Le passage de la lettre de Paul aux Romains de ce matin a été d’une importance primordiale pour des personnes comme Luther et Bonhoeffer. Tous les deux y ont trouvé une source de libération et d’encouragement.
La libération, pour Luther venait du fait qu’il comprenait enfin l’étendue de la grâce de Dieu. C’était quand nous étions encore pécheurs que Christ est mort pour nous !
L’amour de Dieu nous était manifesté sans que nous ayons rien, mais alors absolument rien, à faire pour le mériter. Ce qui veut dire aussi que Dieu aime tout le monde, pas seulement les chrétiens et les chrétiennes. Luther était soulagé de savoir que la grâce précédait la foi et que ce n’était pas nos mérites ni l’absence de péchés qui nous assuraient le pardon de Dieu.
Bonhoeffer lui, avait pris la mesure de tout ce que cette grâce sans prix avait coûté. Sa conviction l’avait conduit à résister au régime nazi jusqu’au point de fomenter un putsch contre Hitler et d’être exécuté tout juste à veille de la victoire.
Dans Résistance et soumission, cette fameuse collection de lettres écrites en prison, il démontre comment il mettait sa fierté dans ses détresses, sachant que ces détresses procuraient une endurance qui ne pouvait que provenir de Dieu ; cette expérience renforçait sa foi et créait la possibilité d’espérer. Il avait raison d’espérer non pas pour lui-même mais pour la cause qu’il défendait, au risque de sa vie.
Cette grâce de Dieu était à l’ordre du jour dans la rencontre de Jésus et de celle qu’on appelle simplement la Samaritaine, au puits, en plein midi. Poussé par un besoin naturel et vital, la soif, Jésus initie une rencontre où plusieurs frontières ont été franchies et plusieurs tabous violés. C’était une rencontre authentique du donner et du recevoir. Dans cet échange symbolique, une confrontation saine et sincère a eu lieu dont le résultat était un témoignage vivant et personnel, dans la vérité et l’amour sans besoin de condamnation ou de mauvaise conscience.
Le puits est un lieu de rencontres parce qu’au puits s’échangent des tranches de vie autour de cette denrée vitale qu’est l’eau. Les points d’eau ont longtemps été des carrefours de rencontres, certaines fois harmonieuses, d’autres fois belliqueuses.
Venant du Sahel, une région semi-désertique où la nappe phréatique atteint très fréquemment plusieurs dizaines de mètres, j’ai été toujours fasciné par les puits et leurs effets d’écho. Plus d’une fois je me suis retrouvé dangereusement penché sur leur margelle, attiré par la nappe d’argent qui tout au fond, garnissait le lit d’un cours d’eau souterrain. Comment faisaient donc les sourciers pour déceler, plusieurs mètres dans le ventre de la terre, la ressource la plus précieuse au monde ?
L’eau du puits peut être claire et profonde ou alors boueuse et rare, lorsque les eaux avaient tari pendant la saison sèche, par exemple; dans ce cas il faut descendre sous terre, curer et creuser encore davantage. Carrefour de vie, le puits l’est décidemment. Il devient cependant de temps à autre, un lieu de mort par ce qui s’y jette ou ce qu’on en retire. Pour toutes ces raisons le puits se révèle riche en métaphores et allégories.
L’histoire raconte qu’il y avait deux sœurs, Fatima et Aminata, tellement ressemblantes que tout le monde les prenait pour des jumelles. Elles avaient grandi ensemble et développé toutes sortes d’espiègleries ensemble. Elles étaient aussi proches que les deux doigts de la main. Récemment pourtant, c’était comme si une certaine distance s’était installée entre elles.
Aminata, l’habituel boute-en-train était devenue taciturne et réservée. Il faut dire que Fatimata, la petite sœur, s’était mariée il y avait de cela quelques mois, tandis qu’Aminata était devenue la risée publique et un objet de honte pour ses proches.
C’est que son ventre s’était mis à pousser tout seul, peu après le mariage de Fatimata et à la surprise générale, car elle avait jusqu’alors, en tous cas, excellente réputation. Enceinte hors des liens du mariage, elle se faisait traiter de fille dévergondée, jalouse et sans vergogne ; pire, les gens se taisaient à son passage, certains allant jusqu’à détourner la tête et à la «tchiper» comme seules savent le faire les sénégalaises, en accompagnant l’onomatopée d’une moue dédaigneuse, la lippe méprisante. Toute autre qu’Aminata aurait préféré se jeter dans un puits sans fonds pour mettre fin à l’opprobre : pas elle. Seul un soupir, aussi rare qu’indéfinissable, trahissait son état d’âme, à son corps défendant.
