À présent, notre connaissance est limitée. Alléluia ! À présent, nous voyons dans un miroir, de façon confuse. Béni soit le Seigneur ! En fait, si je suis devenue membre de l’Église, ce n’est pas parce que je n’avais rien d’autre à faire le dimanche matin… ou parce que je cherchais de nouveaux amis sympathiques. Des amis, on peut en trouver partout… même chez Jean Coutu, n’est-ce pas ? J’ai franchi la porte du temple ici il y a presque 25 ans maintenant parce que, en mon for intérieur, je sentais que la vie était plus que ce que je voyais autour de moi, qu’elle était plus que la somme de mes réussites et de mes échecs. J’aspirais à quelque chose… quelque chose de plus grand que moi. Pour poursuivre mon chemin, pas à pas, j’ai besoin d’un Dieu qui voit plus loin que moi, un Dieu qui élargit mes horizons en me faisant lever la tête. J’ai besoin d’un Dieu qui me dépasse.
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
Heureusement que Dieu nous dépasse. Autrement, Dieu cesserait d’être Dieu. Dieu serait une idole faite à notre image, selon nos goûts et nos préférences, notre vision des choses et du monde. À cet égard, l’un de mes passages bibliques préférés est la vision qu’a Ésaïe de Dieu sur son trône. Tout ce qu’Ésaïe voit, ce sont les pans de sa robe… ou le bas de son vêtement… et ça remplit le temple (Ésaïe 6,1). Vous en entendrez plus la semaine prochaine mais pour aujourd’hui, disons simplement que la vision d’Ésaïe illustre bien les propos de Paul ce matin : à présent, nous voyons partiellement. Notre connaissance est limitée.
Et l’Évangile de ce matin illustre bien ce qui peut arriver quand nous sommes confrontés à quelqu’un qui a une autre vision de Dieu et de sa volonté pour le monde. J’irais même jusqu’à dire que l’Évangile de ce matin illustre bien l’un des mécanismes de la violence religieuse… pour faire un lien avec l’atelier biblique d’il y a deux semaines. Alors regardons de près l’extrait de Luc que nous venons d’entendre. Jésus revient à Nazareth où il a grandi. Non seulement il va à la synagogue, il accepte de lire et de commenter les Écritures. Et les gens sont ravis… comme plusieurs d’entre nous le seraient si l’un de nos enfants en faisait autant un dimanche matin, n’est-ce pas ? Et Jésus sait être concis. Il lit à peine quelques versets du livre du prophète Ésaïe et sa prédication est sans doute la plus courte de toute l’histoire, une dizaine de mots en français : « Aujourd’hui, cette écriture est accomplie pour vous qui l’entendez ». Dieu soit loué ! Jésus vient de le confirmer, il est le Christ, celui qui a reçu l’onction de Dieu pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres, la liberté aux captifs et aux opprimés et le retour de la vue aux aveugles, l’année où Dieu manifestera sa faveur (Luc 4, 16-20). Hourrah ! Dieu les délivrera de l’occupation romaine et de toute menace à leur identité, leur spécificité socio-culturelle et religieuse. « Make Israël great again ! » Les gens sont ravis… et trente secondes plus tard, ils sont enragés ! « Attendez un ti’peu », leur dit Jésus. « Votre vision de Dieu est confuse. Dieu manifestera sa faveur – son amour, sa délivrance – mais pas pour vous seulement. Vous souvenez-vous de l’histoire d’Élie et de la veuve de Serapta ? Ou l’histoire de Naaman le lépreux d’origine syrienne ? Une femme et un lépreux, tous les deux païens, ont été les bénéficiaires privilégiés de la faveur, de la délivrance de Dieu alors qu’à l’époque, il y avait bien des veuves et des lépreux en Israël. » Pour un peuple qui accorde peu d’autorité aux femmes, qui a une vision nationaliste de Dieu et qui voit la lèpre comme une punition de Dieu… cela en a été trop. La foule se lève jette Jésus en dehors de la ville et cherche à le faire mourir. Pas facile de nous faire dire en pleine face que nous ne savons pas… du moins pas complètement… de quoi nous parlons.
Nos débats seraient tellement plus paisibles et contribueraient davantage à bâtir un monde meilleur si tout le monde se rappelait qu’à présent, même les plus instruits, les plus savants parmi nous, ne connaissent que partiellement et voient tout comme dans un miroir. Ce que nous voyons à présent, c’est un reflet ou une représentation de la réalité. La vraie réalité d’une personne ou d’une situation est ce qu’elle est sous le regard de l’amour de Dieu. Pour voir le monde autrement, comme Dieu le voit, il faut de l’amour. Sans amour, on ne gagne rien.
L’amour dont on parle ici, c’est plus qu’une affaire d’affection, de sentiments. Aimer, c’est une décision, un choix qu’on fait. Aimer c’est choisir la confiance. C’est choisir le bien commun avant son intérêt propre. Aimer, c’est se laisser transformer par l’autre. C’est perdre sa vie actuelle pour avancer vers une vie nouvelle. Aimer, c’est abandonner ses certitudes pour plus de Vérité. Aimer, c’est reconnaître que l’autre, que les autres, m’aident à lever la tête, à élargir mes horizons, à voir plus loin et plus clair. Aimer, c’est reconnaitre la part de vérité chez celui ou celle qui voit Dieu et le monde différemment. Aimer, c’est savoir écouter… moins pour convaincre les autres de notre point de vue que pour clarifier notre propre vision de Dieu et du monde. Quand on aime vraiment, il n’y a pas de gagnants et de perdants. Tout le monde gagne parce que tout le monde sort la tête haute, les yeux levés vers le plus grand que soi.
C’est ainsi que Jésus sort de la synagogue… la tête haute. Il ne fuit pas. Il passe au milieu de tous ces gens qui lui sont hostiles. C’est un face à face. Voir les gens et les choses en face, c’est le propre du Royaume de Dieu. Le Royaume est proche. Il est au milieu d’eux… présent et visible pour qui lève les yeux plutôt que le poing. Et Jésus poursuit son chemin jusqu’à nous. Il ne cherche pas son propre intérêt… mais la transformation du monde. Il ne s’impose pas, il nous invite à sa suite. Il ne prend rien. Il donne tout… par amour. En Jésus nous voyons l’amour qui est plus que des bons sentiments, un amour en action, un amour qui pardonne tout, croit tout, espère tout, et endure tout… même la croix.
Ici, quand nous partageons le pain et le vin autour de la table de communion, nous pouvons nous regarder dans les yeux. Dans ce face-à-face, le royaume de Dieu est proche, car l’amour est au cœur de notre rencontre, un amour qui nous inscrit dans l’infiniment plus grand que nous… et ça, ça change tout. Alléluia !
LECTURES BIBLIQUES
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