Elle est venue l’heure où le Fils de l’homme doit être glorifié.^[1] Par ces mots Jésus fait saisir l’impact de la demande de ces sympathisants d’origine grecque, attirés par le Dieu unique des juifs, qui sont montés à Jérusalem adorer à l’occasion de la fête.^[2] La signification et la portée du ministère de Jésus, le Fils de l’homme, sont manifestées de manière éclatante (glorifié), alors que c’est maintenant le jugement de ce monde… quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes.^[3] Ainsi est attestée la volonté divine d’un salut universel, enracinée dans le terreau de l’histoire du peuple hébreux duquel grandira l’arbre de la croix, la Pâque ultime, où l’humanité entière est pleinement absorbée par le divin incarné, un amour de miséricorde d’une portée infinie qui appelle à la libération dans la justice intégrale comme à la guérison du pardon gratuit et sans borne.

Cette réalité est en déploiement continu au fil des époque et en tous lieux. La narration du texte de Jean devient pour nous l’Écriture, parole sacrée qui nous relie dans le moment actuel de nos vies à ce qui s’accomplit jadis à la croix, le don d’une grâce imméritée, l’offre d’une communion qui jamais ne cessera. Car Dieu est et demeurera toujours là : son règne surgit dans l’instant présent par le dynamisme permanent de l’Esprit de vie, la source de tout salut et renouveau. Secondes après secondes… minutes après minutes… jours après jours… Dieu est toujours là et il nous attend, nous désire d’un amour infini. Mais nous, si souvent, nous sommes ailleurs… Nos désirs, nos peurs, nos convoitises, nos distractions, tout ce qui attache à notre vie dans ce monde^[4], selon l’ordre apparent des choses, et qui du coup fait perdre alors de vue la vie selon la vérité profonde des choses, la vie qui bat, qui jaillit de Dieu, celle qui est offerte à chaque instant à accueillir, à goûter, à célébrer.

Si le grain de blé qui tombe en terre ne meurt pas, il reste seul ; si au contraire il meurt, il porte du fruit en abondance^[5]. Mourir à nos prétentions vaniteuses, à nos illusions de contrôle, à notre orgueil pour garder pour la vie éternelle^[6], renaître à une fécondité surabondante, source de joie et de bienfaits personnels et, à travers nous, ferment d’un renouveau du monde selon la perspective divine. La vie spirituelle est simple mais elle demande le courage d’aller au bout de soi-même. À la suite de Jésus, la vie devient un renversement de la manière de considérer le succès, la réussite, l’accumulation, tout ce qui est l’acquis. La vie chrétienne, selon le règne de Dieu, c’est la vie qui est donnée sous la mouvance de l’Esprit. Chacune, chacun en est le sujet libre et autonome, unique et original.

Nous rappelant Patrick d’Irlande aujourd’hui, nous reconnaissons que nous sommes tributaires d’une succession deux fois millénaires, d’hommes et de femmes fascinés par la quête de Dieu, unis au Christ Jésus qui rend Dieu présent dans son humanité, des gens soucieux d’être dociles au souffle de l’Esprit saint dans les circonstances propres de leur brève existence. Seigneur, nous voudrions voir Jésus^[7] Chacune, chacun d’eux l’ont exprimé avec les mots, les schémas de pensée et les besoins discernés de leur temps comme les prières utilisées aujourd’hui l’illustrent (voir ci-dessous en annexe). À nous de faire de même L’importance qu’ils accordent à cette rencontre sacrée et au renouveau de l’existence devrait être de fait la norme d’une vie de foi plutôt que l’exception, ce à quoi tous et chacune de nous sommes conviés comme baptisés.

Ainsi s’accomplit l’actualité permanente de la promesse divine transmise jadis au prophète Jérémie : Voici l’alliance que je conclurai avec la communauté […] je déposerai mes directives au fond d’eux-mêmes, les inscrivant dans leur être ; je deviendrai Dieu pour eux, et eux, ils deviendront un peuple pour moi. Ils ne s’instruiront plus entre [eux], répétant : « Apprenez à connaître le SEIGNEUR », car ils me connaîtront tous, petits et grands – oracle du SEIGNEUR.^[8]

ANNEXE

PRIÈRE de la SÉRÉNITÉ

version intégrale attribuée à R. Niebuhr (1892–1971)

Mon Dieu, donne-moi la sérénité

d’accepter les choses que je ne peux changer,

le courage de changer les choses que je peux,

et la sagesse d’en connaître la différence.

