Cet homme-là avait le feu sacré. C’était un ardent. Depuis qu’il avait été plongé dans l’eau par Jean le Baptiseur, il était animé d’une passion brûlante. Il appelait cela « chercher le Règne de Dieu ». Il portait un feu en lui, et comme il aurait voulu que les autres brûlent comme lui! Il avait confié à ses proches : comme je voudrais qu’il soit déjà allumé!
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
Nous venons de lire un nouvel extrait de l’évangile de Luc, écrit une cinquantaine d’années après la mort de Jésus. Cinquante ans après le drame du calvaire, personne parmi ceux pour qui Luc écrivait ne l’avait connu. Et pourtant, tous le connaissaient, et ils avaient le sentiment de le connaître de mieux en mieux en écoutant ceux qui avaient été les disciples de ses apôtres, et en écoutant maintenant la lecture qu’on leur faisait de cette catéchèse que venait d’écrire Luc.
Ce qu’on disait de lui leur faisait un tel bien! Ah! Il leur arrivait d’être bousculés et de ne rien comprendre. Mais à force d’entendre parler de lui, à force de le connaître, ils avaient appris à l’aimer.
Ils ne sauraient jamais les détails, mais ils sentaient qu’il avait été un passionné. Cet homme-là avait le feu sacré. C’était un ardent. Depuis qu’il avait été plongé dans l’eau par Jean le Baptiseur, il était animé d’une passion brûlante. Il appelait cela « chercher le Règne de Dieu ». Il avait enseigné à ses apôtres à prier comme il priait lui-même : « Ô Père, fais venir ton Règne! Ô Père, accomplis ta volonté sur la terre comme au ciel! »
Il y avait de l’amour dans son regard, lui qui ne détournait jamais les yeux de ceux que personne ne regardait. Il y avait de la tendresse dans ses mains, lui qui osait toucher ceux que la Loi interdisait de toucher. Il y avait de la détermination dans ses pieds, lui qui parcourait le pays de long en large pour faire du bien aux gens en leur disant : Relevez la tête, vous les pauvres, reprenez confiance, vous qui pleurez, car il est tout proche, le Règne du Dieu d’amour.
Il portait un feu en lui, et comme il aurait voulu que les autres brûlent comme lui! Il avait confié à ses proches : comme je voudrais qu’il soit déjà allumé!
Et de fait, il arrivait que certains, autour de lui, s’enflamment. Ses gestes et ses paroles soulevaient souvent une excitation et un emballement qui le mettaient mal à l’aise et dont il semblait se méfier.
Sa fougue était telle qu’elle en était inquiétante, en particulier pour sa propre famille. Si Marie ou son frère Jacques semblaient lui avoir été fidèles, la plupart des gens de sa parenté avaient cherché à s’emparer de lui, car ils estimaient qu’il avait perdu la tête! (Marc 3 21). Et parce qu’il était tellement entier, il soulevait régulièrement les sarcasmes et la controverse, qu’il affrontait sans se dérober.
On pouvait dire, d’une certaine manière, et il s’en rendait compte à mesure que le temps passait, qu’il n’apportait pas la paix, mais la division. Un prophète n’avait-il pas prédit de lui, peu après sa naissance: « Il est là pour la chute ou le relèvement de beaucoup en Israël et pour être un signe contesté » (Luc 2 34)?
Peu à peu, il avait senti l’hostilité enfler autour de lui, surtout de la part des légistes de Jérusalem qu’on envoyait régulièrement en Galilée pour le prendre au piège. Maintenant qu’il montait avec ses disciples vers Jérusalem, il était pleinement conscient de se diriger vers un dénouement dramatique. Assez rapidement, il avait eu l’intuition qu’il serait plongé dans une grande épreuve, et comme cela lui pesait jusqu’à ce que tout soit accompli!
Cinquante ans plus tard, les communautés de ses disciples chantaient à Dieu des hymnes de louange parce que lui, comme il est écrit, « il avait couru jusqu’au bout l’épreuve qui lui était proposée ». On rendait grâce parce qu’il avait su faire une telle confiance à son Père « qu’il avait renoncé à la joie qui lui revenait et avait enduré la croix au mépris de la honte ». On bénissait Dieu qui ne l’avait pas abandonné à la mort, mais « l’avait fait assoir à la droite de son trône. » On disait de lui qu’il était pour cela « l’initiateur de la foi, celui qui la mène à la perfection ».
Alors eux aussi brûlaient du feu de son amour. Eux aussi essayaient de vivre comme il avait vécu, avec la même liberté, la même miséricorde et la même confiance en Dieu. Plusieurs d’entre eux payaient, comme lui, le prix de leur ardeur : dans un grand nombre de familles, à cause de lui, le père avait renié le fils ou le fils s’était séparé de son père; la mère avait rompu avec sa fille ou la fille ne voyait plus sa mère. Leur foi qui leur apportait une si grande paix était tout autant porteuse de division.
Ils avaient besoin de se dire et de se répéter encore : « Courons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur […] Jésus. Oui, pensons à celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle opposition contre lui, afin de ne pas nous laisser accabler par le découragement. »
Et nous maintenant, qui vivons non pas cinquante, mais mille neuf cent cinquante ans plus tard, nous éprouvons à notre tour le besoin de venir nous réchauffer à son feu et de sentir, une fois encore, notre cœur tout brûlant en lisant les Écritures (Luc 24 32). Nous éprouvons le besoin de renouveler sans cesse notre désir de vivre comme lui, et de vouloir changer le monde comme lui. Et ce, même si, comme lui, nous pouvons souffrir de la même incompréhension de notre entourage, des mêmes regards pleins de sous-entendus, peut-être de la même hostilité. Nous aussi, nous travaillons toujours à « rejeter tout fardeau qui nous alourdit dans notre course et à combattre le péché qui sait si bien nous entourer », ce péché qui broie tellement l’humanité, comme les nouvelles quotidiennes ne cessent de nous le rappeler.
Et surtout, surtout, nous aussi, nous l’aimons.
Par Paul-André Giguère
LECTURES BIBLIQUES
Hébreux 12, 1-4
Luc 12, 49-53
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