Chez nous, c’est différent…

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Nous vivons dans un monde compétitif : un monde qui appartient aux champions, aux vedettes, aux plus forts, aux plus rapides, aux plus efficaces, aux plus performants, aux mieux nantis, aux plus rentables ; à ceux et celles qui se hissent aux premières places… et cela dans tous les domaines. Il en va de même dans le monde des sports comme dans le domaine des arts, à la petite école comme dans les plus grosses entreprises multinationales. Et les effets dévastateurs de la compétitivité sont visibles dans toutes les sphères de la vie : l’intimidation dans les cours d’école, le dopage dans le monde du sport, les fraudes et les détournements des fonds dans le monde des affaires… la dépression de gens couronnés de succès sont des signes que beaucoup de nos contemporains suivent de faux dieux qui tentent de nous faire croire que l’avenir appartient à ceux qui s’élèvent aux premières places. Et nous voyons dans l’extrait de l’Évangile d’aujourd’hui que tout cela ne date pas d’hier.

Jacques et Jean sont des gars ben ordinaires… deux pêcheurs d’un petit village des « régions ». Ils rêvent d’un avenir meilleur… pour eux… pour le monde comme eux… des gens ordinaires, dont certains en arrachent plus que d’autres. Alors ils acceptent l’invitation de suivre une étoile montante de leur époque : Jésus de Nazareth. Ils se disent que s’ils mènent bien leur jeu, ils partageront un jour sa gloire et seront à leur tour des stars. Ils veulent avoir voix au chapitre. Ils voulaient se démarquer, laisser leur marque. Alors ils se lancent : « Maître, donne-nous d’être assis, l’un à ta droite, l’autre à ta gauche dans ta gloire. » Pas surprenant que les dix autres s’indignent. Si Jacques et Jean sont en tête… ne seront-ils pas loin derrière, laissés pour compte ? Les douze ont beau suivre Jésus partout et l’entendre annoncer à répétition sa mort et sa résurrection, leur dire et redire que c’est en se dépouillant qu’on accède à la vie en abondance, ils n’ont pas encore compris. En tout cas, Jacques et Jean, eux, n’ont pas encore saisi que la gloire de Jésus n’est pas la gloire des grandes vedettes de ce monde.  « Vous ne savez pas ce que vous demandez. » leur dit Jésus. (Ce sera deux brigands qui seront bientôt à ses côtés.)

Il y a au moins deux choses qui me frappent ici. Premièrement, la patience de Jésus. Depuis des semaines, nous entendons Jésus dire à ces disciples, de différentes façons, que les plus grands ne sont pas ceux et celles qui se hissent au-dessus des autres mais plutôt les gens qui s’abaissent pour accueillir et pour servir les plus petits. Tant que les disciples ne comprennent pas, Jésus recommence… encore et encore. Ce n’est pas la performance des disciples qui est déterminant… mais la grâce de Dieu en Jésus Christ. Jésus nous offre encore et encore des occasions de nous reprendre, d’essayer à nouveau. Et c’est Jésus qui est garant du résultat final.

Cela m’amène à autre chose qui me frappe dans l’extrait de l’Évangile d’aujourd’hui. En reprenant pour la énième fois son enseignement sur ce qui doit distinguer les disciples Jésus leur dit : « Vous le savez, ceux qu’on regarde comme les chefs des nations les tiennent sous leur pouvoir et les grands sous leur domination. Il n’en est pas ainsi parmi vous. » (v. 42-43) Avez-vous remarqué ? Il n’en est pas ainsi parmi vous. Le verbe est au présent. Même si les disciples ne comprennent pas ce qu’ils demandent, même si certains continuent de se disputer les « meilleures places », Jésus ne se fie ni apparences, ni à la performance des gens. Il se fie au potentiel, à l’élan de vie, la puissance créatrice que Dieu place dans nos cœurs. Jésus sait de quoi ses disciples sont faits, ce dont ils sont capables par la grâce de Dieu. Il n’en est pas ainsi parmi vous. Chez vous, c’est différent.

