Le SEIGNEUR voit le plus humble et reconnaît de loin l’orgueilleux Psaume 138, 6
L’atmosphère des derniers jours à Québec était pour le moins particulière. Alors que nous vaquions à nos occupations quotidiennes le survol d’hélicoptères à tout heure du jour ou de la nuit, l’abondance de forces policières et de surveillance d’hommes en noir dans des véhicules de la même couleur nous rappelaient que quelque chose considéré comme important se déroulait… à 150 km plus à l’Est! Les quelques manifestations d’opposition, somme toute bien modeste, invitant à la critique des valeurs et des politiques mises de l’avant à cette réunion pré-estivale à La Malbaie ont été aussi courues par les médias que par les forces de l’ordre. Ce qui a frappé l’imagination dans tout ce déploiement de moyens ce sont les dépenses estimées à 600$ millions engendrées par cette rencontre d’un peu plus de 24h des dirigeants des pays les plus industrialisés de la planète. On nous dit qu’il y a beaucoup de travail important en coulisse qui s’y fait par un personnel hautement qualifié, qu’on dénomme ‘sherpas’, et que ces quelques heures de repas et de divertissements, entrecoupées de conversations directes et spontanées, sont, semble-t-il, d’une grande importance pour l’harmonie des pays ainsi représentés et les retombées économiques pour l’ensemble des pays de la planète. Honnêtement, je ne sais trop, mais on ne m’a pas demandé mon opinion, pas plus que la vôtre, et comme citoyens les mécanismes de fonctionnement des hautes sphères politiques ne sont pas de notre ressort.
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
Cela dit, j’ai constaté, encore une fois combien les extraits bibliques proposés à notre méditation se trouvaient étrangement en résonance avec l’actualité, comme une invitation à en entendre l’écho dans les profondeurs intérieures des soubresauts de l’histoire des peuples et du monde, donc même lors de cette très ‘mondaine’ rencontre du G7.
Le livre de Samuel, décrit de façon idéalisée, une époque dans l’évolution de la société hébraïque d’après l’Exode en Terre promise, celle des juges. Ces juges, reconnus par la population comme investis d’une caution divine, permettaient une forme de gouvernement populaire, reposant sur la base, une structuration rudimentaire des tribus d’Israël qui se référaient exclusivement au Dieu de l’alliance et de la libération, perçu alors comme le seul dirigeant/roi, l’unique nécessaire, auquel on pouvait se fier tant pour la protection que pour la prospérité.
Mais la pression et la comparaison avec les voisins, toujours déterminantes hier comme aujourd’hui à ce qu’il semble, vient agiter les aspirations populaires : donne-nous un roi pour nous juger comme toutes les nations.1 Et nous serons, nous aussi, comme toutes les nations. Notre roi nous jugera, il sortira à notre tête et combattra nos combats.2 Et le récit se poursuit avec l’évaluation divine de cette requête : Écoute la voix du peuple en tout ce qu’ils te diront. Ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi. Ils ne veulent plus que je règne sur eux.3 Le ‘consentement’ divin s’accompagne toutefois d’une mise en garde, l’énumération des conséquences d’une telle demande dans le quotidien de ces collectivités jusqu’alors très autonomes et autogérées. Voici comment gouvernera le roi qui régnera sur vous : Il lèvera la dîme sur vos grains, sur vos vignes et vos troupeaux, il prendra vos champs, vos vignes et vos oliviers… Il prendra vos fils… vos filles… vos serviteurs et vos servantes, les meilleurs de vos jeunes gens et …vous-mêmes enfin, vous deviendrez ses esclaves. Ce jour-là, vous crierez à cause de ce roi que vous vous serez choisi, mais, ce jour-là, le SEIGNEUR ne vous répondra point.4 Cela aurait dû amener le peuple à reconsidérer cette demande : ce ne fut pas le cas.
