Nuit et jour, la semence germe et grandit, on ne sait comment;
d’elle-même la terre produit…voici le temps de la moisson.1
Le règne vient de lui-même… nous l’espérons et le croyons dans la foi. Mais comme cette ultime moisson semble constamment être reportée. Dans l’esprit de la Journée internationale de la paix du 21 septembre, je veux vous parler brièvement de l’Action des chrétiennes et des chrétiens pour l’abolition de la torture. Le culte d’aujourd’hui est construit en bonne partie de matériaux provenant du Schéma de prière et de réflexion d’automne produit quatre fois l’an par une équipe bénévole de Québec. L’ACAT, une ONG œcuménique, est la récolte d’une semence mise en terre, en France, en 1974 par deux chrétiennes protestantes engagées dans Amnistie Internationale. Elles ont été touchées par le 5e article de la Déclaration des droits de l’Homme : Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. 10 ans plus tard, la semence prend racine en Amérique française, milieu majoritairement catholique, sans pour autant jamais perdre sa dimension œcuménique. L’ACAT est maintenant disséminée dans une trentaine de pays regroupés volontairement au sein d’une fédération internationale qui a un statut consultatif à l’ONU. Cette semence particulière d’Évangile, ce qui fertilise et irrigue la démarche de l’ACAT est le triptyque « s’informer, prier, agir ». En allant consulter le site acatcanada.org vous découvrirez abondance de matériaux de qualité pour nourrir votre réflexion, enraciner votre prière et poser des gestes simples et pertinents.
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
La paix soit avec nous. Appeler la paix de toutes ses forces nécessite un regard renouvelé sur la condition humaine qui est aussi un regard critique quant à la façon dont les sociétés et les États orientent l’énergie de leurs populations dans des projets qui déploient la vie ou qui la mutilent. L’engagement en faveur des droits humains est une des façons de cultiver la paix. Chacune et chacun de nous s’implique d’abord en tant que citoyen dans son milieu, intervient pour l’amélioration de la vie commune et participe aux efforts collectifs pour établir des rapports toujours plus justes, équitables empreints de bienveillance. Mais pour vous et moi, pour nous, le Sacré est indissociable et constitutif de notre identité. Peu importe l’arrière-plan religieux et les mots de la foi, c’est essentiellement la même expérience fondamentale : une communion mystique et cosmique, la paix divine qui est offerte gratuitement et qui est accueillie avec humilité, simplicité et reconnaissance. La bienveillance du divin à l’égard de toute sa création nous fait comprendre l’inaliénable dignité de tout être humain, aimé inconditionnellement par son créateur. C’est à cet éclairage que s’évaluent nos comportements personnels et collectifs.
La torture est un affront à la dignité sacrée de l’être humain, elle est l’opposé de la tendresse voulue par Dieu dans nos rapports les uns avec les autres. En vérité, tous et toutes nous sommes des enfants, fragiles, vulnérables, qui appellent des soins bienveillants et respectueux. Le corps de chaque homme de chaque femme est habité par l’Esprit, tel un temple. Jésus, demeure de Dieu au milieu l’humanité comme le qualifiait les théologiens antiques, est la tête, et nous sommes tous et toutes les membres de son Corps universel, appelés à donner forme au divin amour créateur. C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne. 2
Les ignobles sévices de la torture, administrés par des individus désaxés, souvent eux-mêmes profondément perturbés, sont d’autant plus abominables lorsqu’ils sont instrumentalisés systématiquement par des pouvoirs politiques au nom d’idéologies diverses, de la raison d’État ou encore de la sécurité voire de la paix… N’est-ce pas sous de tels motifs que Jésus de Nazareth a subi la torture et la mort par crucifixion ? Mystérieuse solidarité du divin au cœur de la détresse la plus profonde, proximité avec l’humanité souffrante dans la victime, avec l’humain déraillé dans le tortionnaire : c’est par nos péchés qu’il a été broyé, le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui et c’est par ses blessures que nous sommes guéris pour citer le prophète Ésaïe. 3
L’opposition concrète à la torture est une démarche profondément spirituelle contre les forces invisibles, les puissances des ténèbres qui dominent le monde…4 Mais nous avons à nos côtés le Prince de la paix…5 la force même, le pouvoir, la vigueur mis en œuvre dans le Christ ressuscité d’entre les morts… établi au-dessus de toutes les puissances et de tous les êtres qui nous dominent, quelque soit leur nom, aussi bien dans le monde présent que dans le monde à venir.6
En ce début d’automne, dans l’éclat du divin visage de lumière pour citer la prière de Jacques Gauthier, nous sommes introduits au sacré de toute vie humaine, un préalable pour écouter et faire entendre le cri des personnes bafouées, opprimées, torturées et pour consolider notre implication envers elles, en faveur du monde tel que Dieu le souhaite. Comme la semence jetée en terre, notre engagement envers les personnes vulnérables et fragiles est humble et souvent en apparence sans résultat. Mais nous sommes portés par la mouvance de l’Esprit et c’est l’œuvre du Créateur que nous faisons nôtre en pensées, en paroles et en actes de tendresse et de partage. On ne sait comment mais il en sera ainsi, par pure grâce.
Que le Seigneur de la paix vous donne lui-même la paix, en tout temps et de toute manière.7
Saint-Pierre 18e dimanche après Pentecôte « B » – 23 septembre 2018
LECTURES BIBLIQUES
1 Marc 4, 27. 28a. 29c
2 Jean 14, 27
3 Ésaïe 53, 5
4 Éphésiens 6, 12
5 Ésaïe 9, 5
6 Éphésiens 1, 19-21
7 2 Thessaloniciens 3, 16
Un commentaire