« Il ne leur parlait pas sans parabole » (Marc 4, 34). Pourquoi donc? Tous les évangélistes nous disent que Jésus enseignait en paraboles. Si Jésus avait quelque chose à nous dire, pourquoi n’est-il pas allé direct au but en écrivant un livre du genre Dix étapes pour une vie réussie dans le royaume de Dieu. Ça aurait sûrement été un bestseller. Pourquoi Jésus s’est-il servi de ces histoires à la fois si simples et si complexes? C’est probablement parce qu’une parabole… c’est comme… une parabole…
vous savez… ces figures en géométrie qui ont une forme concave.
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
Une parabole, c’est comme un verre de contact, une lentille qui nous permet de changer notre focus, de voir le monde que Dieu a créé, mais de le voir autrement : comme il sera quand le royaume sera venu et que la volonté de Dieu sera faite sur la terre comme au ciel.
Les paraboles de la Bible, nous avons l’impression de les connaître par cœur, n’est-ce pas? Par conséquent, nous avons tendance à les lire rapidement en se disant, « Ah oui, je la connais bien celle-là! » Mais lorsqu’on agit ainsi, les chances sont bonnes qu’on passe à côté de quelque chose d’essentiel. Il y a toujours quelque chose de surprenant, quelque chose de neuf dans les paraboles… même dans celles que nous avons déjà entendues à plusieurs reprises. Après tout, qui a fini de découvrir les mystères de Dieu et de son royaume? Tout au long de notre vie, notre façon de voir Dieu, son royaume, sa volonté pour nous qui sommes faits à son image, est en constante évolution. Nous avons constamment besoin de nouvelles lunettes, ajustées à notre réalité qui est toujours changeante. La seule constance dans la vie, c’est le changement. Voilà peut-être pourquoi Jésus nous parle si souvent en paraboles : ce qu’elles nous révèlent varie selon notre entendement (v. 35), c’est-à-dire l’évolution de notre capacité d’écoute et de compréhension. Alors qu’en est-il de nos paraboles d’aujourd’hui ?
« Il en est du royaume de Dieu comme d’un homme qui jette la semence en terre : qu’il dorme ou qu’il soit debout, la nuit et le jour la semence germe. » À première vue, le message semble assez évident, du moins c’est ce que je me disais en début de semaine : « Ah, je connais bien celle-là, c’est une métaphore pour nous parler de la grâce de Dieu. » Quiconque a fait même un petit peu de jardinage le sait très bien : la croissance n’est pas le résultat de nos efforts. Si nous faisons un minimum d’arrosage et de désherbage, ce qui à été semé germera… par la grâce de Dieu. Mais au cours de la semaine, une question a germé en moi : « Que semons-nous individuellement et collectivement? De belles fleurs qui enjolivent notre monde et parfument notre vie d’amour et de compassion? Cultivons-nous plutôt des fruits et légumes (de quoi nourrir le monde) ou notre jardin est-il plein de mauvaises herbes (des idées, des pensées, des attitudes ou des habitudes — qui peuvent même se déguiser en fleurs— mais qui finissent toujours par étouffer la vie) ? S’il est vrai que ce que nous semons germera, peut-être faudrait-il porter plus d’attention à la semence qu’on jette ça et là partout sur la terre.
En réfléchissant à tout cela, j’ai vu autre chose dans cette parabole cette semaine, quelque chose que je n’avais jamais vu auparavant… justement à cause de l’évolution de mon entendement, ce que je vois et comprends de le monde aujourd’hui. Quand je me suis posé la question : « Que semons-nous, au juste ? » La réponse qui m’est venue cette semaine… du plastique ! On en parle dans tous les médias depuis un certain temps. Il en était même question lors du G7 la semaine dernière. Au Téléjournal il y a environ une semaine, on a parlé d’un rapport de l’ONU selon lequel l’être humain produirait aujourd’hui 300 millions de tonnes de plastique par an. Qu’on dorme ou qu’on soit debout le plastique croît comme germent les semences (Marc 4, 27). De plus, de nos jours, à travers le monde les humains distribueraient 150 000 sacs de plastique par seconde. La vaste majorité ne sont pas recyclables et finissent par se ramasser dans les océans. Vous avez peut-être vu certaines de ces images saisissantes : des îles flottantes de déchets dans les océans. Apparemment, ce que l’on appelle le « Vortex de déchets du Pacifique Nord» fait maintenant trois fois la taille de la France (cliquez ici pour visionner une autre vidéo sur le sujet). On dit que, si rien n’est fait, d’ici 2050 il y aura plus de plastique que de poissons dans les océans.
