« Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ? » (Actes 2, 8)
Quand on pense à la Pentecôte, on pense spontanément au miracle des langues. Je ne saurais vous dire combien de fois j’ai participé à un culte de Pentecôte pendant lequel on a demandé à plusieurs personnes de lire Actes 2 dans sa langue maternelle… et parfois… toutes en même temps. Une vraie cacophonie… . Est-ce cela le miracle de la Pentecôte? À mon avis, le vrai miracle, c’est qu’on ait entendu quelque chose. Comment se fait-il que chacun-e ait entendu ce qui se disait ?
Dans le monde aujourd’hui… il y a tellement de bruit qu’on n’entend presque plus rien. C’est en partie dû à notre éducation, je crois. Quand j’étais aux études, dans certains cours, le prof nous donnait des points pour notre participation. Il fallait apprendre à prendre la parole, à s’exprimer, à parler pour convaincre… plus que pour entendre… ou comprendre d’autres points de vue, d’autres façons de voir le monde. Le jour de la Pentecôte, c’était tout à fait différent. Toutes et tous ont entendu… entendu quoi au juste ? L’histoire ne dit pas quoi exactement… peut-être parce que chaque personne a entendu ce qu’elle avait vraiment besoin d’entendre cette journée-là. Et vous, qu’est-ce que vous avez besoin d’entendre aujourd’hui ? Le jour de la Pentecôte, on ne sait pas exactement ce que les gens ont entendu. Tout ce qu’on sait, c’est que les gens ont entendu parler des merveilles de Dieu et que l’expérience a été complètement transformatrice… du moins pour un certain nombre d’entre eux.
Savoir écouter vraiment… être à l’écoute de ce qu’il y a de neuf, de transformateur… c’est un art qui se perd. Pensez à nos pages Facebook. Il y a un bouton « J’aime ». Généralement, on clique lorsqu’on voit ou on lit quelque chose qui confirme ce que l’on croit ou sait déjà. Si on prend la peine d’écrire un commentaire en dessous d’une image ou d’un message avec lequel nous ne sommes pas d’accord, c’est rarement pour demander un complément d’information… pour en savoir davantage sur ce que pense l’autre. C’est pour dire notre façon de penser. Et généralement, ce genre d’échange ne change pas grand-chose. Ce qui transforme les vies et le monde, c’est une écoute attentive… une écoute qui ouvre nos cœurs et nos esprits à de nouvelles façons de voir et de vivre.
C’est précisément ce qui se passe chez Nicodème. Il vient vers Jésus parce qu’il a entendu des choses à son sujet et il veut en savoir davantage. Il pose des questions et il écoute les réponses. Il laisse murir sa réflexion et, petit à petit, l’Esprit travaille en lui et le transforme. Au moment de l’arrestation de Jésus, celui qui est allé voir Jésus seul de nuit invite ses collègues pharisiens à entendre ce que Jésus à dire (voir Jean 7). Et c’est Nicodème qui va apporter environ 100 livres de myrrhe et d’aloès – tout un signe ostentatoire de dévotion, ça ! – et qui va, avec Joseph d’Arimathée, procéder à la mise au tombeau de Jésus (Jean 19, 38-42). La transformation de Nicodème est d’autant plus frappante qu’il risque beaucoup en s’affichant publiquement de la sorte. C’est un homme puissant. Il est pharisien. Sa gang, c’est la gang qui a envoyé des gardes arrêter Jésus.
Quand les puissants se mettent à entendre ce que les marginalisés ont à dire… des choses surprenantes, bouleversantes risquent de se produire. C’est exactement ce qui s’est produit le jour de la première Pentecôte chrétienne. Les apôtres n’étaient pas des gens influents… au contraire. Pour beaucoup de gens de l’époque, c’était un groupe marginal d’extrémistes. Arrive l’Esprit saint et soudain la foule arrive à entendre ce que les apôtres ont à dire… et à en être toute bouleversés. Ce n’est pas rien. N’oubliez pas que c’était la foule rassemblée pour la fête de Pâque qui a exigé que Jésus soit crucifié et que Barabbas soit libéré (Jean 18, 39-40). Quand les puissants se mettent à entendre ce que les marginalisés ont à dire, des choses surprenantes, bouleversantes risquent de se produire.