Récemment, lors d’une conférence sur l’avenir de l’Église et la société dans le monde post-pandémique, Daniel Laliberté, directeur de l’Office national de liturgie, disait qu’apparemment, dans le monde gréco-romain, à l’époque de l’Église primitive, les enfants qui naissaient handicapés étaient souvent abandonnés… mais que les gens savaient que chez les chrétiens, c’était différent.

De toute évidence, Jean, Jacques et les autres ont fini par comprendre quelque chose… peut-être pas parfaitement… mais ils ont compris quelque chose… et ça a changé le monde… littéralement. Ils n’ont pas attendu que le régime change pour être, par la grâce de Dieu, le levain qui a fini par changer la culture environnante. Ils ont simplement agi – comme du levain, spontanément, énergiquement, là où ils se trouvaient – en faveur des plus vulnérables. Chez les chrétiens, c’était différent.

Chez les chrétiens c’est différent. Qu’est-ce qui est différent chez nous ? Être disciple de Jésus, quelle différence est que cela fait dans votre vie, dans notre vie comme communauté ? Comment est-ce que nous nous démarquons de la société environnante qui valorise la force, la rapidité, l’efficacité, la productivité, la rentabilité ? À quel avenir rêvons-nous… pour nous et nos contemporains ainsi que pour les générations à venir ? Comment laisser notre marque de sorte que d’autres disent un jour en parlant de nous : « Chez eux, c’était différent ? » Attention, en disant cela, je ne veux pas laisser entendre que je pense que les chrétiens sont les seuls qui sont différents. « Qui n’est pas contre nous est pour nous » (Marc 9,40), disait Jésus il y a quelques semaines. Chez nous, chez d’autres, les choses peuvent être différentes. En agissant, toutes et tous ensemble, en faveur des plus vulnérables, nous pouvons changer le monde. Nous pouvons partager nos ressources exiger que nos élus changent des choses. Nous avons la chance de vivre dans un pays où cela ne mettra pas notre vie en danger. Alors agissons. spontanément, énergiquement, là où nous nous trouvons. Faisons ce que nous pouvons… en faveur des 1, 2 millions de personnes en situation de pauvreté, par exemple.

Mais encore une fois, n’angoissons-nous pas. C’est par la grâce du Christ que Jacques et Jean… malgré leur faux départ… finissent par remporter la coupe. La vraie…pas un trophée qu’on admire de loin et qui apporte qu’un bonheur et une satisfaction très éphémères… mais la coupe qui déborde… jusqu’à nous (voir le psaume 23).

C’est une bonne nouvelle pour Jacques et Jean…mais pour nous aussi, n’est-ce pas ?  Jésus ne perd pas son temps à assigner des places. Ce n’est pas ça sa mission. Sa coupe est offerte à tous et toutes. Du premier jusqu’au dernier disciple, nous sommes invités à boire à long traits à la coupe de la vie. La gloire du Christ n’est pas réservée à quelques individus qui se démarquent. Elle est partagée avec tous ceux et celles qui prennent la condition de serviteur à la suite du Christ.

Pas besoin d’être jeune, fort, riche, puissant, super performant et efficace pour servir. Qui sont les personnes qui ont été le Christ pour vous ? Qui a déjà été votre serviteur ? Qu’est-ce que cette personne a fait ? Quelle différence cela a-t-il fait dans votre vie ? Ça change peut-être pas le monde… Mais si… En fait, ça le change un peu… pas mal… pour la personne qui est servie. Pas besoin d’être en tête ou à l’affiche pour laisser sa marque. Les vrais serviteurs s’abaissent pour relever les autres. Comme le Christ lui-même l’a fait. C’est ça qui fait toute la différence. C’était dans la faiblesse et la fragilité que le Christ nous a rendu le plus grand service. Il en est ainsi parmi nous, par la grâce de Dieu. Chez nous, c’est différent. Amen.

 

LECTURES BIBLIQUES

Philippiens 2, 1-11

Marc 10, 35-45

 

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