Vos micros ont beau être fermés, j’entends tout de même quelques voix : « Mais voyons donc ! Ça n’a pas d’allure ! Comment des hommes et des femmes intelligents du 21e siècle peuvent-ils croire ces histoires trop belles… et pas assez fiables sur le plan scientifique… pour être vraies ? Mais qu’est-ce que la vérité ? (Jean 18.33-38). La vérité de l’Évangile ne se découvre pas dans des événements historiques et scientifiques qu’on pourrait valider hors de tout doute mais plutôt dans une expérience de vie qu’on peut partager et qui peut nous amener à surmonter nos doutes. Certes l’expérience de la résurrection, nous ne le vivrons pleinement qu’au-delà de cette vie. Pourtant, comme pour les premiers disciples, la résurrection est déjà une réalité palpable, tangible. Luc met des mots sur l’expérience des premiers disciples afin de la partager avec d’autres… parce que c’est dans le partage que se révèle et se valide la vérité de l’Évangile. Alors entrons dans cette expérience que Luc souhaite partager avec nous…
Le jour de Pâques deux disciples qui avaient entendu les rumeurs de la résurrection quittent Jérusalem sans aucune preuve concrète de ce que d’autres leur avaient raconté. En chemin, le Ressuscité les rejoint mais ils ne le reconnaissent pas jusqu’au moment où il rompt du pain et partage la Parole avec eux. Aussitôt, il disparaît de devant eux. Et les disciples se lèvent et s’en retournent à Jérusalem. Ils passent de la rumeur à la rencontre… et cette rencontre réoriente leur vie… les renvoie auprès d’autres disciples afin qu’ils partagent leur expérience à leur tour. Quand avez-vous fait une rencontre marquante… une rencontre qui a changé le cours de votre vie… peut-être pas de façon aussi instantanée que chez les disciples sur le chemin d’Emmaüs… mais une rencontre qui a quand même été déterminante dans votre existence, une rencontre qui a ouvert la voie à quelque chose de neuf… et de complètement inattendu ? Ces expériences, mêmes les plus invraisemblables, sont tellement vraies n’est-ce pas ? On finit par vouloir les partager avec nos ami-e-s les plus proches.
Les deux disciples s’en retournent à Jérusalem et ils commencent à raconter leur expérience aux autres disciples (pas à tout le monde… mais à des proches qui les croiront peut-être, qui ne sauteront peut-être pas tout de suite à la conclusion qu’ils sont complètement malades). Et les autres disciples, ceux qui étaient restés à Jérusalem, eux aussi, auront plus que des rumeurs. Car le Ressuscité les rejoint, se fait présent au milieu d’eux et leur dit : « La paix soit avec vous. » C’est une salutation commune à l’époque. Mais sur les lèvres du Ressuscité, elle est tellement lourde de sens. Ça signifie beaucoup plus que : « Salut les gars, les filles ! Capotez pas, là ! Respirez par le nez ! » Une rencontre avec le Christ ressuscité est autre chose que la simple expérience personnelle d’une paix intérieure face aux situations troublantes de la vie. Plus qu’un appel au calme, on peut entendre ces paroles de Jésus ressuscité à la fois comme une prière et un énoncé de mission. « Que la paix soit avec vous. »
Avant sa mort, Jésus avait envoyé ses disciples dans les localités où il devait lui-même aller en leur disant d’appeler la paix de Dieu sur toutes les personnes avec qui ils partagerait leur vie en chemin (Luc 10, 5). Jésus charge ses disciples d’une mission : « Que la paix soit avec vous ! Que la paix vous habite et vous anime. En vous côtoyant, que les gens fassent l’expérience de la paix que je vous donne… cette paix qui est plus que la bonne entente… la paix qui beaucoup plus que la simple absence de guerre… la paix qui est partage, solidarité et vie abondante pour la création tout entière. Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde ! Que la paix prenne chair en votre vie. »
L’expérience de la résurrection, c’est aussi l’expérience de l’incarnation. Le ressuscité n’est pas un fantôme. Son esprit est un esprit incarné. Il me semble que c’est ce que Luc essaie de partager avec nous en nous disant Jésus montre ses mains et ses pieds à ses disciples, qu’il mange et partage la Parole avec eux. La résurrection n’est pas une expérience purement spirituelle, elle touche toutes les dimensions de notre vie… notre corps, notre âme et notre intelligence…
Luc nous dit que Jésus ouvrit leur intelligence afin qu’ils comprennent les Écritures. (Luc 10, 45). Nous le savons, il y a différents types d’intelligence : l’intelligence rationnelle, l’intelligence émotionnelle, par exemple. Il y a aussi une intelligence scripturale… cette intelligence qui nous permet de voir et de comprendre la vie, le monde, tels que les Écritures nous les présentent.
Revoyons la scène dans sans ensemble. Les blessures dévoilées, les repas et la parole partagés, tous ces détails n’évoquent-ils pas des expériences de la résurrection que nous avons eues à différents moments ? Même en temps de pandémie.
Pas plus tard que vendredi dernier à la Parole sur le pouce. Nous étions une dizaine de disciples. Il y en avait qui avaient apporté leur lunch. Il s’est créé entre nous un espace d’imité où la Parole a circulé, où plusieurs ont dévoilé leurs blessures, leurs fragilités et tout le monde en est sorti fortifié. Ça se voyait sur les visages… et je l’ai senti moi-même physiquement. La résurrection est une expérience qui touche l’ensemble de notre personne. Et elle change tout. Notre cœur, nos pensées, toute l’orientation de notre vie.
« On prêchera en son nom la conversion pour le pardon des péchés ». La conversion – métanoïa en grec – signifie un changement de pensée, de raisonnement, et aussi un retour vers Dieu, vers ses chemins, un retour qui rétablit la relation brisée par nos égarements et qui nous ouvre à une vie renouvelée, une vie tout autre. La résurrection, c’est l’expérience du Christ qui nous rejoint dans l’intimité de nos existences… où que l’on soit. Rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu en Jésus. Même lorsque tout porterait à croire que les liens sont rompus à tout jamais, l’amour du Christ pour ses disciples est plus fort que tout. Rien ne l’empêchera de nous ramener à Dieu et à sa volonté pour le monde qu’il nous a confié.
Si ces paroles sonnent « vraies » pour nous, c’est au moins en partie parce qu’elles résonnent avec notre expérience, n’est-ce pas ? Par la grâce de Dieu, revêtus de la puissance de l’Esprit vivant et vivifiant que le Christ envoie sur nous, soyons porteurs de la paix du Ressuscité dans le monde. Que cette paix, cette vie abondante, nous relève et nous remette en mouvement… vers un avenir qui dépasse tout entendement, au-delà de tout ce que nous pouvons demander ou même imaginer (Éphésiens 3, 20). Amen.
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