« Ah ! Si tu déchirais les cieux, et si tu descendais, tel que les montagnes soient secouées devant toi! » C’est le cri de nos ancêtres dans la foi qui, pendant 70 ans d’exile à Babylone, ont attendu, prié, espéré qu’un jour ils pourraient regagner leur pays, rendre un culte à Dieu dans leur temple… comme dans le bon vieux temps… et vivre en paix et en sécurité chez eux. Après 70 ans… ils croient que leurs rêves se réalisent enfin. Babylone tombe et Cyrus, roi de Perse, donne aux exilés le droit de regagner leur pays. Mais une fois arrivés, ils constatent que tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ils se sentent démunis et impuissants devant l’état du monde. « Ah ! Si tu déchirais les cieux, et si tu descendais, tel que les montagnes soient secouées devant toi ! »
Ce cri est aussi souvent le nôtre, n’est-ce pas ? « Seigneur, pendant des années nous avons cherché à faire ta volonté, nous avons prié, espéré, travaillé très fort. Nous y avons mis tout notre cœur. Nous voulons vraiment faire Église autrement. Mais notre temple demeure presque vide. D’autres sont devenus des bibliothèques ou condos… quand ils ne sont pas en ruines. Tes prêtres et pasteurs ont commis des crimes en prétendant faire ta volonté. Nul n’en appelle à ton nom… sauf peut-être ceux qui croient qu’en faisant exploser des bombes on te fait honneur. On essaie de pratiquer ta justice… mais à regarder autour de nous, on a l’impression que c’est plutôt l’injustice sociale qui gagne du terrain. Partout sur la terre. Ah ! Si tu déchirais les cieux, et si tu descendais, tel que les montagnes soient secouées devant toi ! » Ce cri du cœur est une prière pour le renversement de l’ordre établi. Que Dieu vienne rebâtir le monde.
C’est aussi une confession de foi. C’est aussi l’expression d’une conviction profonde : que Dieu n’est pas insensible et ne restera pas inactif devant nos souffrances et notre impuissance. Dieu a libéré nos ancêtres de l’esclavage en Égypte. Il a ramené les exilés. Dieu nous ouvrira le chemin de la paix, cette paix qui n’est pas uniquement une trêve… mais la fin de toute guerre et de tout violence. Dieu nous donnera la paix, le shalom, une vie nouvelle et éternelle pour la création tout entière. Dona nobis pacem. Donne-nous la paix !
Dieu est fidèle. Dieu nous donnera la paix. Par sa grâce, Dieu guidera nos pas sur les chemins de la paix. Mais en attendant ce jour, plutôt que faire du sur place ou de dormir notre vie… nous pouvons faire quand même quelques pas de plus dans la bonne direction (un peu comme on avance sur un trottoir roulant dans un aéroport. On avance plus vite et avec moins d’effort si on marche tout en étant porté par le tapis sous nos pieds).
Les Écritures de ce matin nous donnent quelques indications pour notre attente. « Tu surprends celui qui se réjouit de pratiquer la justice » (Ésaïe 64,4). En attendant, restons éveillés en pratiquant la justice. Vous avez peut-être déjà entendu la phrase : « Il n’y a de paix sans justice. » Oui, mais quelle justice ? Une justice punitive et revancharde qui cherche à faire payer… ou à faire souffrir… les coupables pour les torts qu’ils ont causés ? Répondre à la violence par d’autres violences, n’est-ce pas plutôt une perversion de la justice ? « [N]os perversités, comme le vent, nous emportent. Nul n’en appelle à ton nom, nul ne se réveille pour t’en saisir » (Ésaïe 64, 5-6).
Jésus Christ, fils de Dieu, le Fils de l’homme qui vient, qui est à nos portes, ne nous montre-t-il pas une tout autre façon de pratiquer la justice ? Il n’a répondu à la violence ni par la vengeance, ni par la violence. Il s’est fait proche de toutes les victimes. Le chemin de la justice, c’est le chemin de la compassion – mot qui veut dire « souffrir avec ». C’est un chemin sur lequel il n’y a plus de « nous contre eux ». C’est un chemin sur lequel il n’y a qu’une seule race humaine qui souffre de s’être égarée des chemins de Dieu.
Je ne suis pas d’accord avec les gens qui disent que c’est en abandonnant toute pratique religieuse que nous aurons enfin la paix. Les prophètes nous le répètent souvent. C’est lorsqu’on se détourne des chemins du seul vrai Dieu que tout se déglingue. Aujourd’hui, comme hier, c’est en retournant à Dieu, en pratiquant sa justice, que nous trouvons la paix. Pratiquer la justice, c’est s’appliquer à aligner sa vie sur la volonté de Dieu, celui qui est venu en Jésus pour qu’on ait la vie et la vie en abondance (Jean 10, 10). Pratiquer la justice, c’est choisir le chemin qui mène non pas à la mort mais à la vie et ce, non seulement pour nous, mais pour tous les enfants de Dieu. « SEIGNEUR, notre Père c’est toi ; c’est nous l’argile, c’est toi qui nous façonnes, tous nous sommes l’ouvrage de ta main. Ne t’irrite pas, SEIGNEUR, jusqu’à l’excès, ne te rappelle pas à jamais la perversité. Mais regarde donc : ton peuple, c’est nous tous ! » (Ésaïe 64, 7-8)
C’est sur ces chemins d’autrefois, les chemins de la fidélité à Dieu et à ses desseins éternels que nous serons sauvés, nous aussi. C’est sur ces chemins d’autrefois qu’a marché le Prince de la paix. Les Écritures nous disent qu’il est venu pour être le sauveur non pas d’un seul peuple, mais de toutes les nations. Ton peuple, Seigneur, c’est nous toutes et tous !
C’est dans notre humanité commune que nous trouverons la source de la justice qui conduit à la paix. Et puisqu’en Jésus, Dieu a partagé notre humanité. Rien ne pourra nous séparer pour toujours de Dieu et de sa volonté pour nous et pour notre monde.
Frères et sœurs, le Fils de l’homme est proche. Veillons et prions : « Donne-nous la paix ! » En attendant, restons éveillés en nous appliquant à pratiquer la justice. Dieu agit pour qui compte sur lui (Ésaïe 64, 3). Alléluia ! Amen.
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