Aujourd’hui, 9 juin 2024 : c’est un moment de célébration somme toute important pour notre Église au Canada qui se revendique comme « nationale ». On s’imagine déjà les grandes pompes, le défilé des enfants, les éloges aux pères fondateurs! Un 99e anniversaire, ce n’est quand même pas rien! Toutefois, chez ceux qui ne poussèrent pas dans le terreau anglo-saxon, surgit une question essentielle : « Qu’est-ce que ça veut dire au juste, pour nous, le 99e anniversaire de l’Église Unie du Canada ? » En quoi ça peut bien nous concerner, à Saint-Pierre ?
J’ose croire que cette question-là est pas mal plus complexe qu’elle paraît et la réponse… pas évidente ! La raison en est qu’elle touche notre identité. Pour certains d’entre nous, nos racines francophones et protestantes poussèrent à proximité du terreau de l’Église Unie du Canada… Pour d’autres, c’était carrément dans un autre pot ! De nouveau… qu’est-ce que ça peut bien signifier pour nous cet anniversaire-là ?
Je vous propose d’abord qu’on aille revoir du côté de l’Évangile. Peut-être qu’on pourrait y glaner quelques bribes de réponses à notre question si embêtante ? Glaner, c’est-à-dire, en pleine chicane de famille!
Nous sommes devant une situation tendue entre Jésus et ses proches parents. On nous raconte dans l’Évangile comment sa parenté veut s’emparer de lui. Paraîtrait qu’il a perdu la tête avec ses histoires ! Vaudrait mieux qu’il délaisse son cercle de disciples bizarres pour revenir dans le cocon familial, question de lui replacer les idées. Ses actes dérangent les habitudes, ils sortent trop du canevas. C’est à en croire que sa famille pourrait lui poser cette question-là : « À quelle gagne t’appartiens, finalement, Jésus ? À eux ou à nous autres, ta vraie famille ? » Écoutons de nouveau sa réponse en portant attention à la disposition des figures.
Arrivent sa mère et ses frères. Restant dehors du cercle, ils le firent appeler. La foule était assise autour de Jésus. On lui dit : « Voici que ta mère et tes frères sont dehors ; ils te cherchent. » Il leur répond : « Qui sont ma mère et mes frères ? » Et, parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : « Voici ma mère et mes frères… Quiconque fait la volonté de Dieu, voilà mon frère, ma sœur, ma mère. »
En ce jour où nous célébrons l’avènement de l’Église Unie du Canada, avons-nous idée à quel point cette réponse-là est pertinente ? Avons-nous connaissance à quel point elle interroge notre identité collective et notre manière de faire l’Église ? Notre mère, nos frères et sœurs sont ceux et celles qui, en cercle autour de Jésus, discernent et accomplissent la volonté du Seigneur. C’est pour dire que l’idée même de faire Église engagerait une tout autre logique que celle d’une mentalité de clocher renfermée.
Un peu moins de 1900 ans plus tard, au milieu même d’une foule, une alliance allait être proclamée. Des communautés différentes les unes des autres se rassemblèrent. À même une diversité qui donna lieu à de nombreux pourparlers, on ratifia finalement les Principes de l’union. Un grand cercle se forma. L’Église Unie du Canada était née autour d’un seul et même désir: discerner et accomplir collectivement la volonté de Dieu.
Chez nous, à Saint-Pierre, ce même désir d’accomplir la volonté de Dieu fait encore écho. 99 ans après la fondation de l’Église Unie du Canada, voici que nous nous sommes retrouvés dimanche passé à la chapelle de Tous les saints. Nous étions alors assis en cercle avec la communauté quaker qui nous a offert l’hospitalité. Dans l’expérience d’un silence habité et d’un moment d’échange créant des liens de fraternité, je me suis senti uni comme rarement auparavant. Uni à plus grand que moi… Une union allant au-delà de cette charge pastorale. Pour certains d’entre nous, cette rencontre-là nous a démontré que, même dans la différence religieuse, nous sommes toutes et tous serviteurs et servantes de Dieu. Il était question bien plus que d’une bonne entente cette journée-là. Sans parler d’union, j’oserais évoquer une communion dans l’Esprit… Et c’est aussi un sentiment qui, en d’autres mots bien sûr, a été mentionné autour du cercle.
Cette occasion de rapprochement me permet aujourd’hui de croire que, souligner le 99e anniversaire de l’Église Unie, c’est avant tout célébrer une Église où l’unité s’inscrit au cœur de notre ministère. Certes, presque 100 ans nous séparent de la fondation de l’Église Unie du Canada. Toutefois, ce même principe d’unité au nom de l’accomplissement de la volonté de Dieu se révèle être encore pertinent aujourd’hui.
Malgré nos différences culturelles, nos racines qui puisent parfois dans d’autres sources, nous nous situons toujours dans ce même désir de faire Église ensemble. Faire Église pour accomplir la volonté de Dieu quand bien même on a parfois de la difficulté à se comprendre puis qu’on ait l’impression de vivre les deux solitudes.
Pourtant, malgré ces défis, nous restons unis…
Une Église unie partageant un seul et même désir de justice.
Unie pour qu’émerge un monde plus serein où la pauvreté ne serait qu’un souvenir passé et lointain. Une Église pour nourrir la foi des enfants de Dieu et réconforter leur cœur, partageant nos dons pour le bien commun.
Des frères et des sœurs résistant aux forces d’exploitation et d’exclusion, opposant l’amour à la force des violences.
Voici ce que nous sommes. Francophones comme anglophones. Chrétiens comme quakers.
« Qui sont ma mère et mes frères ? Demande Jésus au milieu du cercle… Voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté de Dieu, voilà mon frère, ma sœur, ma mère. » Grâce soit rendue à Dieu pour qui nous sommes… et ce que nous sommes appelés à devenir à travers une unité qui se vit dans le discernement et le service rendu au Seigneur. Toutes cultures, toutes traditions confondues.
Amen
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