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L’extrait de l’évangile de Matthieu poursuit le long monologue amorcé par Jésus dans les béatitudes. Reconnu comme un thaumaturge itinérant hors du commun, autant par ses gestes de guérison que par son enseignement inédit à propos d’une Bonne Nouvelle du Règne, Jésus donne l’impression de faire corps et âme avec l’Esprit divin, cet Esprit dont il est oint/imprégné (le sens du mot Christ) lors de son baptême par Jean; cet Esprit sera, pour ainsi dire, activé au désert des tentations, ces 40 jours d’épreuve des profondeurs alliant psychanalyse et déprivation sensorielle, traversés par la puissance sacrée. Jésus en ressortira transformée à jamais : délaissant une existence centrée sur lui-même sa vie sera offerte pour le service, pour aider les autres même là où ils ignorent en avoir besoin. Il est porteur de salut, de guérison. Par ses gestes efficaces de bienveillance, par ses paroles incisives commentant la vie sociale, morale, religieuse et spirituelle, il fascine les foules, intrigue et bouscule ses auditeurs, d’hier comme d’aujourd’hui. À flanc de colline, nous pouvons presque le voir nous aussi et entendre clairement sa voix retransmise jusqu’à nous par la tradition biblique.

Vous avez appris[1]… moi je vous dis[2]

Vous comme moi ne pouvons que reconnaître l’effet décapant des propos de Jésus sur notre échelle de valeurs et la cote de performance que, plus ou moins consciemment, nous nous attribuons quant à notre conformité à la loi divine telle que comprise et traduite dans les institutions sociales et religieuses de notre société : meurtre, adultère, divorce, parjure. Il y a loin de la coupe aux lèvres et l’enfer est pavé de bonnes intentions. Les adages et maximes tiennent lieu de selfies qui révèlent l’écart vertigineux entre l’objectif visé et ce qui est réalisé; alors, nous nous berçons d’illusions, cherchant refuge dans un édifice de prétentions et d’apparences que nous construisons pour tenter d’apaiser notre conscience et nous permettre de continuer notre p’tite vie sans véritablement changer les choses en profondeurs.

Vous avez appris… Oui, de générations en générations, jusqu’à cette heure, nous avons appris : dans les livres, les traditions, par des maîtres de toutes sortes, nos parents, nos institutions. Et nous avons aussi appris de ce qui est non-dit, caché, souvent inconscient mais d’autant plus insidieux : préjugés, racismes, compromissions, négligences, culpabilités historiques collectives entérinées et répétées personnellement.

Moi je vous dis… Jésus fait la rencontre de l’Éternel Dieu et le proclamera dans les catégories de la religion juive dans laquelle la référence à la Torah (la Loi dans son sens le plus englobant) est omniprésente. Non seulement Jésus répond aux exigences écrites, mais il va bien au-delà et exhorte toutes et chacun à le faire, démontrant ainsi que les accusations de laxisme à son égard sont infondées et sapant du même coup les constructions orgueilleuses et dérisoires de toute auto-justification et prétention à mériter, à gagner son salut. La foi de Jésus, son expérience spirituelle radicale, est prophétique, portée par un souci constant de revenir à l’essentiel du message. Pour Jésus, ses gestes et ses paroles se fondent sur cette Torah, le jaillissement originel de la Loi, dans la rencontre sacrée de l’Éternel. Ce qu’il vit, toutes et tous sont conviés à en faire l’expérience : ne pas se restreindre à une obéissance rigide et étroite de la loi, le strict minimum pour être en règle, la note de passage, mais bien se laisser bousculer et emporter par les grandes eaux de l’Esprit d’amour, l’accomplissement de la Loi, qui pointe toujours vers la qualité ultime des relations : à nous-même, aux autres, au monde, à Dieu. Mais pour cela il faut faire et être dans la vérité : En effet, observer toute la loi et trébucher sur un seul point, c’est se rendre passible de tout.[3]

La tentative de bâtir sur notre propre justice, nos mérites, sera toujours une construction de notre petit moi charnel, un édifice de prétention qui s’écroulera. Je connais l’exigence de la loi naturelle autant que de la loi religieuse. Je peux essayer de sauver les apparences à mes yeux, ou aux yeux des autres mais… on ne se défile pas sous le regard de Dieu, face à la transparence du sacré qui vient à notre rencontre en la personne de Jésus.

Dans la lettre aux Romains Paul faisait ce constat : …me voilà donc à la fois assujetti par l’intelligence à la loi de Dieu et par la chair à la loi du péché.  Malheureux que je suis! Qui me délivrera de cette condition qui appartient à la mort ? Grâce soit rendue à Dieu par Jésus Christ, notre Seigneur ! [4] Ce cri d’action de grâce devient pour les disciples du chemin de Jésus le moment charnière de leur libération. Comme nous l’avons entendu au début de notre culte, si la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.[5]  Les Écritures témoignent de l’impact de cette expérience de rencontre du Christ, contact personnel mystérieux, intangible et pourtant ressenti comme bien réel, qui transforme notre regard sur le monde et sur nous-mêmes (la vérité), qui nous guide hors des ténèbres d’illusions où nous sommes empêtrés et nous fait sortir de notre nuit. Une chute rédemptrice car elle nous oblige à ne plus chercher dans nos propres efforts l’affirmation de notre valeur ni à partir de nos résultats, notre dignité. Voilà la grâce venue avec la vérité par Jésus, pour notre salut. C’est là que tout s’accomplit dans la Loi.

Moi je vous dis.

 

LECTURES BIBLIQUES

Deutéronome 30, 15-16a.19

Matthieu 5,17-22.27-28.31-34

Jean 1,17

[1] Matthieu 5,21.27.33

[2] Matthieu 5,22.28.32.34

[3] Jacques 2,10

[4] Romains 7, 25b.24-25a

[5] Jean 1,17

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