On a beau avoir des températures estivales, les feuilles ne mentent pas. L’automne est à nos portes. Même après plus de 25 automnes au Québec, les couleurs de la nature m’époustouflent toujours. J’ai grandi en banlieue de Vancouver… qui pourrait s’écrire Vancou-vert. Il y a beaucoup plus de conifères (evergreens – ce qui veut dire toujours verts) que d’arbres à feuilles caduques. Et le climat est tel que, les couleurs des feuilles qui finissent par tomber ne sont jamais aussi vives que celles qu’on voit dans ce coin du monde. Je me souviens du tout premier automne que j’ai passé ici à Québec. Un matin, je suis sortie de mon appartement et je suis restée bouche bée au plein milieu de la rue. C’était comme si, au milieu de la nuit, Dieu avait pris de la peinture et barbouillé toutes les feuilles. Même si, à l’époque, je n’avais pas évoqué Dieu – je n’étais pas encore revenue à la foi – la beauté de la nature me connectait à quelque chose de fondamental, inscrit au fond de moi.
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
Aujourd’hui encore, je m’arrête pour contempler les arbres qui changent de couleur. Cette année, le premier qui a attiré mon regard, c’était un jeune arbre devant l’École Saint-Michel, non loin de la porte principale, entre un cèdre (donc, un evergreen) et une grande croix en tuile blanche sur la façade de l’école. « Quelle belle illustration de l’Évangile ! » me suis-je dit. Entre la croix et la vie éternelle (vivace et verdoyante), la gloire et l’espérance du lâcher-prise.
En parlant du lâcher-prise, il y a quelques jours, sur ma page Facebook, j’ai relayé une image de feuilles d’automne avec la légende : « Les feuilles s’apprêtent à nous montrer la beauté du lâcher-prise. » Cette image a été « likée » tant par des amis-es agnostiques ou athés que par des amis-es croyants-es. Pour moi, cela signifie que cette image résonne avec quelque chose d’essentiel, quelque chose qui est inscrit au fond de nous. Pour nous, chrétiens-nnes, le lâcher-prise, c’est la foi, la confiance en Dieu et en la vie que Dieu nous donne. Le lâcher-prise, la foi, c’est l’assurance de ce que l’on ne voit pas, ou que l’on ne voit pas encore : que la mort n’aura pas le dernier mot.
Ce lâcher-prise, c’est ça la bonne nouvelle de Jésus Christ, n’est-ce pas ? Au moment où on pense que tout est fini… que les plus beaux jours sont derrière nous, que la mort est sur le point de prendre le dessus, que la Vie éclate en couleurs saisissantes. C’est ce que Jésus essaie de dire aux disciples qui veulent le voir aujourd’hui. Jésus vient de faire une entrée haute en couleur à Jérusalem. C’était un peu comme une marche de solidarité… sauf qu’au lieu de brandir des pancartes avec des slogans inclusifs, la foule défilait dans les rues à la suite de Jésus, branches de palmiers à la main, en chantant : « Hosanna ! Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient, le roi d’Israël ! » (Jean 12, 12-13) Ça devait être saisissant! Pas surprenant que des gens de partout cherchaient à voir Jésus ! Mais que cherchaient-ils voir au juste ? Quel genre de roi, espéraient-ils voir ? L’extrait biblique que nous venons d’entendre ne le spécifie pas. Toutefois, un peu plus loin, Jean nous dit : « Quoiqu’il eût opéré devant eux tant de signes, ils ne croyaient pas en lui… » (Jean 12, 37). De toute évidence, les gens ne reconnaissaient pas la gloire d’un roi qui doit mourir et tomber en terre comme un grain de blé… ou des feuilles d’automne. Ils veulent croire en un roi fort, vigoureux, vainqueur de tout, même de la mort. Mais un roi pour qui la mort est un passage obligé pour accéder à une vie nouvelle? Non, merci!
Plus ça change… plus c’est pareil. Nous vivons dans une culture où, de bien des manières, on cherche à escamoter la mort. Des voix se lèvent pour nous dire de mettre notre confiance en telle personne, tel produit, ou telle partie politique… qui nous promet la jeunesse, la croissance et la productivité sans fin. Mais quand nous cherchons au fond nous, nous découvrons une autre vérité. Notre avenir et notre espérance ne se trouvent pas dans les projets des humains … surtout ceux qui s’obtiennent dans des voies non respectueuses du rythme de la vie. Notre avenir et notre espérance se trouvent en Dieu, notre Créateur. Et Dieu nous a fait non seulement pour le printemps et l’été… mais aussi pour la gloire de l’automne et le mystère de l’hiver de la vie. Les humains ne sont pas des evergreens. Nous n’avons pas été faits pour une croissance sans limites, une productivité constante.
Nous ne sommes pas des evergreens, nous sommes plus comme des pommiers. Nous avons un pommier dans la cour chez nous qui donne énormément de pommes, une année sur deux! C’est important pour moi de m’en souvenir… particulièrement à l’automne quand je vois tellement de choses que je pourrais faire, que je devrais faire… Mais je ne suis pas un evergreen moi non plus. Ce qui m’aide à me rappeler cette vérité inscrite au fond de moi, c’est d’avoir une communauté de foi : une communauté qui lit la Parole et qui essaie de l’intégrer dans la vie de tous les jours.
Saint-Pierre et Pinguet est une communauté de gens (majoritairement) dans l’automne de leur vie. Essayer d’être autre chose serait futile… et même contre nature. Et dans un monde où on s’épuise à essayer de prolonger l’été de la vie, Dieu nous donne peut-être une grâce et une vocation particulières : époustoufler le monde de la beauté des couleurs de notre automne!
Le nombre de touristes qui viennent exprès pour contempler les couleurs de l’automne québécois augmente d’année en année… Qu’il en soit ainsi pour nous à Saint-Pierre et Pinguet. Que les gens qui passent soient attirés… et saisis… par la beauté de nos couleurs. Par la grâce de Dieu, que notre vie proclame que notre avenir et notre espérance se trouvent dans les projets du Seigneur qui a fait le ciel et la terre et tout ce qui y vit… pour la vie abondante : harmonieuse, équilibrée et respectueuse des rythmes de la vie. Amen.
2 septembre 2018 – Le 15e dimanche après la Pentecôte – Église Unie Saint-Pierre
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