Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? Croyez-le ou non, mais c’est probablement la question que j’entends le plus souvent dans mon travail pastoral. Qu’on cherche à réorienter sa carrière, à déterminer le cours de sa vie après la retraite, à affronter des épreuves personnelles ou à agir face aux crises qui frappent atour du monde, les gens se questionnent beaucoup sur la volonté de Dieu. Qu’est-ce que Dieu attend de moi ? De nous ? Comment œuvrer pour la vie éternelle, pour que la vie soit bonne et abondante pour la création tout entière aujourd’hui et pour les générations à venir ? Comment servir Dieu et son prochain ? Comment être utile ? Et parfois n’avons-nous pas l’impression de ne pas « faire assez » ? Individuellement et collectivement. Surtout que nous sommes une petite communauté de foi… notre temps et nos ressources, notre énergie et nos moyens sont limités et les besoins sont immenses. Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ?
Et ce matin, Jésus nous répond : « Travaillez, non pas pour la nourriture qui est périssable, mais pour la nourriture qui dure et qui est source de vie éternelle…. L’œuvre de Dieu c’est de croire en celui qu’il a envoyé. »
Bon, soyons clair. Jésus n’est pas en train de dire qu’il est inutile de répondre aux besoins de base des gens, de donner à la banque alimentaire ou à faire du bénévolat pour la popote roulante, par exemple. Nourrir les gens, c’est bon. Rappelons-nous que l’extrait de l’évangile de ce matin suit de près le récit où Jésus nourrit 5000 hommes (Jean 6, 1-15) – notre lecture de la semaine passée. Jésus ne nie pas que ceux et celles qui veulent le suivre ont besoin de nourrir leur corps. En effet, c’est lui qui reconnaît le besoin de la foule et qui demande à ses disciples, « Où pourrions-nous trouver de quoi leur donner à manger à tous? (Jean 6, 5) Et à la fin, c’est Jésus qui leur donne à manger… et non seulement le strict nécessaire…toutes et tous ont mangé autant de pain et de poissons qu’ils en voulaient et il y avait 12 paniers de restants.
Mais dès le lendemain, tout ce beau monde a faim à nouveau. Pour s’assurer que tout le monde a toujours ce dont il a besoin, il ne suffit pas de distribuer des denrées une fois de temps en temps. Il faut un changement en profondeur.
Oui, il faut nourrir les multitudes mais, comme Jésus l’a fait de son vivant, il faut aussi s’élever contre les inégalités sociales qui sont la racine de l’insécurité alimentaire comme d’autres formes d’exclusion sociale. Pour avoir une vie saine, pour avoir la vie en abondance, il faut non seulement traiter les symptômes de nos maux… mais aussi chercher à en éradiquer les causes. Il faut un examen en profondeur… et un traitement en profondeur. Au niveau de l’âme.
Travaillez, non pas pour la nourriture qui est périssable, mais pour la nourriture qui dure et qui est source de vie éternelle. […] Ils lui demandèrent : « Que devons-nous faire pour accomplir les œuvres voulues par Dieu ? » Jésus leur répondit : « L’œuvre que Dieu attend de vous, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » (Jean 6, 27-29)
L’œuvre que Dieu attend de nous, disciples de Jésus, c’est que nous croyions en celui qui nous a choisis et que nous nous sommes engagés à suivre. Croire en Jésus, ce n’est pas une affaire de tête, un ensemble de dogmes ou de doctrines auxquelles nous devons adhérer. Croire, c’est une affaire de cœur. Croire, c’est mettre notre confiance en en celui qui est notre maître, notre guide, celui qui veut nous sauver des plus grands dangers qui nous guettent. Oui, la confiance, la foi, est un don de la grâce. Mais la foi, on l’accueille et on la recueille au jour le jour, comme la ration quotidienne de manne que les Israélites devait aller cueillir dans le désert (Exode 16). Notre foi, notre confiance en Christ est une nourriture soutenante pour tous nos chemins, où que la route de la vie nous mène. C’est notre manne quotidienne.
La confiance… qu’est-ce que cela face à tout le mal et toute la misère dans le monde ? Ce n’est pas rien. Le contraire de la foi, de la confiance, n’est pas l’incrédulité, mais la peur. Et la peur est la racine de bien des maux. C’est la peur qui nous empêche souvent d’aller au fond des choses… afin de découvrir ce qui ne va vraiment pas dans nos vies et dans le monde. C’est la peur qui nous empêche d’entreprendre les changements en profondeur qui s’imposent pour assurer non seulement notre propre bien-être mais le bien commun.
Marcher par la foi n’est pas chose facile. Ce n’est pas de la pensée magique. En fait, c’est tout le contraire. La foule qui poursuivait Jésus était avide de miracles, de solutions faciles qui ne demandaient aucun effort de leur part. Elle a vu les œuvres que Jésus faisait et elle aurait enlevé Jésus de force pour le faire roi (Jean 6, 15), un roi magicien qui aurait le pouvoir de tout régler en criant ciseaux. La foule a vu Jésus nourrir des milliers de personnes et dès le lendemain, elle en veut encore : « Quel signe peux-tu nous faire voir pour que nous te croyions ? Quelle œuvre vas-tu accomplir ? » La faim des miracles est une faim insatiable. Et Jésus refuse d’être un roi-magicien. Son royaume, c’est un royaume de communion fraternelle, d’amour de Dieu et du prochain. Son royaume, c’est un royaume où, en réponse à Dieu qui nous offre tout par sa grâce, on marche par la foi, la foi qui nous libère et nous responsabilise à la fois. Oui, nous sommes les gardiens de nos frères et sœurs partout sur la Terre (Genèse 4, 9).
Il y a beaucoup d’individus et de groupes qui nourrissent des foules. Plusieurs sont même capables de faire de véritables des miracles avec des miettes. Il ne faut pas hésiter de collaborer avec eux. Mais il ne faut pas non plus négliger notre apport particulier aux efforts collectifs pour un monde plus juste, plus solidaire, plus équitable, plus durable : notre foi en Christ.
La foi opère des changements en profondeur… au niveau de l’âme. Toutes et tous nous en avons fait l’expérience n’est-ce pas ? La foi peut changer les cœurs et le monde. Frères et sœurs, travaillons, non pas pour la nourriture qui est périssable, mais pour la nourriture qui dure et qui est source de vie éternelle. Amen.
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