Les renards et les poules

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

« Jérusalem ! Jérusalem ! Que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble sa couvée sous ses ailes… » Cette plainte, c’est un cri de désarroi, d’impuissance, de chagrin. C’est l’affliction de tout parent qui regarde son enfant s’enfoncer dans des comportements destructeurs malgré des années d’efforts pour le protéger de lui-même. C’est l’inquiétude d’un enfant dont un parent en perte d’autonomie refuse toute forme d’aide. C’est la consternation toute personne qui aurait tout fait pour prévenir la souffrance d’un proche. C’est l’angoisse des étudiants grévistes et leurs alliés devant la crise écologique et l’inertie des décideurs de la planète. C’est le sentiment d’impuissance collectif devant tant d’individus qui propage la peur et la haine et sème la terreur. « Jérusalem! Jérusalem ! Christchurch ! Québec ! Charlottesville ! Bruxelles ! Paris ! Que de fois j’ai voulu rassembler vos enfants comme une poule rassemble sa couvée sous ses ailes et vous n’avez pas voulu. »

Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits.

Jésus connaît intimement toutes nos angoisses et nos détresses. C’est effectivement sur un ton profondément chagriné que je l’entends lancer : « Jérusalem, Jérusalem, vous pensez connaître le chemin de la paix, de la prospérité et du bonheur durables. Détrompez-vous! Si vous ne changez pas de comportement, vous finirez par vous détruire vous-même. »

Depuis le début de son ministère public Jésus parcourt les villes et les villages. Il enseigne dans les synagogues… il libère les gens de leurs démons… il panse leurs blessures… il rend la vue aux aveugles. Et pourtant, les gens ne comprennent pas le vrai sens de sa mission. Sans doute est-ce parce qu’ils ne veulent rien comprendre. Même ceux qui sont prêts à proclamer que Jésus est le Christ – le Messie tant attendu – ne sont pas très hot à l’idée d’un messie tel que Jésus l’incarne dans sa vie de tous les jours : un messie qui refuse la vengeance ; qui tient mordicus à la non-violence, au dialogue et à la compassion comme alternatives à la guerre. Jésus renonce à la force et la puissance. Jésus se range du côté des loosers plutôt que des champions olympiques. Jésus est le Messie, non pas d’un groupe sélect, mais de tous ceux et celles qui sont à la recherche d’un monde plus juste et plus solidaire. Jésus est le Messie non seulement des « bons pratiquants » et des piliers de la communauté mais aussi des gens en marge de la société. Il est le Messie de tous ceux et celles qui sont prêts à renoncer aux richesses, au confort et au pouvoir de ce monde et à adopter le mode de vie radicalement égalitaire du royaume de Dieu.

Jésus aurait voulu rassembler tous les enfants de Dieu sous son aile mais tous n’ont pas voulu… pas plus que nous, d’ailleurs. Soyons honnêtes. Quand nous nous imaginons rassemblés autour de Jésus… ou blottis contre lui… n’y a-t-il pas des gens que nous préférions ne pas avoir collés contre nous ? Et n’est-il pas vrai que nous trainons tous tellement de bagage qu’il est parfois difficile de prendre notre juste place sous son aile protectrice. Jésus veut nous accueillir… nous compter parmi ses proches. Pourtant, n’est-il pas vrai que nous avons de la dificulté à accepter la vie nouvelle qu’il nous offre parce que nous nous accrochons trop à notre culpabilité, à nos remords, à nos regrets… à nos vieilles habitudes. Et si souvent… trop souvent… nous nous croyons trop faibles, trop impuissants pour changer quoi que soit. Nous avons du mal à nous faire à l’idée que c’est lorsque nous avons l’impression d’être des loosers de la première espèce… que nous sommes vraiment winners. Jésus veux nous rassembler près de lui mais il ne nous prendra pas de force. Il fait tout pour nous convaincre, par exemple. Ce matin, à tous ceux et celles qui ont les oreilles pour l’entendre il dit : « Tout ce que vous vous dites pour vous justifier… toutes les excuses que vous faites pour ne pas vivre comme Dieu le veut… ça ne tient pas debout ! Ça ne peut pas durer ! Un jour tout va s’écrouler comme un château de cartes. Jérusalem… Jérusalem ! »

« Mais nous ne sommes pas à Jérusalem », répondons-nous souvent. Nous ne sommes pas au centre du monde… dans la sphère du pouvoir et de l’influence… là où les décisions se prennent. De plus, le monde est plein de gros renards comme Hérode… des gens qui cherchent à consolider et non pas à redistribuer leurs richesses et leur pouvoir. Et nous ne sommes que de petits poussins. C’est peut-être vrai… mais n’oublions jamais que Dieu a choisi ce qui est faible dans le monde pour confondre et réduire à rien ce qui est fort.

Ainsi, même s’il est consterné de reconnaitre qu’il sera rejeté par ceux et celles qu’il aurait voulu protéger… même s’il est assez lucide pour bien voir que tout ce que nous prenons comme symboles de notre force et notre sécurité finira par s’écrouler… la lamentation de Jésus se termine sur une note d’espérance : « Je vous le dis, vous ne me verrez plus jusqu’à ce que vienne le temps où vous direz : Béni soit, au nom du Seigneur, celui qui vient ! » Ici Jésus cite psaume 118, 26. Cette phrase – qui sera reprise par la foule au moment où Jésus entrera à Jérusalem – rappelle la promesse de Dieu d’une nouvelle rencontre, d’une nouvelle ère. Elle évoque le moment où le Fils de l’homme viendra à la fin des temps, ce moment où le peuple de Dieu l’accueillera en chantant ce psaume comme on le fait aux grandes fêtes à Jérusalem. Son regard lucide sur l’état actuel du monde n’empêche pas Jésus d’avoir confiance en l’avenir de Dieu. Même pas les Hérode de ce monde ne pourront pas l’intimider ou l’empêcher de vivre au jour le jour le ministère et la mission que Dieu lui a confiés. Jésus va aller jusqu’au bout de sa mission comme nous aussi nous devons le faire.

Nous sommes les poussins que Jésus veut rassembler sous son aile… mais ne soyons pas chickens. À la suite de Jésus, aujourd’hui et demain, avec l’aide de Dieu, nous devons continuer à libérer nos contemporains de leurs démons… de tout ce qui les divisent et les séparent de Dieu. Nous devons panser leurs blessures et les guérir de tout ce qui étouffe la vie en eux. À la suite de Jésus, et avec l’aide de Dieu, nous devons résister à la violence et au mal. Nous devons dénoncer la surexploitation des ressources naturelles et humaines de la terre. Nous ne devons pas avoir peur de renoncer à la vie telle que nous le connaissons présentement. Peuple de Dieu, prenez courage, car Jérusalem n’est que la première ville où, par la grâce de Dieu, une poule a eu raison d’un renard. Grâces soient rendues à Dieu ! Amen.

LECTURES BIBLIQUES

1 Corinthiens 1, 18-31

Luc 13, 31-35 

Un commentaire

Ajouter un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *