Jésus avait coutume de raconter des histoires à ses auditeurs privilégiés, ses disciples. Par ses paraboles, il utilisait des situations du quotidien pour expliquer simplement des choses parfois compliquées à comprendre. Dans le récit de Luc que nous venons d’entendre, il semble bien que Jésus veuille insister sur le sort réservé au riche et à celui du pauvre Lazare. Au chapître 16 de l’évangile de Luc, il nous présentait déjà comment le riche fait étalage de sa richesse et comment le pauvre Lazare est réduit aux chiens qui viennent lécher ses ulcères.
Jésus semble vouloir nous décrire le « lieu » où se retrouvent les personnes après leur mort. Le riche se retrouve « au séjour des morts » et le pauvre Lazare « auprès d’Abraham ». Mais Jésus ne veut pas ici nous décrire la géographie du séjour des morts. Il utilise tout bonnement l’imagerie de son temps pour livrer son message qui est d’un ordre plus intérieur.
Le riche est livré à la torture dans une fournaise tandis que le pauvre Lazare est emporté à côté d’Abraham. Le texte semble ainsi présenter la punition du riche parce qu’il était riche et la récompense du pauvre parce qu’il était pauvre. Dans les faits, c’est plutôt l’égoïsme du riche et la confiance de Lazare dans le secours de Dieu qui font la différence.
Le problème du riche, c’est qu’il a reçu beaucoup de biens. Des biens en tout cas suffisants pour qu’il pense être capable de se suffire à lui-même. Il avait tellement de biens qu’il pouvait ne penser qu’à lui, à jouir de sa vie, à porter des vêtements de luxe et à faire chaque jour des festins somptueux. Il est tellement occupé à s’occuper de lui-même qu’il n’a pas le temps, ni l’intérêt, de penser aux autres, ni même à Dieu. Si, en soi, la richesse n’est pas mauvaise, elle peut facilement cacher la vue du riche qui, comme la parabole le montre, ne voit plus rien autour de lui, et surtout pas le pauvre Lazare. Tout préoccupé à faire des festins et à porter de beaux vêtements, c’est comme s’il n’existe pas. Subtilement, la parabole nous démontre qu’il n’existe tellement plus qu’il n’a même pas de nom.
De son côté, le pauvre de la parabole a un nom : Lazare, c’est-à-dire « Dieu a secouru ». On sait l’importance du nom dans la Bible. Lazare est peut-être pauvre, mais il a un nom et Dieu l’appelle par son nom et lui accorde son secours parce que, lui, il est bien conscient de son besoin de Dieu. Le riche, de son côté, n’a pas reçu le secours de Dieu et son pardon parce qu’il ne l’a pas demandé. Comment aurait-il pu le faire, en effet, puisqu’il n’avait pas de relation avec Dieu ? Il ne comptait que sur ses richesses et il était bien loin de penser qu’il pouvait avoir besoin de Dieu. Il pensait trop à lui, il en a oublié Lazare et Dieu.
Puis survient l’irrémédiable. Le pauvre mourut, et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham. Le riche mourut aussi, et on l’enterra. La mort vient fixer définitivement les choix des deux protagonistes. Dieu continue de secourir Lazare, il envoie ses anges pour l’emporter à côté d’Abraham tandis que le riche est enterré et oublié. Il est trop tard pour ouvrir les yeux et se convertir, c’était avant qu’il fallait choisir de voir Lazare et lui porter secours.
La leçon de cette parabole, c’est le rappel de l’exigence de notre conversion. Et pour cela, Jésus ne veut pas créer l’illusion que ce sont des expériences extraordinaires qui vont amener à la conversion, même pas un défunt qui reviendrait de chez les morts comme le demande le riche pour ses frères. Jésus nous ramène à l’essentiel par l’intervention d’Abraham : Ils ont Moïse et les Prophètes, qu’ils les écoutent ! et aussi : s’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus.
Le résumé de la Loi et des Prophètes, c’est de se préoccuper de l’autre, de ce qui lui arrive pour l’aider, le supporter, le nourrir. Si quelqu’un dit: J’aime Dieu, et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur; car celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas? (1 Jean 4, 20) L’homme riche avait sous les yeux un pauvre couvert d’ulcères. Il a choisi l’aveuglement volontaire au détriment de la Loi et les Prophètes.
Et nous, aujourd’hui, sommes-nous disposés à entendre le cri du psalmiste : Aujourd’hui écouterez- vous sa parole ? (Ps. 95, 7) Sommes-nous ouverts à accueillir l’autre dans nos vies ? Sommes-nous prêts à nous impliquer auprès de tous les blessés de la vie, de tous les laissés pour compte, de tous les pauvres couverts d’ulcères encore aujourd’hui ? La question est posée…
Prenons quelques instants pour regarder ce que notre cœur nous commande. AMEN.
(Adaptation de Quand l’espoir se fait parole dans Liturgie et Vie chrétienne, #77-79, p.15)
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