« On the road again » J’ai ce refrain de la chanson L’Ange vagabond de Richard Séguin dans la tête depuis plusieurs jours. C’est une chanson qui parle de la vie et l’œuvre de Jack Kerouac. Mais elle pourrait aussi parler de la vie des disciples « Tu cherchais qui tu cherchais quoi…? Peut-être une trace de parenté ou un peu de toi ou un abri…. Tu cherchais qui tu cherchais quoi comme un apôtre sans Jésus-Christ d’un bout à l’autre de ce pays? »
Qu’est-ce que les disciples cherchaient, effectivement, quand ils ont pris la route deux par deux, sans Jésus ? On ne le saura jamais… mais ces temps-ci, je ne peux pas m’empêcher de penser que l’histoire de l’Église de Jésus Christ, l’histoire de beaucoup de pays et de bien des hommes des femmes et des enfants aurait été bien différente si tous les disciples de Jésus avaient pris la route comme des anges vagabonds… des messagers itinérants… qui erraient comme des mendiants… plutôt que d’arriver comme des maîtres du monde pour subjuguer, pour civiliser.
« Pour la route, ne prenez rien avec vous, sauf un bâton : pas de pain, pas de sac, pas d’argent dans votre poche. Mettez des sandales, mais n’emportez de vêtement de rechange. » (v. 8- 9) Jésus demande à ses disciples de partir en vagabonds, en mendiants. La communauté fondée par Jésus est appelée à se construire sur l’entraide et la mutualité. Les anges, les messagers, apportent la Bonne Nouvelle… mais ils arrivent les mains vides. Les disciples doivent savoir recevoir autant que donner. Les disciples doivent reconnaitre leur pauvreté, leur vulnérabilité, leur besoin des autres, leur interdépendance.
Pas toujours évident ça. Mon soupçon, c’est que pour la majorité d’entre nous – même si nous ne voyons pas toujours comment faire pour accomplir notre mission chrétienne – nous n’avons pas de difficulté à accepter que Jésus nous envoie combattre les forces du mal et apporter la guérison à notre monde blessé et meurtri. Pourtant, il ne nous est pas si facile d’avouer que nous avons besoin des autres. Dès notre très jeune âge, on nous apprend à être indépendants… à payer notre part… à voir à nos affaires et à être fiers de ce que nous avons accompli tout seuls. Et on ne veut surtout pas envisager la possibilité que nos initiatives se soldent par un échec.
Et pourtant, comme je le disais au début du culte, tout de suite en partant, Jésus prépare ses disciples à cette éventualité. Il laisse entendre qu’il y aura des gens qui ne voudront pas les accueillir, qui ne voudront pas entendre parler de la Bonne Nouvelle en Jésus Christ. Les disciples ne sont pas plus grands que leur maître. On le voit bien au début de l’Évangile de ce matin, même Jésus n’a pas toujours eu du succès. Il n’arrive pas à faire tout le bien qu’il voudrait faire. Marc nous dit que parce que les gens ne veulent pas croire en lui, il ne peut faire aucun miracle à Nazareth. Mais même là où il ne peut faire aucun miracle, il guérit quelques malades ! Faut croire qu’il est très humain de ne pas saisir toute la portée et l’influence de notre passage dans la vie des autres !
Cela me rassure. Quand je pense à ce que j’espérais accomplir pour le Seigneur quand j’ai pris la route pour la Gaspésie il y a vingt ans… et quand nous sommes revenus à Québec il y a treize ans… je ne dirais pas que mon ministère est un échec total… mais il y a bien des affaires qui ne sont pas réalisées comme j’avais imaginé. Heureusement, je n’ai jamais été seule sur la route.
J’ai la conviction que c’est précisément pour cette raison que Jésus envoie ces disciples deux par deux. À force que se faire claquer la porte au nez, un disciple seul se découragerait sans doute très rapidement. À deux, il y a peut-être plus de chances qu’ils persévèrent plus longtemps. « Awaye ! Lâchons pas ! Poursuivons notre route. Un peu plus loin. La prochaine fois sera peut-être la bonne ! »
Pour mieux cheminer ensemble, Jésus nous appelle à laisser derrière nous tout ce qui pourrait ralentir notre démarche… même la poussière de nos sandales. Secouer la poussière de ses pieds est un geste de rupture qui signifie que les disciples ne doivent rien aux gens qui ne veulent pas les recevoir. C’est aussi être nous-mêmes libérés de tout attachement à ce qui est derrière nous, dégagés de la rancune, de la honte, du ressentiment qui nous freinent et nous emprisonnent.
N’est-ce pas vrai que nos expériences. d’échec ont tendance à nous coller à la peau. Bien plus que nos succès. Nos succès, on peut facilement les minimiser. Nos échecs nous hantent longtemps…et nous empêchent souvent de tenter de nouvelles expériences. La poussière qu’il faut secouer de nos sandales, c’est aussi tous ces irritants qui peuvent ralentir ou même carrément arrêter notre démarche en tant que disciples – nos déceptions, nos frustrations, notre honte, notre colère, notre étonnement devant le peu de succès que nous semblons avoir.
Face à tout ce qu’on voit dans l’actualité, nous pourrions être tentés d’abandonner le chemin drette-là. Force nous est de constater que non seulement l’activité missionnaire n’a pas été un succès… elle a parfois fait plus de mal que de bien ! C’est à se demander : que seraient devenu notre pays, nos vies, la vie de nos frères et sœurs, si nos ancêtres avaient su entendre et recevoir un « Non, merci. Nous sommes très bien sur notre chemin spirituel, ça ne nous tente pas d’embarquer sur le vôtre. Nous pouvons cheminer côte-à-côte, comme le Wampoum à deux rangs le symbolise. C’est plus ça, nôtre façon de voir les choses. »
Inutile de spéculer. Nous ne le saurons jamais. Toutefois, mes frères et sœurs, j’ai la conviction qu’il ne faut pas abandonner le chemin. Il n’est pas trop tard pour secouer la poussière de nos sandales et pour repartir dans une autre direction. L’Évangile de ce matin nous rappelle que Christ est garant, non pas de notre « succès » mais de notre foi – notre confiance en Dieu – cette confiance qui nous donne de poursuivre notre mission malgré les obstacles, les irritants et les échecs que nous rencontrons chemin faisant.
Lorsque nous nous sentons faibles et impuissants, c’est là où nous sommes forts en Dieu. Et c’est cette foi en Dieu que nous partageons qui nous donnera la force de continuer à lutter contre les forces du mal, à travailler pour la justice et la guérison et à proclamer à qui veut l’entendre qu’il faut changer notre façon de vivre et d’être ensemble. Par la grâce de Dieu, notre foi nous donnera les ailes d’un ange et fera de nous des anges vagabonds, pour la gloire de Dieu et la transformation du monde. Amen.
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