Devant l’énormité de ces données et de ces images (et toutes les autres que j’aurais pu donner comme illustrer mes propos), je me sens tellement petite.… petite… comme une graine de moutarde. Et c’est peut-être justement là, la bonne nouvelle. Nous sommes toutes et tous des graines de moutarde. Oui, des graines de moutarde!
Il y a quelques années – en lisant cette parabole pour la énième fois – j’ai vu quelque chose que je n’avais jamais remarqué auparavant : les oiseux. Cette parabole n’est pas uniquement un chant de louange pour la croissance exponentielle de l’arbre (et notre compréhension du monde a évolué de sorte que la croissance effrénée soit même vue d’un œil suspicieux, n’est-ce pas?) Mais ajustons notre focus. Tournons notre regard vers les oiseaux. L’arbre ne croît pas uniquement pour devenir la plus grosse plante dans le jardin… mais pour ouvrir ses branches aux oiseaux. C’est ça, le royaume de Dieu parmi nous, n’est-ce pas? Le royaume de Dieu est là où on crée des espaces où l’autre peut faire son nid, être réellement chez lui, dans nos branches.
Nous sommes faits à l’image de Dieu notre Créateur. Oui, nous déformons cette image en faisant la terre à notre image. Nous avons mal compris le commandement : « remplissez la terre et soumettez-la. » (Genèse 1, 28) Le théologien et pasteur de l’Église Unie John Douglas Hall nous rappelle que, faits à l’image de Dieu, nous avons été créés pour participer à l’œuvre créatrice de Dieu dans le monde. Si nous sommes appelés à dominer la terre, ce n’est pas pour l’exploiter, la ravager, la détruire pour satisfaire notre moindre désir et bâtir nos propres empires. Nous devons soumettre la terre à l’exemple du Christ : pour la protéger, la préserver, et pour chérir la vie que Dieu nous donne. Le Christ – à qui Dieu a soumis toutes choses – n’a jamais rien exploité ou ravagé pour. Il n’a jamais essayé de devenir le plus grand. Il s’est abaissé pour faire de la place aux plus petits et pour bâtir ainsi le royaume de Dieu, cet espace où d’autres peuvent faire leur nid en toute sécurité, c’est-à dire, avoir la vie en abondance. La Bible nous rappelle que c’est pour cette vie abondante que nous avons été créés… et que la vie est plus forte que tout… même tout ce qui étoufferait la vie. Ce qui est semé germera. Et ce que Dieu sème, c’est la Vie… toujours nouvelle et éternelle!
Peut-être que Jésus nous parle en paraboles parce que les paraboles peuvent être des miroirs qui nous reflètent l’image de Dieu en nous… qui nous sommes réellement et non pas l’image déformée que nous pouvons avoir de nous-mêmes. Et aujourd’hui, ce que je vois, c’est que nous sommes toutes et tous des graines de moutarde semées par Dieu par toute la terre. Aussi petits que nous soyons, nous avons en nous une puissance créatrice qui est plus forte que les forces du mal et de la mort1. Nous sommes des graines de moutarde. Réjouissons-nous. Ce que Dieu a semé germera par sa grâce. Amen.
1 Ça aussi, nous pouvons le voir dans les médias. Partout dans le monde, des idées germent, des initiatives prennent forme, de nouvelles façon de vivre, – plus respectueuses de la terre et de ses peuples – s’enracinent. Pour en voir quelques exemples, regardez la fin (à partir de 1:21:08) du film HOME disponible sur YouTube. Et si vous ne l’avez jamais vu, regardez le film au complet. Il est tout aussi époustouflant que bouleversant.
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