Ceux et celles qui ont reçu l’Infolettre de cette semaine savent que Denis prépare une nouvelle activité cet automne : Juke-box. Les participant-e-s feront jouer des chansons et expliqueront pourquoi ces chansons les accrochent. Depuis qu’il m’a parlé de l’idée, j’ai un Juke Box dans ma tête. Beaucoup de tounes me reviennent dans les oreilles. J’aurais aimé les faire jouer pour vous ce matin, mais je ne peux pas le faire parce que j’enregistre la prédication et inclure des vidéo-clips enfreindrait la loi sur le droit d’auteur. Par contre, si vous allez voir mon texte sur notre site Web plus tard, vous pourrez cliquer sur les hyperliens pour faire jouer mes chansons. Vous vous en doutez peut-être, en tête de liste, il y a « Dixie » d’Harmonium. Ensuite, quand j’ai lu l’extrait de la lettre aux Romains pour ce matin : « En effet, les commandements… se résument dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même », c’est une toune de Bruno Pelletier qui m’est revenue. « Aime…c’est la loi de la Bible, le rêve encore possible d’un univers où tous les hommes seraient des frères…moi je te dis aime…c’est la seule vraie raison de vivre…le plus dur des chemins à suivre… »
Eh oui, autour de nous, il y a des signes nous indiquant que le chemin de l’amour est un chemin difficile. Je n’ai probablement pas besoin de vous faire un dessin pour que vous en trouviez des exemples. Et voilà qui me revient un autre refrain… de Gilles Vigneault cette fois : « Qu’il est difficile d’aimer…qu’il est difficile ! » Et pourtant, d’aucuns diraient que ce n’est pas si difficile que ça. « All ya need is love ». « Tout ce qu’il te faut, c’est l’amour » chantaient les Beatles. Et ce matin, Paul (l’apôtre, pas Paul McCartney) abonde dans ce même sens. Dans sa lettre aux Romains, il aborde une question identitaire, vitale, une question sur laquelle ses lecteurs et lectrices ne s’entendent pas. Le problème est la relation entre Juifs et non-Juifs (en particulier la question de savoir quelle attitude les non-Juifs doivent adopter à l’égard de la loi juive quand ils deviennent chrétiens). Ne doivent-ils pas s’intégrer à la majorité juive adoptant leurs lois et leurs coutumes – qui étaient celles de Jésus après tout ? Et Paul leur offre une réponse qui, à première vue, parait très facile : « Si vous ne retenez rien d’autre de la Bible, rappelez-vous ces six mots : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Toute la loi se résume en cette parole. »
Mais c’est peut-être là la difficulté… dans ces quelques mots. Qu’est-ce que ça veut dire au juste, aimer ton prochain comme toi-même ? C’est Jésus lui-même nous donne la clé de lecture qu’il nous faut. Dans son sermon sur la montagne, Jésus nous dit que toute la loi et les prophètes se résument en cette parole : tout ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux (Matthieu 7, 12). Donc, aimer notre prochain comme nous-mêmes, aimer les autres comme nous voudrions être aimés. Aimer notre prochain, c’est prendre une distance critique par rapport à nos paroles et nos gestes… le temps de nous demander si nous aimerions que d’autres agissent de la même façon envers nous. Cela veut dire agir envers les autres – y compris ceux qui nous font de la peine, qui nous déçoivent ou qui nous causent des soucis – comme nous aimerions qu’ils agissent avec nous. Aimer son prochain comme soi-même veut dire traiter les gens de différentes opinions, différentes allégeances, différentes traditions, différentes religions, avec le même respect que nous voudrions avoir. Et, évidemment, cela veut dire répondre à la violence, aux crises et aux désastres internationaux avec la même sollicitude que nous voudrions recevoir si nous étions dans la même situation.
Tu aimeras ton prochain comme toi-même… si facile à dire, combien plus difficile à vivre au jour le jour ! Si c’était si évident que ça, Paul et Matthieu n’auraient pas eu besoin de le mettre par écrit. Et Matthieu n’aurait pas eu besoin de nous donner des instructions pour nous aider à résoudre les conflits dus au fait qu’il est si facile de pécher, de manquer la cible en manquant d’amour pour les autres.
Si ton frère ou ta sœur a péché contre toi, va essayer de tirer les choses au clair, seul à seul. Tu y gagneras peut-être. C’est parfois difficile. Il n’est pas facile d’être face à face avec quelqu’un qui nous a fait du tort. Et il n’est jamais facile de se faire dire qu’on a eu tort, qu’on a blessé quelqu’un, qu’on s’est trompé royalement. Ce n’est pas facile… j’en sais quelque chose. En ces temps où le chemin est tout sauf clair, il me semble que je suis souvent dans le champ et que je dois souvent présenter des excuses d’avoir fait le mal que je ne voulais pas faire. Ce n’est pas facile, mais ça vaut toujours la peine. N’est-ce pas vrai que le pardon, quand il est vrai, quand il corrige le tir et amène à un véritable changement, il est libérateur pour toutes et tous ?
Et ceux et celles qui ne veulent rien savoir ? Qu’ils soient pour nous comme le païen et le collecteur d’impôts… vous savez… ceux avec qui Jésus se trouvait souvent à table. Les païens et les collecteurs d’impôts parmi nous, confions-leur au Christ, car son amour et son pardon peuvent convertir le cœur des pécheurs les plus récalcitrants… même ceux qu’on jugerait irrécupérables. Personne n’est réductible à son pire coup. Qui sommes-nous donc pour lier un frère ou une sœur, pour l’enfermer à tout jamais dans son péché ? De toute façon, n’est-ce pas vrai que quand nous refusons de délier quelqu’un, nous aussi, nous restons pris ?
Alors, que faut-il en conclure ? Avec toutes les difficultés que nous avons à nous aimer les uns les autres et tous les conflits qui en découlent, est-ce que ce rêve d’un univers où tous les humains seraient frères et sœurs est encore possible ? Si cela dépendait uniquement de nous… peut-être pas. Mais Dieu soit loué ! L’avenir de l’univers est entre les mains de Dieu, créateur du ciel et de la terre. Matthieu nous le rappelle en terminant son « manuel de résolution des conflits » avec ces mots de Jésus : « Je vous le déclare encore, si deux d’entre vous, sur la terre, se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père qui est aux cieux. Car, là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. » Ce dernier verset est probablement le verset biblique le plus cité à Saint-Pierre. On l’utilise régulièrement comme salutation au début du culte… ça nous réconforte et nous rassure, nous qui formons une toute petite communauté de foi. Mais que cette parole, prise dans son contexte nous rappelle deux choses. Premièrement, le péché fait partie de la vie, même de la vie de l’Église. Qui n’a jamais manqué la cible, passé à côté, fait une coche mal taillée ? Deuxièmement : c’est par la prière commune que nous pouvons ensemble corriger le tir et que le rêve d’un monde fraternel, juste et solidaire deviendra réalité, non par ce que nous faisons les uns aux autres, mais par ce que Dieu, dans son amour infini, a fait pour nous en Jésus Christ et par la grâce seule. Amen !
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