Le mois de janvier est un mois difficile pour beaucoup de gens. Noël est passé. L’hiver est bien installé. Et même si les journées rallongent, nous sommes encore très loin des longues soirées d’été. Et cette année, alors que, pour une deuxième année consécutive, la pandémie nous force à réduire nos contacts et à vivre avec beaucoup de restrictions, les gens ont de plus en plus de difficulté à « garder le moral ». Ce n’est pas uniquement le nombre de cas de Covid qui augmente, le niveau de stress, d’anxiété, d’angoisse, ainsi que les cas de déprime et de dépression sont en hausse dans la population générale, chez les jeunes comme chez les aînés, chez les personnes vivant dans la précarité comme chez les plus avantagés. Si vous vous reconnaissez dans ce que je viens de décrire, la première chose à vous rappeler, c’est que vous n’êtes pas seul… et que nier ou minimiser la situation est rarement la meilleure manière de passer au travers. Je ne saurais vous dire combien de conversations que j’ai ces temps-ci qui commence par… « Je n’ai pas raison de me plaindre…. ça va bien… mais… c’est juste que… » C’est juste que… ça va pas si bien… n’est-ce pas ? Peu importe ce que nous vivons, ce que nous ressentons, nous ne sommes pas seuls. D’autres sont dans la même situation ou y sont passés avant nous. Y puisez force et encouragement peut être le début d’une transformation en profondeur. Ça peut même nous aider à retrouver la joie. Causons-en… pour la cause!
C’est vrai pour tout le monde… et combien plus pour nous qui avons Jésus dans notre bulle. Selon le portrait qu’en font les Évangiles, Jésus est un bon vivant. C’est le moins qu’on puisse dire. Certains vont jusqu’à le traiter d’ivrogne (Matthieu 11, 19). Et dans l’Évangile de Jean, c’est à une noce bien arrosée que débute son ministère public. Et la première chose qu’on peut se dire, c’est que ce n’est pas rien, quand un jour de fête attendu et planifié de longue date tombe à l’eau. Même Jésus le reconnait.
Cela pourrait nous sembler curieux que, selon l’Évangile de Jean, le premier « signe » de Jésus, la première manifestation de la gloire de Dieu à l’œuvre en Jésus, ce n’est pas une guérison époustouflante ou une prédication saisissante. C’est un geste qui permet à quelqu’un… on ne sait pas qui… de sauver la face. Cependant, dans une société où l’hospitalité est archi-importante, manquer de vin, c’est grave… archi-grave… assez pour entacher la réputation des hôtes pendant longtemps. On comprend alors que la mère de Jésus prenne celui-ci à part et lui dise : « L’heure est grave, fais quelque chose! »
Et là… Jésus, le « bon vivant », donne l’impression de devenir un vrai casseux de party : « Que me veux-tu, femme? Mon heure n’est pas encore venue. » Rien comme une noce pour faire ressortir les tensions familiales, vous dites-vous, peut-être. Dans la version grecque originale, Jésus dit à sa mère : « Qu’y a-t-il pour toi et pour moi? » une formule utilisée pour écarter une intervention jugée déplacée. En gros, Jésus lui dit : « Y a d’autres choses qui devraient retenir notre attention. Nous risquons de passer à côté de l’essentiel en focussant sur cette question. » Oui, Jésus a raison. Parfois, dans nos vies personnelles comme en Église, nous fixons tellement les petits détails de notre quotidien que nous perdons de vue la vision d’ensemble. L’heure de Jésus, ce qui mérite toute notre attention, c’est sa mort et sa résurrection.
Jésus ne nous dit pas que nos soucis, nos préoccupations et nos problèmes ne sont pas importants. Après tout, Jésus finit par intervenir en faveur de son hôte pour le « sauver » de l’embarras. Jésus n’est donc pas insensible à « nos petits problèmes ». On n’a pas tort de les lui confier. Et on a raison de croire qu’il fera quelque chose. Quelque chose arrivera. Mais toute cette histoire nous rappelle aussi que c’est à « son heure » que nous pouvons mettre nos pendules à l’heure. Son heure… sa mort, sa résurrection… nous permet de mettre les choses en perspective. Beau temps, mauvais temps, c’est ce qui nous permet de comprendre et de nous positionner, nous orienter, face à ce que nous vivons. Et Jésus nous oriente toujours vers une vie radicalement différente de celle qu’on a déjà connue.
Dans un sens, à Cana, Jésus ne fait rien « d’extraordinaire ». Il ne fait rien pour apporter la paix, pour éradiquer la faim dans le monde. Le manque de vin ne menace aucunement la survie des convives, ni même leur soif (il y a de l’eau). Ce qui est menacé ici, c’est la joie de l’instant présent. C’est la fête. Mais cette fête évoque bien plus qu’un moment de divertissement ou d’oubli passager (qui nous laisse toujours sur notre faim).
À cet égard je pense à l’histoire d’une jeune étudiante qui, pendant plusieurs années, cherchait à « mettre du piquant » dans sa vie en courant après des sensations fortes et en faisant la fête. Mais ces divertissements n’ont pas assouvi sa soif de Vie (avec un V majuscule), de sens, de vérité. L’euphorie lui permettait d’oublier momentanément son mal de vivre… mais ne faisait rien pour l’apaiser vraiment. C’est lorsqu’elle a découvert l’Église, et cette autre fête, que tout a changé pour elle. Ce qu’elle a trouvé, c’est une fête n’abolit pas les défis, les soucis, les préoccupations mais qui les transforme. Ce qu’elle a trouvé, c’est la fête évoquée par la noce de Cana. Cette fête devient signe, c’est-à-dire qu’elle pointe vers, elle nous oriente, vers le règne de Dieu, cette fête par excellence qui nous surprend au delà de tout ce que nous pourrions demander ou même imaginer.
Comme nous le voyons dans l’extrait du livre d’Ésaïe que nous venons d’entendre, dans la Bible, la noce symbolise l’alliance, la relation indissoluble entre Dieu et son peuple, qui sera scellée par la venue du Messie. À Cana, le geste prodigieux de Jésus nous ouvre à un nouveau type de relation avec Dieu. L’eau destinée aux rituels de purification est transformée en vin. La présence de Jésus nous permet de passer de rituels mettant l’accent sur le péché qui nous sépare de Dieu à la communion, état de grâce offert gratuitement qui nous lie de manière festive à Dieu au plus intime de nos de notre existence. Les barrières érigées entre les gens qui sont acceptables et ceux qui ne le sont pas, les gens qui sont invités à savourer l’abondance des dons de Dieu et ceux qui ne le sont pas, toutes ces barrières sont emportées par le vin qui coule désormais à flot (6 jarres de 2 à 3 mesures chacune, c’est entre 500 et 700 litres environ) pour réjouir tous les cœurs. Il y en a pour faire un méchant party où toutes et tous ont plus que le strict minimum! Pis c’est pas de la piquette. Peu importe ce qu’on a bu jusqu’à présent, ce que Jésus nous offre dès aujourd’hui, c’est le meilleur. Il y a de quoi réjouir même le plus triste des cœurs. Prenons donc courage! Avec Jésus dans votre bulle, nous ne sommes pas seuls. Et le party peut pogner à tout moment. Amen.
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