Cette année, le temps du Carême commence par une belle déclaration d’amour : « Tu es mon Fils bien-aimé, il m’a plus de te choisir. » Puis aussitôt dit, l’Esprit pousse Jésus au désert. Soyons claires, on ne parle pas ici d’un appel à faire une petite retraite, à prendre un temps d’arrêt pour prier et réfléchir dans le silence… « recharger ses batteries ». Ici, Marc ne nous dit pas que Jésus se retira pour prier (voir Marc 1, 35, par exemple). Ici, l’Esprit pousse Jésus au désert. Le mot grec traduit par « pousser » veut dire, « emmener quelqu’un quelque part avec une force à laquelle il ne peut résister ». Le terme peut aussi avoir une connotation de violence : expulser, chasser dehors, renvoyer. C’est le même mot qui sera utilisé seulement quelques versets plus loin lorsque Jésus chassera de nombreux démons après avoir guéri la belle-mère de Simon (Marc 1, 34). Vous rendez-vous compte ? L’Esprit renvoie Jésus comme un démon : « Awaye ! Dehors ! » Ayoye ! En anglais, on appellerait ça du tough love ! « C’est pour ton bien… mon fils. »
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
L’Esprit pousse Jésus au désert où pendant quarante jours il sera tenté par Satan, ou l’accusateur. Dans ce cas-ci, non seulement Dieu le laisse entrer en tentation, mais l’Esprit le soumet carrément à la tentation… pour reprendre les mots des deux traductions possibles du Notre Père dont nous avons discuté lors de notre atelier biblique dans le cadre de la Semaine de prière pour l’unité chrétienne. (Si vous n’avez pas pu participer à l’atelier, vous pouvez lire l’excellente présentation de Paul-André disponible sur le site de la charge pastorale en cliquant ici). Alors, Dieu serait-il l’auteur de nos tentations, du mal qui nous guette ? Des centaines, sinon des milliers, de livres ont été écrit sur le sujet… sans clore le débat pour autant. Moi non plus, je n’ai pas de réponse définitive quant à l’origine du mal et comment Dieu intervient dans nos vies (Oui, j’ai la ferme conviction que Dieu intervient dans nos vies… mais quand et comment… ça demeure un mystère). Donc, pas de réponses. Juste des intuitions fondées sur mon expérience spirituelle.
Je demeure profondément convaincue que Dieu est Amour, que Dieu m’aime, que Dieu nous aime toutes et tous. Mais je sais aussi d’expérience que quand la vie nous pousse dans des lieux déserts, nous catapulte dans des situations que nous aurions préféré éviter, nous pouvons avoir le sentiment que Dieu nous chasse, nous renvoie, nous punit même. Et tout peut basculer en un instant. Pendant un moment, on baigne dans l’amour de Dieu et la confiance sereine que Dieu veille sur nous ; et puis aussitôt, il suffit d’une parole, d’un geste, d’un coup de téléphone, d’un texto ou d’un courriel, et on fait l’expérience de l’absence de Dieu. Tout à coup, on a l’impression d’être « jeté dehors ». Et alors, très souvent, ce ne sont plus des déclarations d’amour que nous entendons mais plutôt la voix de l’accusateur : celui qui nous juge sévèrement, nous disant que nous sommes est ceci ou cela… trop ou pas assez… toutes ces voix qui minent notre confiance, nous rabaissent, nous tourmentent, nous gardent prisonniers et repliés sur nous-mêmes. Et c’est là que les bêtes sauvages sortent de leurs tanières. Nos faiblesses, nos peurs et nos angoisses, nos jalousies, nos insécurités toutes nous montrent leurs crocs, menacent de nous mettre en pièces. C’est là que nous pouvons être tentés de sortir nos griffes pour nous défendre, nous laissant ainsi prendre au piège du cycle de la violence… une tentation bien plus redoutable que tout le chocolat, l’alcool etc. du monde. N’en avons-nous pas un exemple très frappant chez nos voisins du sud. Plus les gens s’achètent des armes pour se protéger, plus les gens s’entretuent…jusque dans les écoles ! Dans nos vies personnelles, cette tentation se manifeste généralement, de façon plus subtile et la violence est souvent tournée vers nous même. Dans un cas comme dans l’autre, c’est le même mécanisme d’auto-défense qui devient autodestructeur.
Répondre aux voix accusatrices et aux forces destructrices par des gestes et des paroles violents est une tentation qui nous guette toutes et tous. C’est à cette tentation que Jésus a résisté. Et non seulement dans le désert, mais tout au long de sa vie. Oui, par la grâce de Dieu et avec le soutien de ses anges, Jésus a résisté à la tentation. Voilà la bonne nouvelle. Jésus a résisté à la tentation et nous le pouvons, nous aussi. Baptisés en Christ, fils et filles de Dieu en lui, nous sommes revêtus de la même puissance vivificatrice. Nous avons en nous le pouvoir de résister à la tentation et de poursuivre notre route sur les voies de l’Amour, comme lui l’a fait.
Je ne sais pas si c’est Dieu me pousse au pays de mes tentations mais dans le cas de Jésus, Marc est très clair : l’Esprit a poussé Jésus au désert. Il y a été tenté… vraiment tenté. Ce n’était pas juste des chimères. Il a été tenté mais la tentation n’a pas eu raison de sa foi, de sa confiance en l’amour indéfectible de Dieu. Et par la foi, Jésus a transformé le monde à tout jamais, une vie à la fois.
Et là, j’entends une autre voix. L’entendez-vous ? « Mon bien-aimé, ma bien-aimée, c’était pour ton bien. La prochaine fois que la vie te catapultera dans le fin fond du désert, souviens-toi de Jésus et écoute les anges que je mets sur ton chemin pour te rappeler mon amour. Comme Jésus l’a fait avant toi, tu sortiras du désert pour poursuivre ta route sur les traces de mon Fils bien-aimé. » Mes frères et sœurs, qu’il en soit ainsi pour nous toutes et tous, pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Amen.
Par Darla Sloan
18 février 2018 – 1 Carême B18 – Église Unie St-Pierre
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