Carême pour la création

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Mardi soir dernier, plus de 70 personnes des Églises anglicanes, de l’Église presbytérienne ainsi que de Saint-Pierre se sont retrouvées à l’Église anglicane Saint Michael pour leur traditionnel souper de crêpes du Mardi gras qui s’est terminé par un rituel d’imposition des cendres (qui a lieu normalement le Mercredi des Cendres ) pour marquer l’entrée en carême. Un beau moment d’œcuménisme, d’unité chrétienne. Mais vous savez, aussi agréable que fût ce moment. L’œcuménisme nous appelle à plus encore.

Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits.

Rappelons-nous que le mot œcuménisme vient du grec oikos , mot qui peut signifier maison ou bien toute la terre habitée. C’est la racine des mots écologie et économie. (Intéressant ce lien, n’est-ce pas ? Déjà en 1997, dans un rapport intitulé « Prendre soin de la création : une vision œcuménique pour la guérison et la réconciliation », l’Église Unie affirme que l’écologie doit être une priorité œcuménique ; que toutes les Églises se doivent d’unir leurs forces pour prendre soin de la création, notre maison commune. De plus en plus d’Églises et de regroupements chrétiens abondent dans le même sens. Ce n’est donc pas surprenant que de plus en plus d’Églises – tant protestantes que catholiques mettent l’écologie au centre de leurs pratiques du carême. (Cherchez « Carême pour le climat » sur Internet, vous verrez).

Convaincus que nous sommes sauvés par la grâce seule, qu’aucun geste n’est nécessaire pour « gagner son ciel » les protestants ont toujours regardé d’un œil suspicieux tout ce qui pouvait donner l’impression que nos œuvres sont méritoires. Donc, à bas les 40 jours de pénitence et de jeûne. Toutefois, comme nous le rappelle Nathalie Leenhardt dans un article publié dans Réforme, « La sobriété, la modération et la simplicité ont toujours tenu des places importantes dans la spiritualité protestante. » Et n’oublions pas, nous protestants pour qui la Bible est la source à laquelle nous retournons constamment et à partir de laquelle nous développons notre théologie, notre écologie, notre éthique chrétiennes, le jeûne est bien attesté dans les Écritures. Comme on le voit ce matin, Jésus lui-même a jugé bon de jeûner.

Remarquez bien, Jésus n’a pas jeûné pour se mortifier afin de se prévaloir de quelque mérite que ce soit… mais plutôt pour donner à Dieu et à sa Parole leur juste place dans sa vie. Jésus a jeûné pour incarner la Parole dont il s’est toujours nourri : « Le jeûne que je préfère, n’est-ce pas ceci : dénouer les liens provenant de la méchanceté, détacher les courroies du joug, renvoyer libres ceux qui ployaient… N’est-ce pas partager ton pain avec l’affamé ? Et encore : les pauvres sans abri, tu les hébergeras, si tu vois quelqu’un nu, tu le couvriras : devant celui qui est ta propre chair, tu ne te déroberas pas. » (Esaïe 58, 6-7) N’est-ce pas le jeûne tel que Jésus l’a pratiqué ? Jésus a jeûné, préférant multiplier des pains pour nourrir des foules. Jésus s’est passé de pouvoir et de gloire pour relever les autres et mettre en lumière la dignité de toute personne humaine.

La vie de Jésus nous l’illustre clairement : le jeûne qui plaît à Dieu n’est pas un jeûne qu’on entreprend pour son bénéfice personnel… pour les mérites dont nous pourrions nous prévaloir ou les « faveurs » que Dieu pourrait nous accorder. Un jeûne qui plaît à Dieu n’est pas un jeûne qui nous garde repliés sur nous-mêmes (la tête courbée, enfoncée dans les cendres de nos existences). Le jeûne qui plaît à Dieu, c’est un jeûne qui nous ouvre à l’autre, en commençant par le tout-Autre, le créateur du ciel et de la terre. Et si tous les disciples de Jésus le mettait en pratique, n’est-ce pas un jeûne qui serait bienfaisant pour la toute la terre habitée ?

Jeûner, c’est faire un choix délibéré. C’est choisir de ne pas assouvir notre moindre désir. Pour nous qui vivons dans l’abondance, jeûner, c’est se rappeler que Dieu a créé un monde pour nous donner ce dont nous avons besoin… et non pas tout ce dont nous avons envie… et toujours au plus bas prix (vous voyez le lien entre écologie et économie ?) Jeûner c’est choisir de libérer ceux et celles qui ploient dans des ateliers de misère à l’autre bout du monde. Jeûner comme Jésus l’a fait nous amènerait à renoncer aux puissances économique et politiques qui exploitent des êtres humains ou dilapident les ressources de la Terre.

Non, ce n’est pas un jeûne qui est facile à pratiquer. L’évangile de ce matin le souligne : jeûner à la manière de Jésus amène son lot d’épreuves. (Notez que le mot qui est traduit par être tenté dans la TOB se traduit aussi par mis à l’épreuve). Jésus a été mis à l’épreuve, comme nous pouvons l’être. Notre foi n’est pas une échappatoire, une inoculation contre toute épreuve. Toutefois, par la grâce de Dieu, à l’instar de Jésus, notre foi, peut nous donner la force et le courage d’affronter les épreuves, de changer les choses que nous pouvons changer… non pas pour être sauvés… mais parce que nous sommes sauvés. Par la grâce seule, en Christ, nous avons la vie toujours nouvelle et éternelle. N’est-ce pas la foi que nous professons ? Voilà une bonne nouvelle : nous n’avons qu’à cultiver la vie qui est déjà en nous et parmi nous… ce qui m’amène à une autre bonne nouvelle… nous ne sommes pas seuls ! J’ai la conviction que le Dieu qui a envoyé des anges, des messagers, pour servir Jésus dans le désert, mettra des serviteurs et des servantes sur notre route.

Que notre discipline spirituelle du carême nous donne de voir poindre l’aurore, l’aube d’un jour nouveau, un temps d’œcuménisme véritable, pour le rétablissement de la Terre entière. Amen.

 

LECTURES BIBLIQUES

Ésaïe 58, 1-8

Matthieu 4, 1-11

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