Ô Christ, nous voici. Nous confessons que, généralement, nous préférons les croix au crucifix, et surtout les petites croix plaquées qui brillent sur nos tables de communion ou sur une petite chaine autour de notre cou. Ce matin, nous sommes tentés de détourner le regard… comme cela nous arrive de le faire lorsque nous croisons quelqu’un qui nous gêne, un itinérant, une personne handicapée, quelqu’un que nous avons de la difficulté à aimer, quelqu’un qu’on a blessé et qui nous fait nous sentir coupable. Nous confessons que de nos jours, bien de tes disciples passent directement de « Hosanna » à « Alléluia » sans s’arrêter au lieu dit « le Crâne » où tu as été crucifié entre deux malfaiteurs. Aujourd’hui, nous nous fondons dans la foule qui reste là et regarde. Nous ne sommes ni sadiques ni insensibles. Cette scène nous horrifie… Le récit de Luc a beau laisser entendre que c’est ainsi que tu accomplis les Écritures (voir Ésaïe 53 et Psaume 22, par exemple), cela ne veut pas dire que nous y voyons clair. Trop longtemps nous qui sommes faits à l’image de ton Père t’avons fait à l’image des rois qui dominent le monde – imposant leur volonté et faisant la sourde oreille aux cris des peuples subjugués. Ô Christ, donne-nous aujourd’hui le courage et le discernement non seulement de regarder mais aussi de voir… de voir qui tu es, et comment tu règnes.
Ton premier décret royal ? « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. » Du haut de ta croix et au pic de ce qui devaient être les pires souffrances physiques, psychologiques et spirituels, les premiers mots qui sortent de ta bouche forment une prière… et une prière… pour tes bourreaux. Tu demandes à Dieu de les pardonner. Ce qui est au-dessus de nos forces, Dieu s’en charge. C’est Dieu qui pardonne… non pas pour que l’on oublie… mais pour qu’on soit libéré du fardeau du mal qui est fait… et subi.
Ô Christ, tu as subi non seulement les pires supplices physiques mais aussi moqueries et railleries. Qu’on se souvienne aujourd’hui et toujours qu’il y a des jokes qui ne sont pas drôles, pas pantoute. Il y a un humour qui réjouit et divertit et un humour qui humilie, brutalise et qui peut briser des vies. Qu’on se souvienne aujourd’hui et toujours qu’à la différence des rois de ce monde, tu es un roi qui ne choisit jamais de répondre à la violence par la violence ou de montrer ta force pour sauver ta peau. Dès le début de ton ministère public, tu nous montres que c’est le diable, le diviseur, qui essaie de nous faire céder à ces tentations (Luc 4, 1-13). Aujourd’hui encore, nous voyons qu’avec Dieu, il est humainement possible d’y résister. Si seulement tous les rois et les leaders du monde saisissaient à pleines mains l’occasion de régner comme tu le fais.
Du haut de la croix, ô Christ, tu es le roi au-dessus de tous les autres rois et leaders que nous avons connus parce que tu refuses tout ce qui divise, tout ce qui sépare. Toi qui es de condition divine, tu t’es dépouillé pour que plus rien ne nous sépare de Dieu. Comme dans le tableau que nous avons devant les yeux, tu fais corps avec toute l’humanité souffrante, même avec les malfaiteurs qui, aux yeux des autres ou à leurs propres yeux, mériteraient ce qui leur arrive.
Toi qui n’as rien fait de mal. Tu n’as rien fait pour mériter ce que tu as subi. Tu fais corps avec toutes les personnes jugées et traitées injustement. Et en même temps, tu fais corps avec les malfaiteurs que nous sommes. N’avons-nous pas toutes et tous fait le mal que nous ne voulions pas faire ? Et que dire du mal que nous avons fait sans savoir ce que nous faisions ? Tu fais corps avec chacun-e de nous. Nous vivons en toi qui as choisi de vivre et de mourir comme nous. Rien ne pourra nous séparer de l’Amour de Dieu en toi. Cet Amour coule en nous comme le sang dans nos veines, faisant circuler la Vie.
Aujourd’hui comme hier, tu es un roi, un leader comme nul autre. Toi, de condition divine, tu t’es dépouillé pour nous montrer ce qui est possible dès aujourd’hui… pour chacun-e de nous. « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis, là où vivent les justes. » Aujourd’hui nous serons avec toi… non pas parce que nous pratiquons… mais parce que tu agis en nous. Tu nous justifies. Tu nous alignes sur la volonté de Dieu. Par la grâce de Dieu, tu fais corps avec nous. Tu vis en nous et nous pouvons vivre comme tu as vécu. Nous sommes capables de Dieu parce que tu as été capable d’être entièrement humain.
Dès aujourd’hui, par la grâce de Dieu, puissions-nous vivre la foi que nous confessons en contemplant ta croix. Pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Amen.
Photo: « Aujourd’hui avec moi au paradis », tableau de Jacques Adrien Tremblé, 1993
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