Le printemps est enfin là : quelle merveille de pouvoir le goûter. Être présent, attentif avec tous nos sens et ressentir notre lien intime avec le monde, avec notre mère la Terre comme l’évoque poétiquement la sagesse autochtone. En ce jour dit de la fête des mères, alors que plusieurs d’entre nous sont encore imprégnés des funérailles de cette magnifique figure maternelle que fut pour nous Emma Boucher Daigle, de la paroisse de Pinguet, ce dimanche donc deux regroupements de mères se sont associés pour mener une action de visibilité à Québec. La marche du Pain et des forêts, en écho délibéré à la marche de 1995, Du pain et des roses, débutera vers 11 h après le culte devant le MNBAQ; il s’agit du groupe les Mères au front, qui rappelle l’urgence climatique dans laquelle nous vivons, et du groupe Ma place au travail qui demande plus de places en garderie pour faciliter l’intégration réelle des femmes et leur contribution sociale.
Laure Waridel, écosociologue et militante bien connue, évoque dans le Journal de Québec d’hier le souvenir de sa maman ainsi : Même si les battements de ton cœur se sont arrêtés, ta voix résonne encore en moi… Qui aurait cru qu’en 2022, des femmes renoncent à devenir mamans parce qu’elles sont inquiètes pour leur autonomie, sachant qu’il n’y a pas assez de places en garderie. Elles sont surtout inquiètes pour l’avenir de tous les enfants… Les scientifiques, et une part toujours plus grande de la population ont beau hurler l’urgence d’agir, les gouvernements sont dans le déni…. Il faudrait pourtant qu’à partir de maintenant toutes nos décisions passent au crible leurs impacts sur l’environnement.
Tout est interconnecté. Notre vision partielle, à court terme, considère habituellement l’immédiat de la satisfaction de nos besoins, comme le tout, sans prendre en considération l’ensemble de la réalité ni le prolongement dans le temps. On dit familièrement : ne pas voir plus loin que le bout de son nez. De manière symbolique, par des images percutantes qui ont traversé les siècles, le texte de l’Apocalypse nous rappelle cette perspective d’ensemble qui doit informer notre analyse de la situation actuelle de notre vie et orienter nos actes et nos engagements. Je vis… une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, de toutes nations, tribus, peuples et langues… debout devant le trône et devant l’agneau, vêtus de robes blanches… proclamant : Le salut est à notre Dieu. [1]
Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, déclare la philosophie de l’antiquité. Et vice et versa, ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. Dans la succession des générations évoquée en ce jour par la mémoire de nos mères, pour la vie authentique de notre monde, nous, disciples du Christ, avons à cœur la nécessité de considérer nos gestes et nos convictions, tous les aspects de nos vies, dans toute la profondeur englobante du sacré et de notre destinée ultime : Mes brebis écoutent ma voix, et je les connais, et elles viennent à ma suite. Et moi, je leur donne la vie éternelle; elles ne périront jamais et personne ne pourra les arracher de ma main.[2] La vie présente ici-bas, avec ses luttes et ses difficultés, participe déjà en vérité à la vie en plénitude et triomphante d’en haut. Ces gens vêtus de robes blanches…viennent de la grande épreuve; ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’agneau; ils se tiennent devant le trône de Dieu et lui rendent un culte jour et nuit.[3]
Par sa croix, et par-delà sa mort horrible dans la torture, par sa résurrection, la Pâques du Christ devient un passage permanent pour les rachetés que nous sommes toutes et tous, une invitation à vivre en cohérence et de manière conséquente par la foi, selon ce que Dieu a mis de plus vrai, de plus noble, de plus aimant, de plus créateur dans le cœur humain. L’agneau qui se tient au milieu du trône sera leur berger, il les conduira vers des sources d’eaux vives. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux.[4] Nos contemporains ont de la peine à saisir que la Bonne Nouvelle de l’Évangile est de fait la réalisation plénière de leurs aspirations à l’équité, la justice et la paix, cet autre monde possible. Guidés par l’Esprit du Christ, en toute humilité, c’est à nous de témoigner, avec nos fragilités et malgré toutes nos contradictions, ce que Dieu, le Père, la Mère, fait pour nous et en nous par pure grâce. Mon Père qui me les [brebis] a données est plus grand que tout, et nul n’a le pouvoir d’arracher quelque chose de la main du Père. Moi et le Père nous sommes un.[5] Dans la foulée de Jésus, nous osons dire : Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel… pour la suite du monde. Amen.
LECTURES BIBLIQUES
[1] Apocalypse 7,9-10
[2] Jean 10,27-28
[3] Apocalypse 7,14-15
[4] Apocalypse 7,17
[5] Jean 10,29-30
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