Fatimata, elle vivait comme une lune de miel prolongée, plusieurs mois après un mariage de rêve. Elle faisait l’objet de l’adulation générale. N’avait-elle pas, elle, donné tous les signes désirables de vertu d’une vestale lorsqu’au matin de sa première nuit nuptiale, ses tantes avaient agité dans les rues du village un drap maculé de rouge, en poussant des «youyous» joyeux et fiers ?
Avec l’avancée de la grossesse Aminata avait de plus en plus de mal à supporter les quolibets et les flèches que lui décochaient les gens du village, lorsqu’elle allait au puits. Alors, elle avait commencé à espacer ses voyages ou alors à s’y rendre lorsque personne n’osait défier le brûlant soleil de midi (était-ce la raison pour laquelle la Samaritaine était aussi au puits à l’heure où Jésus l’avait rencontrée). Du reste, cela lui devenait physiquement de plus en plus pénible. Bref, par une après-midi d’harmattan (ce vent chaud et brûlant de la savane, qui assèche tout sur son passage), ayant cruellement besoin d’eau, elle envoya la petite Coumba, une nièce, avec une cruche vide auprès de Fatimata, pour en demander un peu.
Mais la jeune émissaire revint penaude et lui dit : «Tantine Fatimata dit qu’elle est désolée ; elle n’a pas le temps et d’ailleurs l’eau du puits a tari et la réserve d’eau qu’elle a dans son canari (récipient en terre cuite qui sert de réserve d’eau et qui est traditionnellement placé à l’entrée de la concession avec toujours un pot à boire placé dessus, pour quiconque aurait soif) suffit à peine pour sa propre consommation».
Aminata dit à la petite d’une voix lassée : «Retourne dire à ta tantine Fatimata, tata Aminata te rappelle qu’un jour, le puits était beaucoup plus asséché mais elle avait quand même puisé pour toi ».
Quand Fatimata qui se répéter les mots que ses oreilles ne voulaient pas entendre, toute son attitude changea. Ah, là, cela devenait sérieux ! Plus question d’utiliser la petite Coumba comme une balle de ping-pong. Sur le coup elle enleva la cruche des mains de Coumba, la remplit à ras-bord, la mit sur sa propre tête et se dépêcha vers la case de sa grande sœur sans même prendre le temps de mettre ses savates.
Elles ne dirent pas un mot mais s’étreignirent longuement, inondées de sueur et de larmes. Qui avait besoin de savoir qu’Aminata s’était substituée à Fatimata lors de la nuit nuptiale de celle-ci et avait sacrifié sa propre virginité pour sauver la dignité de son amie ?
Oui, le puits était bien tari et l’amour d’Aminata avait creusé dans des profondeurs insoupçonnées quand Fatimata était sur des charbons ardents. Comment avait-elle pu oublier ?
Un torrent de reconnaissance et d’amour venait de renaître de ces nouvelles retrouvailles. Elles n’auront plus jamais soif.
Samuel Vauvert Dansokho
P.S. : hier, c’était la journée mondiale de l’eau. D’après l’UNESCO et l’UNICEF, 1200 à 1400 enfants meurent chaque jour de maladies diarrhéiques liées à la consommation d’une eau non potable. Un habitant des Etats-Unis utilise en moyenne 300 à 400 litres d’eau par jour, un Européen 120 à 150 litres et un Africain des contrées subsahariennes 20 à 30 litres.
TEXTES
Romains 5 : 1-8
Ainsi donc, justifiés par la foi, nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ ; par lui nous avons accès, par la foi, à cette grâce en laquelle nous sommes établis et nous mettons notre fierté dans l’espérance de la gloire de Dieu. Bien plus, nous mettons notre fierté dans nos détresses mêmes, sachant que la détresse produit la persévérance, la persévérance la fidélité éprouvée, la fidélité éprouvée l’espérance ; et l’espérance ne trompe pas, car l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. Oui, quand nous étions encore sans force, Christ, au temps fixé, est mort pour des impies. C’est à peine si quelqu’un voudrait mourir pour un juste ; peut-être pour un homme de bien accepterait-on de mourir. Mais en ceci Dieu prouve son amour envers nous : Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs.
