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L’olfaction, c’est le plus primitif, mais aussi l’un des plus puissants et des plus fiables des récepteurs et décodeurs de messages complexes dont nous disposons. C’est par l’odorat que les nourrissons reconnaissent leur mère et l’olfaction jouerait un rôle déterminant dans nos préférences – en alimentation comme en amour ! Il y a des odeurs qui auraient un effet apaisant sur nous. D’autres qui nous donnerait de l’énergie. Et qui n’a pas été transporté dans le temps par une odeur familière. Le parfum de notre mère… le pain qui sort du four… l’odeur de l’église de notre enfance… Toutes ces odeurs font plus que nous rappeler des souvenirs (au niveau de la tête). Elles ravivent physiquement notre passé (dans nos trippes) et actualisent nos expériences… les bonnes, comme les moins bonnes. Peut-être est-ce l’effet que recherchait Jean lorsqu’il a écrit le récit que venons d’entendre.
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
Marie de Béthanie… une femme avec un message important à communiquer. Elle veut absolument que ce message soit capté… et décodé. Elle espère susciter des réactions fortes chez les gens de sorte qu’ils s’en souviennent longtemps. Et nous…aurons-nous le flair de comprendre le sens de ses gestes ? Allons voir…
Jésus est l’invité d’honneur à un dîner. Parmi les convives se trouvent ses bien-aimés Marie, Marthe, et Lazare. Il y a de quoi fêter ! Lazare est là… celui qui est mort et que Jésus a ramené à la vie après quatre jours ! Tout le monde est là à manger, à boire et à discuter. De quoi ? Nous ne le saurons jamais. Mais… il est fort probable que les gens parlaient de Jésus… et surtout de tous les signes et les miracles dont ils avaient été témoins depuis ce premier party auquel Jésus avait été invité… les noces de Cana.
De plus en plus de monde commençaient à se demander s’il n’était pas le Messie – l’oint de Dieu. Mais, selon ce que l’on disait de Jésus, il était aussi clair que les gens n’avaient le flair de saisir que Jésus n’était pas le genre de Messie auquel ils s’attendaient. Ils avaient tout vu… mais rien compris. Marie, elle, avait compris. Mais comment faire passer son message ? C’est une femme dans un monde d’hommes. Elle n’a pas voix au chapitre. Alors… sans dire un mot… elle se lève… et va chercher une livre de nard – ce qui aurait coûté l’équivalent du revenu annuel d’un ouvrier à l’époque ! Elle n’avait certainement pas le cœur à la fête. Elle avait probablement plus envie de pleurer qu’autre chose. Ce nard, Marie le gardait pour l’enterrement de son bien-aimé. Elle aurait sûrement préféré ne s’en servir que plus tard… beaucoup plus tard… mais… l’heure était grave. Oui, elle s’apprêtait à poser un geste extravagant. Mais Jésus ne posait-il pas toujours des gestes extravagants ? C’était quoi ce parfum à côté de ce que Jésus avait apporté à sa maison ? Une vie nouvelle ! Ça n’a pas de prix ! Pour répandre la bonne nouvelle – afin que tous ceux et celles qui avez un nez comprennent – rien n’était trop coûteux.
Alors Marie verse un demi-litre de parfum sur les pieds de Jésus. Pas sur la tête de Jésus. Non… c’est clair… Jésus est un Messie pas comme les autres. Lui, le pouvoir ne lui est jamais monté à la tête ! Jésus a toujours les deux pieds sur terre. Et il n’a jamais peur de se salir les pieds pour rejoindre les gens là où ils sont. Avant même que Jésus se penche pour laver les pieds de ces disciples en leur demandant de faire de même, Marie se lance.
Nard à la main… Marie nous renvoie déjà au tombeau… le tombeau dont Jésus sortira debout… notre assurance que rien… ni la haine, ni la violence, ni les puissances, ni les principautés, ni même la mort… rien n’est plus fort que la vie que Dieu nous offre par la puissance de son Esprit qui était à l’œuvre en Jésus…et qui est aussi à l’œuvre en nous. Marie oint les pieds de Jésus et, en un geste ultime, d’humilité et d’amour, elle les essuie de ses cheveux.
À voir quelqu’un exprimer si ouvertement – et de manière si audacieuse, si intime, si sensuelle – leur dévotion à Jésus, on aurait sûrement entendu voler une mouche ! Imaginez si tout le monde faisait pareil! C’est Judas qui brise le silence : « Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers, pour les donner aux pauvres ? »
Cette remarque, vous pue-t-elle au nez ? Et si Jean ne nous avait pas dévoilé le cœur de Judas ? L’aurions-nous jugé si sévèrement, si rapidement ? Si j’avais été là, en entendant la remarque de Judas, j’y aurais fort probablement opiné de la tête. Et si je suis honnête avec moi-même et avec Dieu, je ne peux que reconnaitre à quel point je ressemble à Judas. Si souvent mon cœur est partagé. Mes motivations ne sont pas toujours aussi pures que le nard de Marie.
C’est si facile de faire de ce récit l’histoire de Marie et de Judas. L’histoire de la « bonne fille exemplaire » versus « le mauvais gars à ne pas imiter ». Mais ce n’est pas l’histoire de Marie et de Judas… de nous qui sommes à la fois Marie et Judas. C’est l’histoire de Jésus.
Si on s’arrête à Marie et Judas, c’est peut-être parce que nous ne voulons pas nous attarder trop longtemps sur la suite de l’histoire… sur Jésus qui évoque sa mort imminente. La mort, on n’aime pas trop en parler. On l’évite quasiment à tout prix. Ça, ça nous pue vraiment au nez.
Mais avec Jésus, on ne peut pas faire l’économie de la mort. Ne serait-ce pas là, le message que Marie essaie de faire passer à tous ceux et celles qui sont rassemblés autour de Jésus : les gens dont les motivations sont ambigües, comme ceux qui font preuve d’une grande générosité sincère; les gens qui fêtent comme ceux qui ont toutes les raisons de se lamenter ? Ce nard que Marie gardait pour la sépulture de Jésus, elle en met tellement épais qu’absolument tout tout tout dans la maison est imprégné de l’odeur. Rien ni personne n’y échappe! Qu’on s’en souvienne longtemps! Le chemin de Jésus n’est pas une voie de contournement mais un passage à travers la mort… mort à notre ancienne vie…afin que nous soyons relevés à une vie radicalement nouvelle.
Ah… l’odeur de ce parfum qui persiste aujourd’hui… la sentez-vous ? Laissez-la vous arracher à la culpabilité pour toutes vos erreurs de jugement, vos coches mal taillées, vos motivations ambiguës. Laissez cette odeur raviver en vous l’expérience spirituelle primordiale des disciples du Christ, l’oint-de-Dieu pas comme les autres.
Ne trouvez-vous pas que ça sent le printemps ? Ainsi soit-il. Amen.
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