En 2000 ans de progrès, la vie humaine s’est transformée dans plusieurs de ses aspects, n’est-ce pas ? Prenons par exemple les avancées technologiques qui ont bouleversé notre vie de tous les jours. Pour les plus anciens d’entre nous, je suis certain par exemple que personne ici n’avait anticipé l’arrivée de l’internet et encore moins la facilité actuelle des moyens de communication. Personne ne s’attendait non plus à autant de percées dans le domaine de la médecine et qui permirent des traitements contre le cancer ou contre le VIH, le rendant intransmissible et indétectable. Le temps passe et notre monde change ; nous gagnons en espérance de vie, mais les moments de crises, eux, sont essentiellement les mêmes. La finitude de notre vie humaine, elle, ne change pas.
Les Écritures ne nous permettent pas de déterminer avec exactitude l’âge de nos deux prophètes. Toutefois, il ne fait aucun doute que nous sommes les lecteurs d’un récit nous racontant une période de crise où se profile à la fois la disparition de Élie, mais aussi l’appel prophétique de Élisée, son disciple.
Si la Parole de Dieu se révèle entre les lignes du texte, alors il faut s’attarder un peu aux détails. Tout porte à croire que le départ de Élie était anticipé par Élisée et les serviteurs, bien que le jour et l’heure exacts, eux, ne l’étaient pas vraiment. En effet, nul ne connaît l’heure où nous nous quitterons.
Plutôt que de nous parler des problèmes de santé de Élie, ses peines et ses errances, les Écritures nous présentent son grand départ comme une suite de voyages à travers la Terre sainte. Ces mêmes voyages de nos deux prophètes nous rappellent sans faute divers évènements bibliques qui ont marqué le peuple de Dieu. Avec Élie et Élisée qui marchent sur une corde tendue, nous effectuons une relecture, si ce n’est pas pour dire une synthèse de notre histoire sainte avec ses lieux phares. Toutefois, une relecture plus spirituelle nous renvoie aussi à notre propre histoire. Nous aussi nous avons combattu à un jour Jéricho une bataille qui nous semblait perdue d’avance sans l’intervention du Seigneur. Nous aussi nous nous sommes converties à Gilgal, acceptant de nous délaisser de nos excédants pour entrer dans la vie de Dieu. C’est sans parler du Jourdain, de ces oasis qui nous abreuvent et qui dépendent bien souvent des pluies. Ces différents arrêts stimulent notre mémoire et nous ramènent ainsi à l’essentiel ; ils nous rappellent tout d’abord que ce sont dans nos voyages les plus exténuants et les plus déroutants que nous avons fait expérience de la grâce de Dieu.
Une telle réflexion nous amène bien sûr à réexaminer notre propre histoire. Quels ont été ces voyages, ces déplacements qui ont fait le plus sens pour nous ? Qu’avons-nous perdu en cours de route ? À quoi nous sommes-nous raccrochés ? Bien sûr, ce sont des questions qui peuvent faire resurgir en nous des sentiments négatifs, mais qui peuvent aussi sous-entendent la joie de la vie. Après la pluie le beau temps, dit-on. Derrière cette expression parfois un peu mièvre se révèle pourtant une vérité centrale pour les croyants que nous sommes : chacun est accompagné du Seigneur. Celui-ci nous a désirés ; il nous aime pour ce que nous sommes, là où nous nous trouvons.
Chacun de nous est appelé à vivre divers moments de crise, dont le grand départ des uns et des autres. Le temps n’attend pas après nous et il nous faut nous saisir des moments propices pour nous mettre en route. Remarquez comment la grande demande d’Élisée se produit lors d’un évènement extraordinaire. C’est au milieu des eaux séparées – nous rappelant sans faute la traversée de la mer Rouge par Moïse – que Élisée demande à Élie une double part de son esprit.
« Que vienne sur moi, je t’en prie, dit Élisée, une double part de ton esprit ! »
Élie répond : « Tu demandes une chose difficile. Si tu me vois pendant que je serai enlevé loin de toi, alors il en sera ainsi pour toi, sinon cela ne sera pas. »
Alors que je méditais sur ce texte-là, j’ai senti que l’Esprit nous proposait ce matin de faire un pas vers notre prochain. Voyez tous ceux qui sont entour de vous. Regardez quelques instants celui ou celle avec qui vous cheminez dans la foi. Nous avons tant à nous transmettre, tant à comprendre les uns des autres, et ce non pas seulement pour grandir intérieurement, mais aussi pour entretenir la mémoire de notre histoire qui se perpétue par les autres. Alors que nous avons tant à nous partager… demandons-nous simplement aux uns et aux autres : « Permets-moi d’avoir une double part de ton Esprit »…. et de conclure par « que le Seigneur te l’accorde »
C’est d’autant plus important pour moi qui voyage avec vous comme membre de notre communauté et comme être humain. Je suis un apprenti pasteur et j’ai besoin de votre support. C’est pourquoi, moi aussi, je demande… « Ma sœur, permet-moi d’avoir ne serait-ce qu’une partie de ton esprit afin d’avoir ta créativité » « Mon frère… permets-moi d’avoir une part de ton esprit pour avoir ta sensibilité… » Permettez-moi d’être aussi radieux que vous qui brillez du Christ transfiguré en vous.
Un jour viendra où nous nous quitterons tous et lors duquel nous nous demanderons aussi : « Où est le Dieu de ma sœur ? Oui, où est-il ? » C’est alors que les signes de la grâce se révéleront à nous et que nous pourrons traverser de l’autre côté de la rive, pieds secs. Notre histoire continuera grâce aux générations qui se succéderont par l’entremise de l’Esprit. Le temps n’attend pas, mais il n’est pas pour autant notre ennemi. Il peut, au contraire, nous propulser vers l’avenir.
Frères et sœurs, chacun de nous à sa place en Église comme en Dieu et ni le doute, ni le désespoir et la mort ne nous séparerons de lui. Soyons donc pleins d’espérance alors que le monde suit son cours et que les étapes se succèdent. C’est à la vie que nous avons été promis et non pas à la mort. La vie en surabondance auprès de Jésus, Élie, Moïse, tous ceux qui nous ont précédés et qui nous ont légué une double part de leur Esprit.
Grâce soit rendue à Dieu.
Amen
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