Je précise toute de suite que je ne pense pas qu’aucun texte sacré d’une quelconque religion propose « un » modèle d’organisation sociale parfait auquel il faudrait se conformer pour avoir la paix et l’abondance sur terre. Les dérives et abus des états et gouvernements prétendument théocratiques sont flagrants tout autant que ceux des états laïques ou athées déclarés, totalitaires. Ce vers quoi pointent nos textes c’est justement la fragilité de toute échafaudage administratif et politique, l’illusoire des promesses de bonheur et de prospérité découlant de leur seule mise en place et l’ambigüité constante des prétentions des dirigeants quelle que soit la forme que prend leur gouvernement, et même (peut-être devrais-je dire surtout) s’ils se réclament Dieu. Attention, semble dire le texte, en idéalisant vos leaders et en leur octroyant des capacités quasi magiques de répondre à vos besoins, vous vous dépouillez de votre responsabilité et vous vous mettez d’une façon ou d’une autre sous leur joug. Une phrase célèbre d’un lord du 19e siècle synthétise le tout : « Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument. Et il poursuit dans son évaluation avec une affirmation sévère, Les grands hommes sont presque toujours des hommes mauvais. »
Dans l’évangile de Marc, Jésus nous est présenté en bute à l’incompréhension des gens de sa parenté venus pour s’emparer de lui car, disaient-ils, il a perdu la tête.5 Et il est ensuite attaqué de façon honteusement mensongère par des scribes descendus de Jérusalem qui disaient : « Il a Béelzéboul en lui » et : « C’est par le chef des démons qu’il chasse les démons. »6 Tant la famille que les fonctionnaires religieux de l’État tentent de contrôler ou de museler le témoignage non-violent à la suprématie divine qui porte Jésus.
Sans nier l’intention bienveillante de sa parenté à son égard, Jésus situe ce lien d’appartenance dans sa juste perspective : parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : « Voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté de Dieu, voilà mon frère, ma sœur, ma mère. »7 Jésus est par contre cinglant quant au détournement flagrant de ses gestes de guérison par les scribes qui disaient : « Il a un esprit impur ». Cette fake news dévoile en fait le motif sinistre des bureaucrates religieux du pouvoir sacerdotal, un mensonge qui tord la réalité, qui attribue au mal ce qui tient éminemment du bien. Si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, il reste sans pardon à jamais : il est coupable de péché pour toujours.8 Gardons en tête que la tactique constante de l’adversaire, du diable, c’est de mentir pour diviser, et de diviser pour régner! On peut dire que tout ce qui participe de ces ‘caractéristiques’ dans une sphère ou l’autre de la réalité, fait le jeu du Prince de ce monde9 qui pourtant a déjà été jugé, que l’on soit roi ou que l’on soit valet.
Quelque soit le régime politique, le type de gouvernement ou à l’époque où l’on se trouve, chercher la présence de Dieu dans le monde est possible et offert à tous et toutes. Dans la miséricordieuse bonté divine, le chemin se fait à travers le Christ, à la suite de Jésus de Nazareth, en se référant à l’Évangile de grâce et de libération, en discernant et en faisant la promotion des valeurs du règne de Dieu10, qui n’est pas un royaume de ce monde11 mais plutôt une manière d’être au monde, déjà là, à notre portée12. Réjouissons-nous d’être par la foi assis en cercle autour de lui, car personne ne peut entrer dans la maison de l’homme fort et piller ses biens13. Prions pour nos dirigeants14 et agissons en citoyens responsables selon les impulsions de l’Esprit, avec humilité et audace, en gardant au cœur ces paroles du psaume : SEIGNEUR, j’ai appelé et tu m’as répondu, tu as stimulé mes forces; tu feras tout pour moi, ta fidélité est pour toujours ! N’abandonne pas les œuvres de tes mains.15 Amen.
Église Unie Saint-Pierre – Pentecôte 3 / B – 10 juin 2018 –
Anniversaire de l’Église Unie du Canada
LECTURES BIBLIQUES
1 1 Samuel 8, 5b
2 1 Samuel 8, 20
3 1 Samuel 8, 7
4 1 Samuel 8, 11-18
5 Marc 3, 21
6 Marc 3, 22
7 Marc 3, 34-35
8 Marc 3, 29
9 Jean 16, 11
10 Romains 14, 17 ; Galates 5, 22-25
11 Jean 18, 36
12 Luc 17, 20-21
13 Marc 3, 27
14 1 Timothée 2, 1-4
15 Psaume 138, 3.8
Un commentaire