Église Unie Pinguet

Culte du dimanche 18 janvier 2015

Lectures bibliques (TOB)

Psaume 122, 1-9

Hébreux 11, 8-16

Matthieu 2, 1-15

Prédication: « Joyeux voyage et meilleurs vœux! »

Par Gérald Doré, pasteur desservant

Le 30 décembre au matin, mon épouse Jocelyne et moi étions dans la gare de l’aéroport Charles-de-Gaulle, à Paris, dans l’attente du train à grande vitesse (TGV) qui allait nous conduire, en trois heures et trente minutes, dans le sud de la France, pour une visite familiale annuelle. Sur un tableau lumineux, la Société nationale des chemins de fer (SNCF) avait inscrit ses vœux du Temps des Fêtes. En toute rectitude laïque, dans une société où l’État et les sociétés qui en dépendent sont tenus de se montrer neutres à l’égard des religions, le mot Noël, qui est une abréviation pour désigner le jour de la naissance de Jésus,avait été soigneusement évité. Le message se voulait plutôt un clin d’œil à la raison pour laquelle on était là. Il se lisait comme suit : « Joyeux voyage (au lieu de Joyeux Noël!) et meilleurs vœux! ».

Comme j’ai l’esprit de contradiction, je l’ai quand même lu comme un message religieux, en pensant aux passages bibliques qui associent la joie à la religion vécue comme un voyage, comme un cheminement spirituel. Parmi les psaumes, il y en a qu’on appelle « chants des montées », parce qu’on les chantait vraisemblablement sur la route, en montant vers Jérusalem pour les grandes fêtes religieuses. L’auteur du psaume 122 que nous venons de lire exprime la joie qu’il éprouve à être en marche vers le temple de Jérusalem qui est, pour lui, le lieu par excellence où Dieu est présent à son peuple. Le psaume débute par cette parole émue : « Quelle joie, quand on m’a dit : « Allons à la maison du Seigneur! » Et il se termine par un vœu à l’adresse de celui qui entend ou lit le psaume : « À cause de la maison du Seigneur notre Dieu, je veux ton bonheur. » (Ps 122, 1et 9).

Dans la foi, c’est toute la vie qui peut être ainsi vécue comme une montée vers ce que l’épître aux Hébreux appelle la « ville du Dieu vivant, la Jérusalem céleste » (He 12, 22). Bien sûr, dans une montée, il y a la fatigue de la route, la fatigue du voyage, et parfois même le découragement. Il y a aussi, en cours de route, les dangers qui nous viennent des autres, comme celui qu’évoque notre récit d’évangile d’aujourd’hui et auquel ont échappé les mages en changeant de chemin, et Marie et Joseph avec Jésus, en prenant un chemin obligé, un chemin d’exil comme celui de beaucoup de réfugiés d’aujourd’hui.

Au travers des épreuves de la vie, il arrive qu’on avance dans la noirceur et qu’on doive savoir faire halte, savoir humblement se reposer, dans la prière, se replier sur la divine inspiration en qui nous sera donnée la suite de l’itinéraire et la marche à suivre pour continuer à avancer. À chacune des étapes, faciles ou pénibles, joyeuses ou moroses, nous avons près de nous la présence discrète d’un compagnon de route dont l’exemple, dont la manière dont il a fait lui-même le voyage, nous inspire et nous réconforte. Oui, il est « là au cœur de nos vies », comme le dit si bien un cantique, et nous pouvons le lui dire ou le lui chanter : « Tu es là, au cœur de nos vies, Et c’est toi qui nous fais vivre; Tu es là, au cœur de nos vies, Bien vivant, ô Jésus-Christ! Dans le secret de nos tendresses, Dans nos cœurs tout remplis d’orages, au plein milieu de nos tempêtes, Dans les matins de nos promesses, Dans tous les ciels de nos voyages, Tu es là. »¹

