« Il les enseignait en homme qui a autorité. » C’est élogieux, ça ? Si Jésus lui-même en personne était notre prédicateur invité ce matin, j’ai de la difficulté à imaginer qu’on lui dise à la sortie du culte, « Merci pour la belle prédication, Rabbi Jésus. Tu enseignes vraiment en homme d’autorité ! » De nos jours, « autorité » rime souvent avec « oppression » et même brutalité. Les autorités policières, frontalières, financières imposent leurs lois et le peuple est soumis à leurs règlements. Toute infraction est passible de sanctions. On ne veut pas d’un Dieu qui nous soumettrait à sa volonté. Plusieurs l’ont dit haut et fort mercredi dernier alors qu’on partageait nos réactions à la nouvelle traduction du Notre père utilisée depuis le mois de novembre dernier dans l’Église Catholique romaine en Europe. La demande « ne nous soumets pas à la tentation » nous chicotte, c’est le moins qu’on puisse dire. Nous refusons de croire en un Dieu autoritaire qui nous soumettrait à sa volonté, un Dieu qui nous voudrait toujours à genou devant lui. Nous croyons en un Dieu qui nous veut debout, libres, et en marche.
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
Et c’est justement Dieu tel que Jésus nous le révèle. Le mot traduit par « autorité » veut dire « puissance » et désigne ce qui est permis ou possible. En d’autres mots, on pourrait dire qu’à la différence des scribes qui imposaient une interprétation immuable de la Parole, l’enseignement de Jésus ouvre de nouvelles pistes, de nouveaux possibles. Et moi, je suis particulièrement frappée par le fait qu’aucun détail n’est donné sur le contenu de la prédication de Jésus. Moi qui, semaine après semaine, me donne tant de soucis à trouver le mot juste, la bonne tournure de phrase… et c’est comme si ce qui compte, c’est moins ce que l’on dit, que la manière dont on le dit. Ce qui fait toute la différence, ce serait moins le contenu théologique, philosophique ou morale de la l’enseignement de Jésus, mais ce que ses propos suscitent chez les gens : sa Parole est puissance. Elle est une Parole d’autorité car elle permet aux gens de voir leur vie et leur monde autrement, elle crée de nouveaux possibles,
Le mot « autorité » a la même racine en latin que le mot auteur… un mot qui veut dire « créer, promouvoir, produire. » Jésus enseigne en homme d’autorité parce qu’en sa Parole, il y a une puissance créatrice, capable d’inventer et de réinventer la vie de celui ou de celle qui l’écoute. Même quand on a l’impression que tout est fini, Jésus tourne la page et commence un nouveau chapitre.
On le voit avec l’homme dans l’Évangile de ce matin. On ne sait pas ce qui l’afflige vraiment. À l’époque, toutes sortes de maladies et de conditions physiques, psychiques et psychologiques étaient attribuées à des esprits mauvais. Mais l’impact était toujours le même : ces gens vivaient en marge de la société. Non, à vrai dire, ils ne vivaient pas… ils existaient. Cet homme dans l’Évangile de ce matin, on ne sait pas ce qu’il a. Mais quelque chose le tourmente et fait en sorte qu’il vit séparé de Dieu et de la communauté. Prisonnier du mal qui le tourmente, il ne peut pas se laisser entrainer dans la paix et la joie de la vie abondante qu’est le rêve de Dieu pour la création tout entière : « C’est en effet dans la jubilation que vous sortirez, et dans la paix que vous serez entraînés. Sur votre passage, montagnes et collines exploseront en acclamations, et tous les arbres de la campagne battront des mains. » (Ésaïe 55, 12)
Prisonnier de ce qui l’afflige, ses démons le font résister au changement. « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Tu es venu pour nous perdre. » Dans le fond, cet homme à qui Marc n’a pas donné de nom, a tous le noms. Il n’est pas plus possédé que vous ou moi. Qui n’a jamais résisté au changement, même un changement qu’on espère pour le mieux ? L’inconnu fait peur. « Mieux vaut un mal connu qu’un bien qui reste à connaître », dit l’adage.
Mais Dieu soit-loué, la Parole de Jésus est puissance. Elle est la puissance créatrice de Dieu, plus forte que toutes nos résistances et nos réticences. Elle ne restera pas sans résultat, sans faire aboutir le rêve de Dieu pour notre vie. Jésus dit seulement une Parole et fait taire la voix qui garderait cet homme prisonnier de sa vie d’avant. Jésus dit seulement une Parole et la page est tournée.
C’est certain que cela le secoue sur le coup. La parole de Jésus me secoue souvent. Quand j’ai franchi les portes de ce temple pour la première fois, je savais que je cherchais quelque chose. Mais j’avais aussi un peu peur de ce que j’allais trouver. Quand je suis arrivée ici, doctorante en linguistique, tourmentée par des esprits mauvais (pour moi ce n’était ni la drogue, ni l’alcool, ni le sexe… mais comme nous le disions mercredi soir, ce ne sont pas les seuls démons qui peuvent nous tenter, nous tourmenter) je cherchais Dieu… mais je ne m’imaginais pas que j’allais devenir pasteure un jour. Pour moi, c’est la preuve que Dieu intervient dans nos vies : sa Parole a le pouvoir de créer ce que nous ne pouvons même pas imaginer.
C’est certain que cela peut nous secouer sur le coup. Mais après… ? Après… ? Avez-vous remarqué ? Marc ne nous dit pas un mot sur ce qu’est devenu cet homme anonyme parmi tous les gens rassemblés autour de Jésus ce matin. Cet homme n’a pas de nom. Il a donc tous les noms. Son histoire ne se termine pas là, elle ne fait que commencer. C’est dans la vie de tous ceux et celles qui écoutent et qui reçoivent la Parole comme une semaine qu’elle se poursuit. Alors, attention ! Attachez vos touques ! Si vous vous attendiez à rentrer chez vous comme vous êtes arrivés ce matin, vous pourriez être secoué car, dès maintenant, Jésus débute un nouveau chapitre pour tous les hommes et toutes les femmes dont il est l’autorité et l’auteur de la vie… la vie nouvelle. Ainsi soit-il. Amen.
Par Darla Sloan
28 janvier 2018 – 4 Épiphanie B18 – Église unie St-Pierre
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