Jésus est invité à prendre un repas chez des pharisiens. Et Luc de noter au passage : ils l’observaient… L’évangéliste ajoute : Jésus (…) remarquait qu’ils choisissaient les premières places…
Voilà donc que les observateurs sont observés par Jésus. Il aurait pu observer sans rien dire. Mais Jésus, comme nous l’a décrit si éloquemment Paul-André il y a deux dimanches, est «animé d’une passion brûlante (…) Il portait un feu en lui, et comme il aurait voulu que les autres brûlent comme lui!» Il est investi d’une mission par son Père : «chercher le Règne de Dieu» et participer à le faire advenir.
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
Ce qui se passe sous ses yeux ne ressemble pas à sa conception du Règne de Dieu. Les invités, en quelque sorte, jouent du coude pour occuper les meilleures places, pour bien paraître. Jésus, en demandant aux invités à la noce de ne pas rechercher les premières places, invite autant ses disciples que les interprètes de la Loi que sont les pharisiens. C’est à un total retournement de mentalité qu’il appelle celles et ceux qui veulent être de vrais disciples. Jésus devra revenir sans cesse sur cette tendance si naturelle de ses disciples, de nous toutes et tous en fait, à nous faufiler à la place du «plus grand». Au moment où se profile sa Passion à l’horizon, il doit encore revenir à la charge. Au chapitre 22 de l’évangile de Luc en effet, les disciples se querellent encore sur celui qui leur semblait le plus grand (verset 24). Et Jésus d’insister encore : que le plus grand parmi vous prenne la place du plus jeune, et celui qui commande la place de celui qui sert (verset 26).
Plus tu es grand, plus il faut t’humilier, écrit Ben Sirac le Sage, et devant le Seigneur tu trouveras grâce (3, 18). Voilà que nous nous approchons ainsi du mystère même de Jésus, lui qui est de condition divine,comme l’écrit Paul dans sa lettre aux Philippiens (2, 6-8), n’a pas considéré comme une proie à saisir d’être l’égal de Dieu. Mais il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et, reconnu à son aspect comme un homme; il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix.
Ce qui est remis en cause ici par Jésus, ce n’est pas l’invitation de Dieu à sa table. Non, chacun, chacune est invité-e. Mais chacun, chacune est invité-e parmi d’autres. Chacun, chacune a une place, a sa place. Mais comme les noms des convives ne sont pas inscrits sur des cartons sur sa table, personne ne sait vraiment quelle place Dieu lui a réservée… il est donc plus sûr de rester à la dernière place même si nous sommes assurés d’être invités, appelés, aimés.
De la même manière que nous sommes tous et toutes invité-es, il viendra bien le jour où, à notre tour, nous aurons à inviter. Là aussi l’enseignement de Jésus nous appelle à un changement profond de nos mentalités. Nous recherchons spontanément la facilité en invitant nos proches mais le Règne de Dieu est offert à tous sans restriction. Un carme français, Jean-Christian Lévêque, résume comment nous pouvons faire advenir le Règne de Dieu :
Le Christ, écrit-il, nous dit en quelque sorte aujourd’hui : «Il te faut dépasser les catégories, savoir quitter l’atmosphère que tu aimes, ouvrir ta vie à ceux qui n’ont rien à te rendre, ni service, ni compréhension, ni amitié, ni gratitude».
Le Christ veut nous voir imiter la générosité du Père, qui nous rassemble tous aujourd’hui pour son festin, nous les pauvres, pauvres d’argent ou de moyens d’expression, pauvres d’amitié ou d’espérance, nous les estropiés, blessés par la vie, et qui gardons les cicatrices de notre passé, nous les boiteux et les boiteuses qui, après des années de grâce, allons encore à Dieu clopin-clopant, sans oser croire à son amour, nous les aveugles qui croyons voir et qui croyons savoir, qui tâtonnons dans notre propre vie et qui prétendons apprendre à Dieu par quel chemin il faut passer.<
Aux yeux de Dieu (…) il n’y a qu’une communauté de croyants (…) tous pauvres, tous indigents de pardon, tous assis humblement à la dernière place, trop contents déjà d’avoir part au festin.
Amen.
Par Pierre Nadeau
Prédication du 28 août 2016
Église Unie Saint-Pierre, 22e dimanche du temps ordinaire C
LECTURES BIBLIQUES
Siracide 3, 17-29
Luc 14, 1.7-11
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