Aimer Dieu et le prochain, c’est tout UN

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

26 octobre 2014 30e dimanche ordinaire A

LECTURES

Exode 22, 20-26

Tu n’exploiteras ni n’opprimeras l’émigré, car vous avez été des émigrés au pays d’Egypte.
21Vous ne maltraiterez aucune veuve ni aucun orphelin. 22Si tu le maltraites, et s’il crie vers moi, j’entendrai son cri, 23ma colère s’enflammera, je vous tuerai par l’épée, vos femmes seront veuves, et vos fils orphelins. 24Si tu prêtes de l’argent à mon peuple, au malheureux qui est avec toi, tu n’agiras pas avec lui comme un usurier ; vous ne lui imposerez pas d’intérêt. 25Si tu prends en gage le manteau de ton prochain, tu le lui rendras pour le coucher du soleil, 26car c’est là sa seule couverture, le manteau qui protège sa peau. Dans quoi se coucherait-il ? Et s’il arrivait qu’il crie vers moi, je l’entendrais, car je suis compatissant, moi.

Matthieu 22, 34-40

Apprenant qu’il avait fermé la bouche aux Sadducéens, les Pharisiens se réunirent. 35Et l’un d’eux, un légiste, lui demanda pour lui tendre un piège : 36« Maître, quel est le grand commandement dans la Loi ? » 37Jésus lui déclara : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. 38C’est là le grand, le premier commandement. 39Un second est aussi important : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. 40De ces deux commandements dépendent toute la Loi et les Prophètes. »

PRÉDICATION

Aimer Dieu et le prochain, c’est tout UN

«Quel est le grand commandement dans la Loi ?» À l’époque de Jésus, cette question était très débattue chez les maîtres du peuple juif. Et ils n’avaient que l’embarras du choix puisque la synagogue avait tiré de la Loi 613 préceptes (248 commandements et 365 interdictions) qui se répartissaient en grands et petits commandements. Les scribes se demandaient effectivement s’il y avait un commandement qui englobait tous les autres et pourrait ainsi être mis en tête de liste. Il n’y a donc pas de quoi s’étonner d’une pareille question.

Par ailleurs, quand nous ne lisons comme ce matin que ces 6 versets du chapitre 22 dans l’Évangile de Matthieu, nous sommes privés de tout un contexte qui fait ressortir la perversité de la demande du légiste. En fait, si les Pharisiens se liguent pour poser à Jésus la question du plus grand commandement, c’est encore pour le mettre à l’épreuve. En effet, il y avait eu d’autres tentatives relatées dans Mt. 21 et 22 qui avaient échoué l’une après l’autre. Que ce soit sur l’autorité de Jésus, sur l’impôt dû à César, sur une question concernant la résurrection, Jésus avait toujours pu déjouer leur «complot» si bien que Matthieu avait conclu que «les foules étaient frappées de son enseignement». Ces échanges aboutissaient donc au résultat inverse que ce que les pharisiens escomptaient. La question du grand commandement, c’est le dernier piège qu’ils tendent à Jésus dans l’espoir de trouver dans sa réponse un motif de condamnation qui leur permettrait enfin de pouvoir le liquider.

Le légiste veut donc connaître la position de Jésus sur le plus grand commandement de la Loi. Ce qu’il cherche à savoir, c’est la conception que se fait Jésus de la volonté de Dieu, de sa loi, de ses commandements. Et, pourquoi pas, le prendre en défaut…

La réponse de Jésus se présente dans la ligne explicite de la tradition juive. Il cite, en effet, le texte de la prière du shema puisé dans le Deutéronome (6, 5) que les Juifs répètent deux fois par jour : «Écoute, Israël… Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée», ce qui signifie un amour de la personne tout entière, un amour sans limite. Ce Dieu qui exige un amour si total, c’est ce Dieu qui s’est penché sur l’humain pour le sauver. Voilà le motif qui nous invite à recevoir l’amour du prochain comme second commandement, lui-même puisé dans le livre du Lévitique (19, 18) : «Tu aimeras ton prochain comme toi-même».