Ce qui nous fait passer par-dessus les tracas du voyage, c’est bien sûr la pensée de la destination, l’anticipation des rencontres à venir au terme du voyage. Au cours des étapes qui jalonnent nos vies, dans l’enchaînement des courts voyages que représente chacune de ces étapes, il arrive qu’on sache où on s’en va et que la destination corresponde pour l’essentiel à ce qu’on avait prévu. Le contraire peut aussi se produire. Il arrive qu’on avance en confiance sans savoir exactement où nous mènera le bout de chemin qu’on fait. Sur le chemin spirituel, on appelle « foi » cette sorte de confiance, cette espérance qui influence à chaque pas le regard qu’on porte sur le bout de chemin qu’on est en train de faire, même si on n’est pas en mesure d’avoir une idée claire de là où il nous conduira. Le passage de l’épître aux Hébreux que nous venons de lire nous donne en exemple Abraham qui « partit pour un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit sans savoir où il allait. Par la foi, il vint résider en étranger dans la Terre promise, habitant sous la tente avec Isaac et Jacob, les cohéritiers de la même promesse. Car il attendait la ville munie de fondations, qui a pour architecte et constructeur Dieu lui-même. » (He 11, 8-10).

Cette « ville » de destination que l’épître aux Hébreux met dans la pensée d’Abraham, pendant qu’il avance sur le chemin de sa vie, est une évocation de l’aspiration qui nous habite nous-mêmes d’arriver un jour à une destination qui comble tous nos vœux; ces « meilleurs vœux » que nous souhaitait la Société nationale des chemins de fer de France, après nous avoir dit « Joyeux voyage », mais sans se soucier de la manière dont ils pouvaient être compris. « Joyeux voyage », oui; mais quand on parle du voyage de la vie, la joie pleine et entière qui peut survivre à toutes les joies bien réelles mais éphémères du parcours, celle qui peut résister à tous les tracas qui le jalonnent, est la joie qui se nourrit de l’anticipation de la destination; une destination où seront réalisées toutes les promesses que nous fait la vie et qui nous sont révélées dans les témoignages de ceux et celles qui nous ont précédé dans la foi. Comme eux, nous arriverons au terme du voyage de cette vie « sans avoir obtenu la réalisation des promesses », mais étant habités par la joie qui nous vient de cette grâce de « les avoir vues et saluées de loin et après s’être reconnus pour étrangers et voyageurs sur la terre. » (He 11, 13).

Nos grands-parents avaient leur façon bien à eux, et toute empreinte de simplicité, de dire ces choses. Qui se souvient de la manière traditionnelle d’exprimer les vœux du Nouvel An? « Bonne, heureuse et sainte année…et le paradis à la fin de vos jours ». Aujourd’hui, on dit plutôt « Bonne année! Et surtout la santé, c’est le plus important! », des fois que celui ou celle à qui nous adressons nos vœux ne verrait pas plus loin que le moment présent du voyage de la vie où, en effet, il est souhaitable et préférable d’être en bonne santé.

La santé, c’est important donc, mais est-ce vraiment le dernier mot des vœux qu’on peut se souhaiter? Et si la santé décline, qu’est-ce qui peut faire qu’une année soit, malgré tout, « bonne et heureuse »? C’est qu’elle soit « sainte », au sens où l’entend l’apôtre Paul dans sa lettre aux chrétiens et chrétiennes d’Éphèse, quand il écrit que  « nous avons été créés en Jésus Christ pour les œuvres bonnes que Dieu a préparées d’avance afin que nous nous y engagions. » (Ep 2, 10). C’est aussi qu’elle soit « sainte », parce que vécue dans la grâce qui nous est donnée de traverser les épreuves du chemin, avec la joie profonde de pouvoir voir et saluer de loin les promesses dont il nous est annoncé et confirmé dans la résurrection de Jésus Christ qu’elles seront réalisées au terme du voyage.

Je suis heureux de pouvoir vous dire « Joyeux voyage et meilleurs vœux! », en y mettant un sens que jamais la Société nationale des chemins de fer de France n’a voulu y mettre, mais que je vous transmets aujourd’hui avec conviction et affection.

Amen.