Jean 4 : 1-42
1Quand Jésus apprit que les Pharisiens avaient entendu dire qu’il faisait plus de disciples et en baptisait plus que Jean, 2– à vrai dire, Jésus lui-même ne baptisait pas, mais ses disciples – 3il quitta la Judée et regagna la Galilée. 4Or il lui fallait traverser la Samarie. 5C’est ainsi qu’il parvint dans une ville de Samarie appelée Sychar, non loin de la terre donnée par Jacob à son fils Joseph, 6là même où se trouve le puits de Jacob. Fatigué du chemin, Jésus était assis tout simplement au bord du puits. C’était environ la sixième heure. 7Arrive une femme de Samarie pour puiser de l’eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. » 8Ses disciples, en effet, étaient allés à la ville pour acheter de quoi manger. 9Mais cette femme, cette Samaritaine, lui dit : « Comment ? Toi qui es Juif, tu me demandes à boire, à moi, une femme, une Samaritaine ? » Les Juifs, en effet, ne veulent rien avoir de commun avec les Samaritains. 10Jésus lui répondit : « Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : “Donne-moi à boire”, c’est toi qui aurais demandé et il t’aurait donné de l’eau vive. » 11La femme lui dit : « Seigneur, tu n’as pas même un seau et le puits est profond ; d’où la tiens-tu donc, cette eau vive ?12Serais-tu plus grand, toi, que notre père Jacob qui nous a donné le puits et qui, lui-même, y a bu ainsi que ses fils et ses bêtes ? » 13Jésus lui répondit : « Quiconque boit de cette eau-ci aura encore soif ; 14mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; au contraire, l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissant en vie éternelle. » 15La femme lui dit : « Seigneur, donne-moi cette eau pour que je n’aie plus soif et que je n’aie plus à venir puiser ici. » 16Jésus lui dit : « Va, appelle ton mari et reviens ici. » 17La femme lui répondit : « Je n’ai pas de mari. » Jésus lui dit : « Tu dis bien : “Je n’ai pas de mari” ; 18tu en as eu cinq et l’homme que tu as maintenant n’est pas ton mari. En cela tu as dit vrai. » 19– « Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es un prophète. 20Nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous affirmez qu’à Jérusalem se trouve le lieu où il faut adorer. » 21Jésus lui dit : « Crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. 22Vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. 23Mais l’heure vient, elle est là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; tels sont, en effet, les adorateurs que cherche le Père. 24Dieu est esprit et c’est pourquoi ceux qui l’adorent doivent adorer en esprit et en vérité. » 25La femme lui dit : « Je sais qu’un Messie doit venir – celui qu’on appelle Christ. Lorsqu’il viendra, il nous annoncera toutes choses. » 26Jésus lui dit : « Je le suis, moi qui te parle. »
27Sur quoi les disciples arrivèrent. Ils s’étonnaient que Jésus parlât avec une femme ; cependant personne ne lui dit « Que cherches-tu ? » ou « Pourquoi lui parles-tu ? » 28La femme alors, abandonnant sa cruche, s’en fut à la ville et dit aux gens : 29« Venez donc voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Messie ? » 30Ils sortirent de la ville et allèrent vers lui. 31Entre-temps, les disciples le pressaient : « Rabbi, mange donc. » 32Mais il leur dit : « J’ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas. » 33Sur quoi les disciples se dirent entre eux : « Quelqu’un lui aurait-il donné à manger ? » 34Jésus leur dit : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. 35Ne dites-vous pas vous-mêmes : “Encore quatre mois et viendra la moisson” ? Mais moi je vous dis : levez les yeux et regardez ; déjà les champs sont blancs pour la moisson ! 36Déjà le moissonneur reçoit son salaire et amasse du fruit pour la vie éternelle, si bien que celui qui sème et celui qui moissonne se réjouissent ensemble. 37Car en ceci le proverbe est vrai, qui dit : “L’un sème, l’autre moissonne.” 38Je vous ai envoyés moissonner ce qui ne vous a coûté aucune peine ; d’autres ont peiné et vous avez pénétré dans ce qui leur a coûté tant de peine. » 39Beaucoup de Samaritains de cette ville avaient cru en lui à cause de la parole de la femme qui attestait : « Il m’a dit tout ce que j’ai fait. » 40Aussi, lorsqu’ils furent arrivés près de lui, les Samaritains le prièrent de demeurer parmi eux. Et il y demeura deux jours. 41Bien plus nombreux encore furent ceux qui crurent à cause de sa parole à lui ; 42et ils disaient à la femme : « Ce n’est plus seulement à cause de tes dires que nous croyons ; nous l’avons entendu nous-mêmes et nous savons qu’il est vraiment le Sauveur du monde. »
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