Les querelles et les fautes à l’égard les uns des autres sont présentes dans la vie de la communauté des disciples depuis le tout début. Moi qui m’imaginais que le fait de m’engager dans une expérience spirituelle et de me référer volontairement au chemin de Jésus allait aplanir mes sautes d’humeur et permettre de m’entendre aisément avec autrui, et particulièrement mes coreligionnaires… L’extrait de l’évangile de Matthieu propose un protocole de résolution des conflits dirions-nous de nos jours. Si ton frère vient à pécher[1], certains manuscrits ajoutant contre toi qualifiant ainsi la démarche de personnelle. Bien sûr, les 2000 ans d’histoire de l’Église et des Églises attestent de l’interprétation classique de l’autorité institutionnelle : dis-le à l’Église, et s’il refuse d’écouter même l’Église, qu’il soit pour toi comme le païen et le collecteur d’impôts.[2] Combien de gens ont été exclus, mis au banc de la société dite chrétienne, voire jetés en prison et parfois même conduits au bûcher en raison d’une compréhension étroite et formelle de ces mots tout ce que vous lierez sur la terre sera lié au ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié au ciel.[3] À cet égard, ce passage d’abord entendu lors de la confession de foi de Pierre[4] porte sur le pouvoir du pardon et non sur l’exclusion. L’Église, rassemblement des croyants, est avant tout le lieu de manifestation de la grâce divine offerte et portée par ses membres.
Alors, puisque nous sommes porteurs de la grâce les uns pour les autres, comment expliquer ces dissensions et ces chamailles de tous ordres qui surgissent régulièrement entre les gens? Je n’ai pas trouvé d’explication pleinement satisfaisante à cela mais il me semble que le texte de Romains identifie la perspective chrétienne qui devrait constituer la toile de fond pour aborder tout conflit : N’ayez aucune dette envers qui que ce soit, sinon celle de vous aimer les uns les autres.[5] Nous sommes en dettes, redevables d’amour envers Dieu, par l’œuvre de salut de Jésus dont nous sommes bénéficiaires et dispensateurs tout-à-la fois. Notre relation au Christ fait éclater toutes prétentions de notre petit moi insécure et nous initie à une nouvelle façon de voir et de vivre notre présence au monde, tant dans la société civile qu’ecclésiale.
L’agapè[6], cet amour à l’instar de Jésus, a pour finalité absolue le bien de l’autre, son salut (intégrité, guérison, vitalité). L’amour les uns des autres; un agapè devrait être mutuel en communauté, une commune-union au Christ partagée qui est le contexte décrit par ces paroles : là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux.[7] Se pourrait-il qu’aussi longtemps que mon petit moi, si nécessaire dans le quotidien soit-il, ne s’est pas dégagé de sa perspective nombriliste, de se prendre pour le pivot du monde, tant qu’avec humilité et affection il ne s’est pas soumis volontairement aux mouvements de l’Esprit du Christ en cherchant en tout à lui donner préséance et à orienter sa vie selon son souffle, se pourrait-il que nous empêchions alors l’Église d’advenir dans le contexte particulier qui est nôtre? Le manque d’engagement en profondeur dans leur expérience spirituelle des chrétiens serait alors ce qui parasite et même désamorce l’action de l’Esprit, permettant ainsi au conflit de perdurer et de s’envenimer.
Frères et sœurs, l’efficacité de l’Évangile c’est à nous de l’actualiser. Tel est l’appel divin à revêtir le Christ[8] et à vivre toute notre existence engagés selon les valeurs du Règne de Dieu, déjà jaillissant par notre ferveur et notre agapè ici et ouvert sur l’avenir. Puisse notre culte en commun, puissent nos temps personnels de prière et de service, être comme des piles qui emmagasinent l’énergie spirituelle, nous permettant ainsi de porter et d’être portés par la présence efficace du Ressuscité à même de renouveler tous les enjeux qui nous confrontent : si deux d’entre vous, sur la terre, se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père qui est aux cieux; là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux.[9]
LECTURES BIBLIQUES
*Titre inspiré d’une chanson interprétée par Chloé Sainte-Marie, sur des paroles de Gilles Carle et une musique de François Guy : https://youtu.be/Nky55N4-1×8?si=swy3vwh-4kjsNbmp&t=31
[1] Matthieu 18,15a
[2] Matthieu 18,17
[3] Matthieu 18,18
[4] Matthieu 16,18-19
[5] Romains 13,8
[6] « Le terme est utilisé par les chrétiens pour décrire l’amour de Dieu, tel qu’il est décrit dans la Bible, envers les hommes. C’est notamment le mot employé tout au long du Nouveau Testament (rédigé en grec par ses différents auteurs), pour la qualité d’amour totalement désintéressé dont Dieu seul est capable, mais qu’il propose de donner à ses disciples par le Saint-Esprit. » https://fr.wikipedia.org/wiki/Agap%C3%A9
[7] Matthieu 18,20
[8] Romains 13,14a
[9] Matthieu 18,19-20
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