L’évangile de ce dimanche est tiré de Matthieu 10, le chapitre où on présente le « départ » des apôtres en mission.
Le chapitre présente les apôtres. Il explique que les apôtres sont appelés à se promener de ville en villages, de maison en maison, pour annoncer la bonne nouvelle et appeler à une conversion, à un changement, à une transformation.
Ce n’est pas facile changer le monde, de convaincre les autres de la nécessité de changer : les écologistes, les personnes qui luttent contre le racisme, qui contribuent aux actions en faveur de la vérité et de la réconciliation avec les peuples autochtones connaissent le prix à payer pour annoncer la vérité divine. Pour agir avec conviction pour le plus grand bien.
Ainsi, Jésus souligne le prix que les apôtres auront à payer pour faire le travail d’annoncer la bonne nouvelle au monde. Ce prix est celui de l’incompréhension, voire du rejet, de la peur et même de la violence.
Ce travail que les apôtres sont appelés à faire est difficile pourtant il ne s’agit que de transmettre le message de grand amour universel.
C’est étrange et paradoxal quand nous pensons qu’ils vivront du rejet, de la violence et des persécutions pour transmettre un message de paix, d’espoir, de libération, de consolation et d’amour.
Dieu appelle ses apôtres à un engagement entier et sans concession, et ce, malgré les conséquences pour eux
Jésus demande de mettre cette mission avant tout, même avant ses propres parents ou, encore plus difficile, avant l’amour qu’ils leur portent.
Il dit : « 37 Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi, et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi; »
Cette affirmation semble avoir le potentiel d’être en contradiction avec le commandement que l’on retrouve à Exode 20 :12 « 12 Honore ton père et ta mère afin de vivre longtemps dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne ». Toutefois, Jésus ne cherche pas à supprimer ce commandement.
Le lien filial, l’amour filial constitue une des bases essentielles de la société du temps de Jésus. Encore aujourd’hui, il s’agit d’une dimension importante dans la vie des humains.
À l’époque de Jésus, la société n’avait pas le filet social que nous connaissons aujourd’hui. Le lien familial constituait une protection importante mais toujours précaire. Brisé le lien filial comportait un énorme risque. Il réduisait, concrètement, tes chances de survie en cas de difficultés ou d’incapacité.
Comment réconcilier cette affirmation de Jésus à ses apôtres avec la propre vie de Jésus. Ce dernier a toujours eu pour son père et sa mère un attachement filial important. On pense qu’il a vécu une trentaine d’années chez eux, à Nazareth. De plus, nous le savons tous, Marie a été près de lui jusqu’à la croix, jusqu’à la toute fin. Et, sur la croix, Jésus s’est même assuré que Jean, un de ses disciples, s’occupe d’elle comme sa propre mère.
Mais rappelons-nous, cela n’a pas empêché Jésus de dire un jour : Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? et de laisser entendre que sa véritable famille est constituée de ses disciples.
Cette affirmation de Jésus a été dite dans un contexte où ses parents semblaient vouloir arrêter sa prédication, son message évangélique, sa démarche par ce que sa mission dérageait beaucoup. Son message provoquait incompréhension, peur, colère de plusieurs membres de la communauté et avait le potentiel de créer des problèmes à sa famille.
Le commandement d’honorer ses parents, comme toutes les autres règles ou lois du premier testament… viennent après, ou encore, doit être lu à la lumière du grand commandement que Jésus a mis au-dessus des autres
Le contexte religieux de l’époque avait mis l’accent sur une multitude de prescriptions à observer, comme celle d’honorer ses parents.
Pour se rendre compte de la pleine cohérence du message évangélique de Jésus, rappelons-nous de cette réponse qu’il a donnée au scribe qui tentait de le piéger en lui demandant quel commandement est le plus important :
Et Jésus de répondre : Marc 12 :30-31 : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée, et de toute ta force. 31Voici le second: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là.…
Ainsi, par son message aux apôtres avant leur départ, Jésus nous éloigne encore une fois d’une observance stricte et déconnectée de la loi.
De plus, Jésus semble prioriser les types d’amour.
Les textes sacrés utilisent plusieurs mots pour décrire l’amour. Il y aurait une distinction entre l’amour filial et l’amour complet, gratuit, divin : l’amour agape ou l’amour radical enseigné par Jésus
Le pasteur Bernard Mourou, de l’Église protestante unie de France, souligne cette distinction. Il dit :
« Si nous lisons avec attention notre texte, nous voyons que Jésus parle d’une seule chose : de l’amour. Pour en parler, l’Evangile a coutume d’employer deux verbes, alors qu’en français nous n’avons qu’un seul mot. Ces deux verbes sont philein et agapân.
