La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux … et pas uniquement dans les champs de fraises de l’Île d’Orléans et sur les fermes maraîchères du Québec ! La pénurie de main d’œuvre frappe tous les secteurs. La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux. Pourquoi est-ce ainsi ? Selon les experts, le vieillissement de la population y est pour quelque chose, mais les conditions de travail constituent, elles aussi, un facteur déterminant. Depuis le début de la pandémie, beaucoup de nos contemporains ont choisi de se réorienter dans la vie. Il semble que les gens sont prêts à travailler mais pas dans n’importe quelles conditions. Ce que l’on recherche avant tout, c’est une meilleure qualité de vie.
On peut penser qu’au Québec les travailleurs et les travailleuses ont de très bonnes conditions comparativement à ceux de bien d’autres pays. Toutefois, tout ne va pas pour le mieux. Par exemple, un article paru récemment dans Le Devoir révèle des plaintes pour traite de personnes contre une résidence pour personnes âgés à Lévis. Il y a aussi un peu partout des messages enregistrés et des affiches qui nous rappel qu’aucune insulte ni comportement irrespectueux ne sera toléré… un signe indéniable de la détérioration des conditions de travail – et donc, de la qualité de vie de bien des gens – dans beaucoup de domaines.
Il y a une dizaine de jours, je me suis rendue à la clinique sans rendez-vous pour une blessure somme toute mineure. J’ai attendu un peu plus d’une heure… mais quelle bénédiction ! Tant de monde n’ont pas accès à un médecin de famille… Au bout d’une heure… le gars qui travaillait à la réception a eu une faiblesse et a perdu connaissance drette-là. La médecin de garde est sortie de son cabinet pour s’occuper de lui. Ce qui a rallongé passablement le temps d’attente. Une patiente très impatiente est partie en s’exclamant : « Ça n’a pas de bon sens attendre comme ça ! » Quand elle a pu m’accueillir, la médecin, visiblement stressée et essoufflée, a fondue en excuses. Je l’ai rassurée en lui disant que je comprenais bien qu’elle doive composer avec toutes sortes d’imprévus. Elle m’a bien accueillie, bien pris soin de moi, et moi, j’ai essayé d’en faire autant. Être un instrument de paix dans un monde stressé et essoufflé, tout le monde peut faire ça. En semant un peu de paix et de bienveillance autour de nous et nous changerons le monde, une vie à la fois.
Les Écritures de ce matin nous le rappellent : en accueillant autrui avec bienveillance, on est souvent béni en retour. « N’oubliez pas l’hospitalité, car, grâce à elle, certains, sans le savoir, ont accueilli des anges. » (Hébreux 2, 2). L’hospitalité, la vraie, est réciproque. L’accueillant et l’accueilli reçoivent une bénédiction. La paix de Dieu repose eux, tous les deux.
C’est à l’hospitalité que nous sommes appelés comme disciples de Jésus… du moins selon l’extrait de l’Évangile de ce matin Ce matin, Jésus choisit 72 autres disciples et les envoie deux par deux partout où il doit aller lui-même. Il les exhorte à accepter l’hospitalité qui leur est offerte en chemin, en échange de quoi leur mission est double : appeler la paix de Dieu sur chaque maison où ils passent et guérir les malades. La paix que les disciples annoncent, c’est la bénédiction de Dieu : la sécurité, la justice, la droiture, la solidarité qui est accessible à toutes et à tous là où Dieu règne et sa justice prévaut. Invoquer la paix de Dieu, c’est annoncer que la volonté de Dieu, c’est que tout le monde ait la vie… et la vie en abondance. C’est ça le règne de Dieu que Jésus est venu inaugurer. (Jean 10, 10).
Les disciples sont appelés à travailler à l’avènement du règne. Et oui ! Il y a de l’ouvrage en masse… et les conditions sont loin d’être idylliques. Le Christ nous envoie là où le monde a le plus besoin de la paix que lui seul peut donner… parmi les loups… ceux qui sèment la terreur, qui ont la force et le pouvoir de déchirer et de dévorer les plus faibles et les vulnérables. Oui, suivre le Christ nous amènera parfois sur des chemins périlleux dans un environnement qui nous est inhospitalier, voire hostile.
Avez-vous remarqué ? Ici, le Christ ne nous envoie pas agrandir le troupeau. Il ne nous envoie pas essayer de convertir d’autres espèces en brebis. Il nous envoie apporter sa paix, la réconciliation et la guérison dans notre monde meurtri. « Dans quelque maison que vous entriez dites d’abord « ‘Paix à cette maison.’ (v. 5). Il se peut bien que les gens trouvent nos propos irrecevables. Ce matin, Jésus nous nous rassure : notre paix reposera sur qui l’accueille. Autrement, elle nous reviendra. En d’autres mots, parfois les disciples devront encaisser des échecs. Mais nous ne perdons rien pour essayer… pour nous avancer doucement… comme des agneaux.
Si tant de gens autour de nous ne veulent rien savoir du christianisme, n’est-ce pas parce que les agneaux du Christ se sont souvent comportés comme des prédateurs, dévorant des plus vulnérables pour satisfaire leurs « faims de loup » : leur faim d’argent, de pouvoir, de gloire, de sexe… ? N’est-il pas temps que les disciples du Christ se fassent un peu plus doux… doux comme des agneaux… même au milieu des loups… dans le but de d’en guérir quelques-uns.
Aujourd’hui, Jésus envoie 72 disciples deux par deux partout où il doit passer lui-même. Dans l’univers biblique le chiffre 70 ou 72 représente toutes les nations. Jésus envoie donc ses disciples auprès de tous les peuples de la Terre. Leur mission : passer de maison à maison (c’est-à-dire entrer dans l’intimité de la vie quotidienne des gens); être porteurs de la paix de Dieu et agents de sa guérison. « Dans quelque ville que vous entriez et où l’on vous accueillera, mangez ce qu’on vous offrira. Guérissez les malades qui s’y trouveront, et dites-leur : “Le Règne de Dieu est arrivé jusqu’à vous.” » (v. 8-9)
Pendant longtemps, l’une des premières choses que les disciples de Jésus faisaient en arrivant dans une ville, c’était de construire un hôpital. En arrivant à Québec en 1639, les Augustines ont fondé l’Hôtel-Dieu-de-Québec, le premier hôpital en Amérique du Nord, au nord du Mexique. Aujourd’hui, ce sont nos gouvernements qui s’en chargent (et certain affirment que les hôpitaux seraient mieux gérés si les communautés religieuses s’en occupaient toujours).
Mais revenons à nos moutons… ou… à nos agneaux… les disciples d’aujourd’hui. En quoi cet appel à guérir les malades est pertinent pour nous ? Le mot grec traduit par guérissez peut signifier soignez, honorez. Notre appel en tant que disciples est donc de prendre soin de ceux et celles que Dieu met sur notre chemin. Jésus nous envoie nous approcher des gens dans l’intimité de leur quotidien afin de leur annoncer la paix de Dieu et de prendre soin des blessés de la vie en les traitant avec respect et dignité. C’est ainsi que nous devenons instruments de la paix de Dieu dans le monde. C’est à cela qu’on reconnait que le règne de Dieu est arrivé. C’est aussi simple… et aussi compliqué que cela. La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson. Paix à tous les peuples de la Terre. Seigneur, que tous tes enfants soient traités avec respect et dignité, au travail comme à la maison. Que tous aient une meilleure qualité de vie… rien de moins que la vie en abondance. Que ton règne vienne sur la terre comme au ciel. Amen.
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