d’abord à quel point l’attente fait partie de nos vies. On est tout le temps en train d’attendre quelque chose ou quelqu’un. On attend qu’il fasse beau, on attend d’aller mieux, on attend des nouvelles, on attend un chèque, on attend de la visite, on attend le printemps, on attend les légumes du jardin, on attend dans la salle d’attente, peut-être aussi qu’on attend de gagner à la loterie. On pourrait ainsi allonger la liste des personnes et des choses sur qui et sur quoi portent les attentes qui font la trame de nos vies. L’Avent nous invite à nous brancher sur cet allant permanent de l’attente et à le pousser jusqu’au bout, en l’ouvrant vers l’attente de l’avènement capable de combler en plénitude toute cette attente qui nous travaille.
Oui, nous avons en nous une attente de plénitude en besoin d’être comblée. Ainsi en était-il du peuple d’Israël qui attendait la venue d’un Messie qui allait œuvrer à l’établissement d’un règne conforme au projet de Dieu. L’Avent nous rappelle cette attente que nous croyons avoir été comblée, de la manière dont on ne l’attendait pas, dans l’humble naissance d’un enfant appelé à être porteur d’une voie de salut pour son peuple et toutes les générations humaines à venir. En chantant à la fin de ce culte « Venez, divin Messie », nous associerons l’attente millénaire d’Israël à notre propre attente de plénitude déjà comblée dans la personne de Jésus, mais en même temps toujours en besoin d’être comblée.
Le secret perdu du sens de Noël nous est ainsi donné dans ce climat d’attente qui caractérise l’Avent. Nous sommes, en effet, invités à nous mettre, comme tout le monde, dans la fébrilité d’une attente : l’attente d’une fête de famille, bien sûr, mais sans oublier dans le placard l’enfant dont la naissance est censé être l’occasion de la fête. En tant que chrétiens et chrétiennes, on peut, si on veut, faire une grimace au gros bonhomme en rouge des centres d’achat, mais on ne peut pas passer à côté de l’anniversaire de la naissance de Jésus. Le mot Noël vient, c’est presque un secret maintenant, d’un mot latin qui voulait dire « jour de naissance » ou « nativité », pour nous rappeler la naissance de Jésus. En réalité, personne ne connaît la date exacte de sa naissance. Mais des responsables d’Église de l’ancien temps ont eu l’heureuse idée de placer cet anniversaire au plus près du solstice d’hiver, alors qu’on commence à attendre les jours qui vont nous donner plus de lumière. On ne peut s’empêcher de faire ici le lien avec le début de l’évangile de Jean qui nous dit, à propos de Dieu qui vient à nous dans la personne de Jésus naissant : « En lui était la Vie et la vie était la lumière des hommes, et la lumière brille dans les ténèbres… » (Jn 1, 4). On ne peut s’empêcher encore de faire le lien avec, dans l’évangile de Matthieu, la belle histoire des rois mages qui se guident dans la nuit à la lueur d’une étoile, pour trouver le Messie au lieu où il devait naître (Mt 2, 1-12). Avec eux, sur la route de nos vies qui passe par cette église, nous avons chanté : « Brillante Étoile, Étoile du Matin, Toi, conduis-moi » (CE 377).
En effet, cette attente dans laquelle nous met l’Avent n’est pas seulement celle d’une fête qui va durer une journée, en souvenir d’une naissance mémorable du passé. Elle est célébration de l’attente de l’avènement de Dieu dans nos vies, ici et maintenant. Il ne s’agit plus ici d’une attente saisonnière, mais plutôt d’un état permanent de notre spiritualité chrétienne. Nous avons entendu la prière du psalmiste : « Je cherche ta face, Seigneur. Ne me cache pas ta face! » (Ps 27, 8-9). Nous avons entendu les paroles du discours de l’apôtre Paul aux habitants de la ville d’Athènes : « … (Dieu) a créé tous les peuples pour habiter toute la surface de la terre, il a défini des temps fixes et tracé les limites de l’habitat des hommes : c’était pour qu’ils cherchent Dieu; peut-être pourraient-ils le découvrir en tâtonnant, lui qui, en réalité, n’est pas loin de chacun de nous. » (Ac 17, 26-27). Comme bébé naissant dans la crèche, Jésus nous émeut, mais c’est comme maître spirituel adulte qu’il nous encourage dans notre attente de Dieu au jour le jour : « Restez en tenue de travail et gardez vos lampes allumées, nous dit-il. Et soyez comme des gens qui attendent (qui attendent!) leur maître à son retour des noces, afin de lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera. Heureux ces serviteurs que le maître à son arrivée trouvera en train de veiller. En vérité, je vous le déclare, il prendra la tenue de travail, les fera mettre à table et passera pour les servir. » (Lc 12, 35-36).
Les sources où nos lampes trouvent l’énergie pour rester allumées dans l’attente sont multiples. Il y a le feu intérieur de l’inspiration spirituelle qui est donnée comme une grâce. « C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison, écrivait un auteur ancien. Voilà ce que c’est que la foi : Dieu sensible au cœur, non à la raison. »1 Il y a la Bible qui se donne à lire à partir de l’enseignement de Jésus comme clé de lecture. Il y a notre Église et cette communauté chrétienne de Pinguet où nous nous réconfortons mutuellement en célébrant ensemble notre foi. Il y a pour chaque jour le prochain à aimer en qui Dieu vient à nous. Inspiration intérieure, parole d’Évangile, communauté croyante et amour du prochain sont nos sources d’énergie pour tenir nos lampes allumées dans l’attente du Seigneur. C’est cette place de l’attente spirituelle que célèbre l’Avent en la dirigeant comme un faisceau de lumière sur la fête de Noël, pourvu qu’on y fasse une petite place, à côté de la famille, du sapin et des cadeaux, au souvenir de la naissance de Jésus et à son sens pour nos vies.
Jouons un tour à l’auteur de la chanson dont je vous ai parlé en commençant. Prenons le bout que j’ai fredonné comme une prière d’attente du retour dans nos vies de la source infinie du parfait amour. « Le jour et la nuit, j’attendrai toujours ton retour… ».
Amen.
1 Pascal. Pensées. Texte de l’édition Brunschvicg. Paris, Éditions Garnier Frères, 1958 : pensée #278, p.147.
Par Gérald Doré, pasteur bénévole associé
Église Unie Pinguet – Culte du dimanche de l’Avent 17 décembre 2017
Un commentaire