Il faut-tu être fou rien qu’un peu pour accepter l’invitation de Jésus ? Car, c’est pas mal ce que sont ces versets bibliques qu’on appelle les béatitudes. Plusieurs commentaires soulignent que le mot grec traduit en français par heureux, ne serait pas un adjectif décrivant l’état d’esprit des pauvres de cœur etc. Ce serait d’abord et avant tout une salutation, un mot d’accueil, de bienvenue. N’oubliez pas, nous sommes au début du ministère de Jésus. Il vient de choisir ses premiers disciples. Le sermon sur la montagne serait alors une sorte de discours d’investiture, si vous voulez, qui inaugurerait la communauté que Jésus veut constituer… et qui nous laisserait entrevoir sa vision du monde tel qu’il veut le bâtir… un projet de société auquel il nous invite non seulement à adhérer mais aussi à collaborer. Mais, effectivement, aux yeux de certains, il faut être pas mal fou pour se joindre à Jésus et sa gang qui ont l’air pas mal « losers », moumounes, pleurnichards et un tantinet maso sur les bords : les doux, artisans de paix miséricordieux qui pleurent et qui se réjouissent dans la souffrance. Oui, il faut être fous aux yeux du monde qui est sous la gouverne de la loi du plus fort, où on est prêt à tout sacrifier sur l’autel de la performance, la rentabilité, la croissance effrénée et les profits à non plus finir.
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
Oui, il est temps d’être complètement fous. Comme Paul, nous sommes de plus en plus nombreux à saisir que ce qui est folie pour le monde qui court à sa perte est sagesse pour qui veut être sauvé. Apparemment, c’est Einstein qui a dit que la vraie folie, c’est se comporter toujours de la même manière tout en s’attendant à des résultats différents. Pour être sauvés, collectivement, il faut changer de comportement, c’est-à-dire se repentir, abandonner les voies du monde pour prendre un chemin moins fréquenté – même par des gens qui se réclament du Christ – le chemin de la croix.
Pendant trop longtemps, l’Église a erré sur les chemins du monde se croyant forte… intouchable presque… parce qu’elle avait la force du nombre et du fric. Mais c’était de la folie, ça… et une folie qui l’a conduit à faire bien des dégâts autour d’elle. Aujourd’hui, diminuée dans le monde, elle est peut-être plus forte en sagesse et en connaissance de Dieu. En tout cas, c’est l’impression que j’ai quand je vous regarde. Et aujourd’hui, nous qui avons été assez fous pour répondre « oui » à l’invitation du Christ, nous avons une grâce et une responsabilité particulières : témoigner de toute notre vie que c’est par le chemin de la croix – qu’on le nomme explicitement ainsi ou non – que nous serons toutes et tous sauvés.
Le chemin de la croix nous conduira collectivement à avancer avec douceur, diminuant ainsi notre empreinte sur ce monde que Dieu aime tant. Emprunter le chemin de la croix, c’est abandonner l’autosuffisance et faire le pari de la confiance en Dieu. C’est chercher la justice, choisir la bonté et la compassion. C’est reconnaître que, pour avoir une vie nouvelle, il faut faire le deuil de notre vie actuelle… ce qui ne peut pas se faire sans verser de larmes. La joie de la résurrection est au-delà des larmes pas en deçà, car seule une peine pleurée peut être consolée.
Aujourd’hui, comme aux premiers jours de son ministère, Jésus invite les gens qui se rassemblent autour de lui à emprunter le chemin vers un monde totalement transformé… car nous entêter à nous comporter comme on le fait collectivement maintenant, ce serait vraiment de la folie. Nous le savons.
La foi n’est pas une affaire privée, une manière de « prier notre Dieu dans le secret ». Pour vivre sa foi, pour être fidèle à Dieu, pratiquer – accomplir un certain nombre de rites et de rituels – n’est pas suffisant. Les prophètes l’ont toujours proclamé et Jésus l’a incarné. Oui, le culte est essentiel à la vie spirituelle du peuple de Dieu – ne serait-ce que pour lui rappeler les bienfaits dont le Seigneur lui comble. Car, quand on oublie que tout nous vient de Dieu, quand on oublie qu’il faut mettre sa fierté dans ce que le Seigneur a fait, c’est là qu’on peut s’égarer royalement. C’est là où on risque vraiment de finir dans le champ.
Mais le culte n’est pas une fin en soi… et doit toujours nous renvoyer dans le monde…. pour transformer le monde… avec douceur, humilité, bonté, compassion. La foi appelle nécessairement une manière de vivre en communauté, en société… et implique donc une action citoyenne, une option politique. N’oubliez pas : avant d’être un signe religieux, la croix était le symbole d’un autoritarisme et un totalitarisme politiques. La résurrection est la démonstration fracassante que la sagesse de Dieu confond la folie de tout pouvoir et de toute domination de ce monde.
Aussi fou que cela puisse paraître aux yeux de certains, un autre monde est non seulement possible… par la grâce de Dieu, il est accessible à qui marche dans les voies du Christ, choisissant la douceur, la paix, la compassion. Il est accessible à qui cherche la justice, agit avec bonté et marche humblement dans les voies du Seigneur.
C’est à cela que le Christ nous invite aujourd’hui, tels que nous sommes. Faibles, fragiles, diminués, complètement fous aux yeux du monde, Dieu nous a choisi pour confondre la sagesse du monde, pour réduire à rien ce qui est afin d’offrir au monde entier la vie nouvelle et éternelle. Awaye ! Soyons sages ! En avant ! Le royaume des cieux est à nous ! Amen !
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