Ce matin, Jésus résume le but, le sens, l’orientation de sa vie, sa « mission » dans la vie, si vous voulez, en ces termes : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui tombe en terre ne meurt pas, il reste seul ; si au contraire il meurt, il porte du fruit en abondance. Celui qui aime sa vie la perd, et celui qui cesse de s’y attacher en ce monde la gardera pour la vie éternelle. » (Jean 12, 24- 25). Cette semaine, j’ai beaucoup réfléchi à ce que « vie éternelle » signifie pour moi. Tout a commencé à l’annonce du décès du physicien et cosmologiste de renommée planétaire Stephen Hawking – qui a aussi vécu pendant une cinquantaine d’années avec la sclérose latérale amyotrophique (appelée familièrement aux États-Unis la maladie de Lou Gehrig et en France la maladie de Charcot). À peine quelques heures après l’annonce une photo circulait sur les médias sociaux : en arrière plan, la silhouette d’un homme debout à contempler de près les étoiles; à l’avant plan, un fauteuil roulant électrique abandonné. Le message semblait clair : libéré de son fauteuil et de son handicap, il pouvait maintenant contempler les étoiles de près, debout.
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
C’est-tu ça la vie éternelle que Jésus est venu nous offrir ? Une vie sans maladie, sans handicap? Vous comprendrez peut-être… ou peut-être pas… que j’ai un petit malaise par rapport à tout ça. Quand je l’ai exprimé sur Facebook plus tôt cette semaine, l’un de mes amis m’a avoué ne pas comprendre : « Je ne comprends pas », a-t-il écrit, « Tu souhaites que les handicapés restent handicapés pour l’éternité? Ce n’est pas ma façon de concevoir la vie éternelle. Pour moi, la vie éternelle, c’est la vie libérée du corps, de ses souffrances, de toute maladie et de tout handicap. »
Bien sûr que je ne souhaite pas que les gens gardent leur handicap pour toute l’éternité. J’ai accompagné trop de gens jusqu’à la mort pour ne pas espérer qu’ils ne souffrent plus dans la vie au-delà de la mort. Non, il n’y aura pas de chaises roulantes dans l’éternité, ça j’en suis persuadée. Mais j’ai aussi la ferme conviction que résumer la mort de Stephen Hawking ou de quiconque vit avec une maladie ou un handicap à la seule délivrance de son corps malade, éclipse la vie abondante qu’on peut vivre – non pas malgré une maladie ou un handicap, mais avec une maladie ou un handicap. Et pas uniquement ceux et celles qui ont de multiples diplômes ou une renommée internationale. Les voix sont unanimes. Notre Catherine est un rayon de soleil. Elle brille d’un éclat divin, non pas malgré son handicap… mais avec son handicap. Catherine ne serait pas la Catherine qu’on connaît et qu’on aime si elle avait un autre corps, n’est-ce pas?
Dire que, dans la mort, Stephen Hawking est libéré de son fauteuil roulant, mets l’accent sur le fauteuil plutôt que sur la vie abondante qu’il a vécue, même dans son fauteuil (ses réussites, ses échecs, ses grandeurs et ses petitesses).
Ça m’arrive que les gens me voient marcher et qu’ils me disent que je les inspire. C’est arrivé l’automne dernier alors que je marchais avec Nicole et Marie-Andrée lors de la marche solidaire dans le cadre de la Fête arc-en-ciel. Je comprends ce que ces gens veulent dire. Et j’accueille la bienveillance de leur intention. Mais honnêtement, j’espère que les gens se souviendront de moi pour autre chose que ma façon de marcher. Et si j’inspire quelqu’un j’aimerais mieux que ce soit par une prédication… ou encore mieux par ma manière de vivre et d’aimer mon prochain.
Aucun de nous ne sortira de la vie sans avoir connue, à un moment ou un autre, la maladie ou une perte d’autonomie physique. À moins d’une mort subite… un accident qu’on a vraiment pas vu venir… à un moment ou un autre… notre corps va nous faire défaut. Tout le monde va avoir à traverser la douleur physique et l’angoisse qui l’accompagne. Tout le monde va passer par là, tout le monde. Même Jésus a vécu du dedans ces souffrances physiques et psychologiques. Oui, je crois que la mort met un terme à nos souffrances physiques et psychologiques. Mais je crois aussi que la vie éternelle que Jésus veut nous offrir est plus qu’un « corps parfait », c’est une « connaissance parfaite » de Dieu et de sa volonté… non seulement pour nous… mais pour tout ce que Dieu a créé… jusqu’aux extrémités de l’univers.
Voici ce que Jésus en dit un peu plus loin dans l’Évangile de Jean : « Or la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ. » (Jean 17, 3). Et Paul l’exprime ainsi dans 1 Corinthiens 13 : « Car notre connaissance est limitée, et limitée notre prophétie. Mais quand viendra la perfection, ce qui est limité sera aboli. … À présent, nous voyons dans un miroir et de façon confuse, mais alors, ce sera face à face. À présent, ma connaissance est limitée, alors, je connaîtrai comme je suis connu. » Un frère en Christ m’a déjà dit, sans la moindre idée suicidaire en arrière de la tête : « J’ai hâte de voir Dieu ». Ce moment m’a vraiment marquée.
« Apprenez à connaître le Seigneur », oracle du Seigneur dans le livre de Jérémie. Apprendre à vivre selon les desseins de notre Dieu, voilà ce qui donne vie et ce, quelle que soit notre condition de vie. Connaître Dieu comme nous sommes connus. Aimer Dieu comme nous sommes aimés. Faire connaître ce Dieu à d’autres. Voilà la vie éternelle que Jésus nous offre. Voilà une vie vraiment féconde. N’est-ce pas là, la véritable liberté?
On dit que Stephen Hawking ne croyait pas à la vie au-delà de notre vie terrestre, qu’il ne croyait pas au ciel. Mais l’Éternel est plus grand que les idées que nous nous faisons de lui, n’est-ce pas? Stephen Hawking a consacré sa vie à partager avec d’autres sa soif de connaissances ainsi que son émerveillement devant les splendeurs de notre univers. Pour moi, il a goûté à la vie éternelle… sans jamais se lever da son fauteuil roulant.
La vie et la mort de Jésus nous révèlent que ce dont nous devons nous libérer pour accéder à la vie éternelle, ce ne sont pas nos fauteuils roulants, nos béquilles de tous genres ou nos bobos multiples, mais plutôt l’idée que nous nous faisons de ce qui constitue une vie féconde. La gloire à chercher n’est pas un corps en parfaite santé. Ce n’est pas non plus des réussites prodigieuses ou une renommée internationale. Tout cela est éphémère. La gloire qui dure, c’est l’éclat divin en chacun et chacune de nous, quelle que soit notre condition de vie. C’est l’Amour que Dieu dépose dans le cœur de chacun de ses enfants. Aimer, c’est ça, la loi que le Seigneur a inscrite au fond de nous. C’est cet Amour qui nous révèle la volonté de Dieu pour toute sa création : ce qui bon, vrai, juste, digne de respect et de confiance. Cet Amour, c’est une semence, comme un grain de blé qui, si on le cultive, peut porter beaucoup de fruits. Il peut nous donner assez d’élan pour viser toujours plus haut, assez pour transformer notre vie… voire l’univers entier. Ainsi soit-il pour chacun et chacune de nous. Amen.
Par Darla Sloan
Le 18 mars 2018 – 5 Carême B18 – Église unie St-Pierre
LECTURES BIBLIQUES
Jérémie 31, 31-34
Jean 12, 20-33
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