Le premier, philein, désigne un amour fondé sur le sentiment, un amour dépendant de la personne qui l’inspire : les membres de la famille ou les amis. C’est un amour naturel : on aime sa famille parce qu’elle nous construit, on aime ses amis parce qu’on trouve chez eux des intérêts partagés. C’est l’amour philia.
Le second, agapân, exprime un amour d’une tout autre nature, un amour qui dépend non pas de la personne aimée, mais de la personne qui aime. C’est l’amour agapê. »
Le pasteur rappelle ainsi :
« C’est de cet amour que parle l’apôtre Paul dans son épître aux Corinthiens, quand il dit : L’amour prend patience, l’amour rend service, l’amour ne jalouse pas, il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil, il ne fait rien d’inconvenant, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’emporte pas, il n’entretient pas de rancune, il ne réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai, il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. L’amour ne passera jamais. »
Et Jésus propose de ne pas craindre de parler, d’annoncer, d’expliquer cet amour radical, cette foi qui nous anime, cette paix intérieure qui nous habite, cette lumière qui nous guide dans le noir, cette capacité de nous pardonner, de pardonner aux autres et de demander pardon à Dieu.
Il rappelle ainsi que l’amour dont il parle génère de l’amour, tout comme la charité provoque de la charité et que l’aide, l’enseignement et la solidarité sont générateurs d’amour.
Et que renoncer à ce qui nous sépare de cet amour divin, plein et sans limites peut exiger de nous-mêmes des choix difficiles dans notre vie. Des choix qui peuvent paraître radicaux.
Ainsi, Jésus nous rappelle : « 39 Celui qui conservera sa vie la perdra, et celui qui perdra sa vie à cause de moi la retrouvera. 40 Celui qui vous reçoit me reçoit, et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé. »
Nous sommes devant la grande vérité. Il peut y avoir un prix à payer à court terme, pour vivre pleinement ce message d’amour, pour en parler, pour l’expliquer. Ce prix, cet effort de communication dans des mots et des actions constitue toutefois le seul chemin vers la construction d’un monde meilleur, vers l’avènement du Royaume de Dieu.
Nous sommes donc invités, pour répondre à l’appel de Jésus, à apprendre à porter le message, par nos actions et notre parole. De le porter de manière utile aux autres et pertinente dans le monde d’aujourd’hui.
Il existe un véritable défi d’être chrétien aujourd’hui au Québec et en occident en général.
Il est difficile de se sentir vraiment à l’aise de parler aux autres de sa foi, de son assurance en l’amour divin.
Plusieurs d’entre nous ont vécu des situations difficiles lorsqu’ils ont osé parler de leur foi.
Vraiment, nous sommes confrontés au Québec à un fort sentiment antireligieux.
Un sentiment profondément ancré qui trouve ses racines dans les abus historiques et institutionnels de l’Église.
Tout ça qui rend très difficile de témoigner de sa foi, d’être simplement écouté des autres, d’être entendu et respecté.
Oui, clairement témoigner en 2020 au Québec, de sa foi comporte un risque. Le risque d’être ridiculisé, jugé, rabroué, exclu.
Même si, apporter à l’autre l’amour, la consolation, la solidarité demeure tout aussi pertinent et constitue toujours l’assise fondamentale de notre vie de chrétien.
Rappelons-nous que, parfois, des gens nous écoutent lorsque nous expliquons sincèrement comment notre foi nous anime, nous change, nous aide. Comment, cette foi transforme le monde, suscite de l’engagement et propose des réformes porteuses d’avenir.
Ces personnes qui nous écoutent font, à leur manière, selon leur croyance propre, souvent partie du grand cercle d’amour divin. Ils nous écoutent alors avec compréhension et amour fraternel.
Parfois, ces gens qui portent leur oreille à notre témoignage sont blessés, écorchés par la vie, abattus, apeurés ou, encore, se sentent simplement exclus de ce grand cercle d’amour divin. Ils voudraient, peut-être, y participer sans trop savoir comment. Ils nous écoutent avec étonnement et curiosité.
L’oreille attentionnée, douce et accueillante, cette réception ouverte de l’autre, c’est alors notre verre d’eau à nous, qui nous rafraîchit et nous donne des forces.
Rappelons-nous que Jésus a dit : « 42 Et quiconque donnera seulement un verre d’eau froide à l’un de ces petits parce qu’il est mon disciple, je vous le dis en vérité, il ne perdra point sa récompense. »
Cheminons ensemble dans l’action, le partage et l’amour radical, l’amour divin.
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