Quand Jésus répond au légiste dans la ligne de la tradition juive, soulignant l’interdépendance de la relation à Dieu et la relation au prochain, on pourrait croire qu’il rallierait facilement ses auditeurs. Et pourtant, ce n’est pas le cas. Les pharisiens ne voyaient pas les choses de la même manière. Les pharisiens reconnaissaient d’emblée une priorité dans le respect du sabbat et de tous les gestes rituels qui exprimaient la seigneurie de Dieu. Ce qui les scandalise, c’est que Jésus transgresse aussi bien les commandements mineurs que les préceptes plus graves de la Loi : il n’hésite pas notamment à opérer des guérisons le jour du sabbat, il entre en contact avec les publicains, il prend la défense des pécheurs. Il ne peut donc pas, à leurs yeux, être juste devant Dieu. Il va trop loin : l’amour du prochain devient pour lui l’amour des ennemis et des persécuteurs. Il voit du même œil les bons et les méchants, les justes et les injustes. Il annonce même que le but de la Loi, c’est de chercher et de sauver ce qui était perdu. Dans le langage d’aujourd’hui, on dirait que Jésus était inclusif, en tout cas trop inclusif aux yeux des pharisiens. Bref, en Jésus, Dieu s’est fait tellement proche des parias et des opprimés que notre engagement en vue de leur libération devient le critère de notre relation sincère avec Dieu. Autrement dit, ce qui nuit au prochain ne correspond jamais à la volonté de Dieu ou l’amour de Dieu implique toujours l’amour du prochain.

Cette question du plus grand commandement, on le voit, est définitive. Les gens au pouvoir avec leurs œillères ne peuvent pas se rallier à son point de vue et ils s’organiseront pour le livrer à la mort.

Cette attitude des pharisiens contemporains de Jésus n’est pas propre à eux seuls; nous sommes tous et toutes susceptibles, comme eux, de mettre les lois religieuses comme l’obligation de sanctifier le sabbat ou de se laver les mains avant de manger bien en avant de l’invitation à l’amour du prochain pourtant bien documenté dans les textes vétérotestamentaires comme en témoigne le texte de l’Exode. L’immigré, la veuve, l’orphelin, le pauvre qui représentent les faibles sans protection, voilà ceux et celles de qui les juifs pieux de l’époque comme les chrétiens d’aujourd’hui ne peuvent se détourner.

Ce prochain que nous sommes appelés à aimer comme nous-même, Dieu ne le définit pas précisément, ce prochain, c’est un défi toujours renouvelé à le reconnaître sur notre chemin, ce prochain ce peut être un parent, une connaissance, un voisin ou un collègue qui nous ennuie, nous exaspère ou nous irrite et aimer son prochain c’est un engagement positif à bâtir une terre nouvelle où personne ne sera nu, affamé ou prisonnier.

Le plus grand commandement et le second qui lui est semblable, on le constate, ce ne sont pas des préceptes statiques. C’est plutôt un appel dynamique à la vigilance pour reconnaître sur notre route celui ou celle qui a besoin, qui a le plus besoin, à reconnaître sur notre chemin que toute personne a droit à un regard bienveillant.

Aujourd’hui nous soulignons l’anniversaire de ce que nous pouvons appeler le coup d’envoi de la Réformation. De la même manière que notre Église est appelée à se réformer sans cesse (Ecclesia reformata, semper reformanda, disait-on à l’époque de la Réforme), ainsi comme chrétiens et chrétiennes, l’Évangile nous presse à nous convertir chaque jour à l’accueil et au pardon de l’autre comme Dieu a su nous accueillir et nous pardonner. Oui un grand commandement : aimer Dieu et un second qui est l’expression du premier : aimer son prochain, quel qu’il soit, comme soi-même.

Amen !

Pierre Nadeau

17 octobre 2014 

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