En vivant un jour à la fois,

en goûtant la vie un moment à la fois,

en acceptant les difficultés

comme un sentier vers la paix,

en prenant, comme Jésus l’a fait,

ce monde pécheur tel qu’il est,

et non tel que je voudrais qu’il soit,

confiant que tout ce que tu feras sera bon

si je m’en remets entièrement à ta volonté,

afin de trouver un certain bonheur en cette vie

et la plénitude du bonheur avec toi dans la vie à venir.

Amen.

ODES de SALOMON – 10^e

Ces hymnes, autrefois chantées, remontent aux premiers chrétiens

CANON (Iorica/Cuirasse) de SAINT- PATRICE
attribué à Patrick d’Irlande (vers 386-461)

1. Je me lève aujourd’hui, par une force puissante,
   l’invocation à la Trinité, la croyance à la Trinité,
   la confession de l’unité du Créateur du monde.

 2. Je me lève aujourd’hui, Par la force de la naissance du Christ et de son Baptême,
la force de sa Crucifixion et de sa mise au tombeau,
la force de sa Résurrection et de son Ascension,
la force de sa Venue au jour du jugement.

3. Je me lève aujourd’hui, par la force des ordres des Chérubins,
   dans l’obéissance des Anges,
   dans le service des Archanges,
   dans l’espoir de la Résurrection,
   dans les prières des Patriarches,
   dans les prédictions des Prophètes,
   dans les prédications des Apôtres,
   dans les fidélités des Confesseurs,
   dans l’innocence des Vierges saintes,
   dans les actions des Hommes justes.

4. Je me lève aujourd’hui, par la force du Ciel,
   lumière du Ciel, lumière du Soleil,
   éclat de la Lune, splendeur du Feu,
   vitesse de l’Éclair, rapidité du Vent,
   profondeur de la Mer, stabilité de la Terre,
   solidité de la Pierre.

5. Je me lève aujourd’hui, par la force de Dieu pour me guider,
   puissance de Dieu pour me soutenir,
   intelligence de Dieu pour me conduire,
   œil de Dieu pour regarder devant moi,
   oreille de Dieu pour m’entendre,
   parole de Dieu pour parler pour moi,
   main de Dieu pour me garder,
   chemin de Dieu pour me précéder,
   bouclier de Dieu pour me protéger,
   armée de Dieu pour me sauver :
   des filets des démons, des séductions des vices,
   des inclinations de la nature,
   de tous les hommes qui me désirent du mal, de loin et de près,
   dans la solitude et dans une multitude.

6. J’appelle aujourd’hui toutes ces forces entre moi et le mal,
contre toute force cruelle impitoyable
qui attaque mon corps et mon âme,
contre les incantations des faux prophètes,
contre les lois noires du paganisme,
contre les lois fausses des hérétiques,
contre la puissance de l’idolâtrie,
contre les charmes des sorciers,
contre toute science qui souille le corps et l’âme de l’homme.
contre le poison, contre le feu,
contre la noyade, contre la blessure,
pour qu’il me vienne une foule de récompenses.

7. Que le Christ me protège aujourd’hui :
   Christ avec moi,
   Christ devant moi,
   Christ derrière moi,
   Christ en moi,
   Christ au-dessus de moi,
   Christ au-dessous de moi,
   Christ à ma droite,
   Christ à ma gauche,
   Christ en largeur,
   Christ en longueur,
   Christ en hauteur,
   Christ dans le cœur de tout homme qui pense à moi,
   Christ dans tout œil qui me voit,
   Christ dans toute oreille qui m’écoute.
8. Je me lève aujourd’hui, par une force puissante,
   l’invocation à la Trinité, la croyance à la Trinité,
   la confession de l’unité du Créateur du monde.

Au Seigneur est le salut, au Christ est le salut,
que ton salut Seigneur soit toujours avec nous.

Amen ! Amen ! Amen !

LECTURES BIBLIQUES

Jérémie 31, 31-34

Jean 12, 20-33

^{[1] Jean 12,23b}

^{[2] Jean 12,20}

^{[3] Jean 12,31a.32}

^{[4] Jean 12,25}

^{[5] Jean 12,26}

^{[6] Jean 12,25}

^{[7] Jean 12,21b}

^{[8] Jérémie 31,33-34}