Je ne sais pas pour vous autres, mais en entendant des histoires de mort, de trahison et de destruction… je me demande parfois pourquoi on lit ce genre de récits là les dimanches. Je me la pose, la question… je n’ai pas peur de l’avouer. Mais je n’ai pas peur de penser aussi qu’on peut en tirer, peut-être, un sens qui va nous aider dans nos ministères, ici, sur terre. Un ministère de la Vigne. Peut-être que, dans le cas de la parabole, qu’on en a tellement parlé de fois qu’on en vient à esquiver toute la violence qu’elle contient. C’est le risque de spiritualiser ce qui ne fait pas trop notre affaire.
Parlons-en… Continuons le petit chemin que je vous ai proposé il y a trois semaines en mettant de côté nos à-priori. Faisons table rase de nouveau et intéressons-nous à ce sujet du passé, mais qui est pourtant toujours d’actualité. Parlons-en, oui !
Coup de théâtre sur le site de l’Assemblée nationale du Québec. Je ne me souviens plus si quelqu’un l’avait évoqué dans notre communauté, mais il y a, en ce moment même, une pétition plutôt à propos. Saviez-vous que le Canada, dans toute sa sagesse, assure pour chacun de nous le droit à l’accès à l’alimentation ? Sauf que… et il y a souvent des sauf que dans la vie… il n’y a aucun moyen de s’assurer de l’application de ladite loi… qui, finalement, ne change pas grand-chose à notre vie. Nous ne sommes pas sans savoir que les « petits fruits de la vigne » sont des denrées dispendieuses au petit casseau de rien du tout. Finfineau est celui qui compte les rendements, mais encore plus malin est celui qui remarque les portions qui diminuent. Voilà pourquoi il y a une pétition qui circule actuellement et qui voudrait qu’une taxe soit imposée sur les surprofits que se font les grandes chaînes d’alimentation. Suffit l’avarice sur les cerises ; je fais juste le mentionner…
Mais, tout ça m’amène à me questionner sur notre rapport à la vigne et à ses fruits… matériels ET spirituels. Deux histoires de vignes qui ne vont pas bien. Et un des problèmes auquel j’aimerais qu’on réfléchisse plus attentivement a à voir avec un détail qu’on soulève bien trop rarement : à qui appartiennent les vignes et à qui sont destinés les fruits ? Au maître s’écrirait-on. Ce n’est pas faux, mais je soupçonne quelque chose d’autre de sous-entendu entre les lignes des deux récits…
Première des choses, parlons pendant deux minutes des vignerons de la parabole. Ceux-ci, après avoir violenté les serviteurs du maître, s’entendent pour tuer son fils. Tout cela pour obtenir son héritage… mais, bien honnêtement, un héritage ne s’obtient pas de cette manière-là. Un héritage, qu’est-ce que c’est ? Pensons-y. Je me lancerais, du haut de mes 34 pommes, à dire que c’est un bien que l’on reçoit par le don d’une vie et non pas un bien que l’on prend. En voulant prendre la vigne par la force, nous faisons de la terre non pas un héritage à recevoir, mais une possession qui nous appartiendrait à nous et seulement à nous. Ainsi, les vignerons accaparent la terre au point d’en faire un champ de bataille contre tous ceux qui revendiquent le droit légitime d’y pénétrer.
Hélas, comme la guerre qui se poursuit actuellement dans un coin d’Europe que vous connaissez bien, diverses barrières se mettent en place pour pourrir la vie des innocents. Diverses conséquences touchent les fruits de la terre. Non pas seulement la production desdits fruits, mais aussi leur accessibilité. L’exportation des céréales et des grains actuellement perturbée par la guerre en Ukraine en est le parfait exemple. Nous ne ressentons pas ce manque au Canada, mais avons-nous conscience de combien de gens situé en Afrique sont touché par cette catastrophe ? Une guerre ne concerne pas seulement deux personnes ou deux parties, mais aussi tout le peuple de Dieu et la Création toute entière. Tous goûtent aux fruits de l’amertume.
Autre détail fort curieux dans la parabole… le maître de la vigne envoie ses serviteurs et son fils non pas pour les sacrifier, mais pour recevoir son dû, c’est-à-dire les fruits produits par la vigne. Alors, il faudrait m’expliquer pourquoi le maître – qui est censé représenter Dieu – aurait-il besoin de récolter les fruits de sa propre création ? Le Bon Dieu a-t-il faim ? A-t-il une petite fringale, envie de ses délicieuses cerises ? Serait-ce, autrement, pour nourrir ceux qui ont faim ? Du moins, en prenant la posture d’un Dieu providentiel qui veille à ses petits, on en vient à peut-être saisir un aspect intéressant dans la parabole, mais aussi dans la prédication d’Ésaïe. Prédication où les mauvais fruits font élever vers Dieu la voix d’un peuple qui souffre et qui est mécontent du traitement qu’on lui inflige.
Que faire avec les vignerons, avec ceux qui possèdent la terre ? Le monde ne change pas sans acte. La politique et ses lois ne se mettent pas en branle avec des consensus, mais des engagements et des prises de positions clairs. Je ne vous propose pas de prendre les armes pour une histoire de certises, loin de là, mais d’examiner à nouveau la fin de la parabole… À Jésus qui leur demande ce que fera Dieu au vignerons meurtriers, la population lui répond : «Dieu fera mourir misérablement ces misérables et il louera la vigne à d’autres vignerons qui lui donneront sa part de récolte au moment voulu.» Curieusement, Jésus, dans la « jésuesque des traditions » ne leur confirme rien du tout à ce propos. Il n’y a pas de mort à proprement dit, pas de grincement de dents… mais que ceux qui se brisent sur la pierre angulaire et qui se convertissent ensuite. Un cœur transformé est ce que le Seigneur demande. Voilà un élément central dans les Écritures comme dans notre vie de foi.
Cette parabole, aux dires des gens qui écoutaient, ne pouvait que provenir que d’un prophète. La parole de Jésus est une parole prophétique qui discerne l’actualité des Israélites qui vivaient sous le joug des maîtres de tours d’ivoire qui croyaient être les seuls « héritiers » légitimes de la vigne. Elle concerne de même les élites qui, encore aujourd’hui gardent main mise sur la Création et ses fruits, qui régissent l’accès à la nourriture selon leur propre monopole.
Deux histoires de vignes qui vont mal… deux histoires qui ouvrent l’horizon de l’espérance. Même si notre monde et notre société sont malades, continuons à soigner la vigne qui nous a été donnée et à mettre notre foi en Dieu. Engageons-nous pour les causes qui nous tiennent à cœur. Prions pour la réforme d’autrui… et la nôtre lorsque nous nous apercevons que nos propres fruits tournent mal. Ouvrons-nous à la peine de notre prochain, écoutons, faisons parfois silence. Cultivons non pour posséder, mais pour assurer la suite du monde. Tout cela, à mon sens, est un don du Seigneur dont l’objectif a toujours été de donner la vie en surabondance.
Grâce soit rendu à Dieu pour nos vies, pour le monde de demain dont toutes les possibilités sont ouvertes.
Amen
LECTURES BIBLIQUES
Un commentaire