Si tant de monde hésite souvent à écouter vraiment ce que d’autres ont à dire… c’est peut-être justement parce qu’on a souvent si peur du changement. Le statut quo est si familier, si réconfortant.
Mais quand on arrête d’entendre ce que d’autres voix nous disent… et particulièrement quand on se bouche les oreilles pour ne pas entendre la voix des marginalisés… on oublie que personne ne détient pas toute la vérité et on court le risque de pécher… de manquer la cible… de nous écarter du chemin de Dieu qui seul est vérité et vie.
Les premiers apôtres formaient un groupe marginalisé et persécuté. Tout a changé lorsque des gens influents ont entendu ce qu’ils avaient à dire. Mais quand l’Église est devenue puissante… elle avait tendance à ne pas entendre la voix des faibles et les marginalisées. Elle avait son mot à dire au monde entier… et n’entendait que sa propre voix. Pensionnats, violences physiques, psychologiques, abus de pouvoir et de confiance… l’histoire de l’Église en pleine. Des histoires d’horreur, je crains qu’on n’ait pas fini d’en entendre. Si seulement l’Église avait su écouter…si seulement elle avait entendu !
Gens de Québec et d’ailleurs, disciples de Jésus Christ, nous nous demandons souvent comment nous faire connaitre… comment faire passer notre message. Mais si nous avons de la difficulté à trouver notre voix… peut-être qu’il faut écouter encore quelque temps. Écouter pour entendre.
Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de l’écoute. Pensez à une situation où vous avez eu le sentiment d’avoir été écouté et entendu. Qui était là? Que s’est-il passé ? Quel impact cette expérience a-t-elle sur vous ? Être entendu, ça peut changer des vies… et le monde. Et Écouter… ça aussi peut changer le monde… une vie à la fois…
La consultation du 28 mai dernier en est un bon exemple. Au début de la journée, nous avons pris du temps pour se raconter des histoires du passé de notre communauté de foi. C’était vraiment bienfaisant pour moi de vous… de nous… entendre parler des merveilles du Seigneur, d’entendre et de réentendre tout ce que le Seigneur a fait dans vos vies et dans la grande région de Québec à travers notre petite Église qui est, à bien des égards, en marge de la société. Et d’après les échos que j’ai eus, je ne suis pas la seule à avoir été dynamisée par nos échanges.
La croissance et la vitalité de l’Église a été stimulée par des gens qui ont entendu quelque chose de nouveau. Et si nous nous mesurions la vitalité de notre communauté de foi, non pas par la force du nombre mais par notre capacité d’écoute ? L’une des choses qui est ressortie clairement pour moi de la consultation du 28 mai, c’est que Saint-Pierre est une Église qui sait écouter… la Parole de Dieu… tout comme les différents points de vue de ses membres. On s’écoute et quand on n’est pas certain d’avoir entendu… on pose des questions pour clarification.
Il y a un peu de Nicodème dans chacun et chacune de nous. Quelle bénédiction !
Qui pourrait avoir quelque chose à nous dire ? Qui aimeriez-vous entendre ? Sur quels sujets ? C’est peut-être justement en écoutant des voix que nous n’entendons pas d’habitude que nous trouverons une vitalité nouvelle, que nous serons transformés et que nous transformerons le monde dans lequel nous vivons.
Frères et sœurs, le vent souffle où il veut. Et il souffle fort en nous et parmi nous. Je ne sais pas où il va mais je l’entends et je le ressens. Mais si le passé est garant de l’avenir… attachez vos tuques. Nous n’avons rien vu… nous n’avons rien entendu encore ! Amen !
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