Le texte de l’évangile de Marc est d’une sobriété autant que d’un contenu étonnants. Il y a quelques semaines, Paul-André Giguère en a fait ressortir l’itinéraire de la géographie spirituelle de l’évangéliste, « une géographie subversive » qui décloisonne le règne de Dieu. « Si lui [Jésus] un homme ordinaire, était fils bien-aimé de Dieu et choisi par lui, alors est-ce que ce ne serait pas le cas de toute personne? […] Laissons-[nous] dire intérieurement, chacun, chacune pour soi : « Tu es mon fils, tu es ma fille bien-aimée, il m’a plu de te choisir. » Je vous invite à retourner lire et méditer ce texte riche, disponible en tout temps sur le site Internet de la paroisse <ICI>.

C’est ce même passage qui est suggéré à notre réflexion en ce 1^er dimanche du carême, au tout début d’un 40 jours symboliques de mise-à-jour, mise-au-point ou mise-à-niveau si vous préférez, de notre engagement personnel à vivre ‘à la manière de Dieu’, selon le point de vue du règne de Dieu sur le monde, sur la société, sur les autres et nécessairement sur nous-mêmes. Par le passé on a beaucoup insisté sur la dimension ‘vide’ de ce temps : la privation par le jeûne et les abstinences diverses pour effectuer une sorte de décrassage, de désintoxication, aussi bien physique que mentale et spirituelle. À l’instar de Jésus, et nous aussi ‘poussés par l’Esprit’, nous sommes invités/conduits au désert, un lieu/état de dépouillement sensoriel. Il nous faut nous désengorger pour retrouver l’essentiel : manger pour vivre et non vivre pour manger. Cette purge volontaire des consommations et stimulations est un outil séculaire pour se recentrer spirituellement car le corps n’est pas qu’un simple accessoire, mais « Temple de l’Esprit » affirme l’Écriture. Et ce vide suggéré du carême devient l’occasion de faire le plein autrement!

Tel il en est pour Jésus, tel il en sera pour chacun, chacune de nous, qui par la foi du baptême est à jamais uni au Fils : Nous aussi, « fils et filles bien-aimés, choisis, chéris ». Que signifie dans notre être le plus intime cette déclaration inouïe? En quoi ma manière de vivre mes jours tient-elle compte de cela? Christ lui-même a souffert pour les péchés, une fois pour toutes, lui juste pour les injustes, afin de vous présenter à Dieu, lui mis à mort en sa chair, mais rendu à la vie par l’Esprit… Ces mots étranges et mystérieux sont la façon qu’ont trouvée les premiers disciples de Jésus pour exprimer la dimension universelle, la portée cosmique de l’Évangile. La victoire sur le mal et le péché est nôtre, garantie, invincible : il vous sauve par la résurrection de Jésus Christ.

L’Esprit pousse Jésus au désert. Dans le désert du silence intérieur, du calme voire de la solitude, dans la simplification de notre vie par la distanciation des multiples désirs et compulsions en retrouvant la sobriété des besoins essentiels, qui suis-je?

Il fut tenté par Satan. Qu’est-ce qui en nous et dans nos vies est Satan, image de ce qui nous divise, l’obstacle qui nous fait dévier, le mensonge et la trahison qui émoussent l’ardeur de l’Esprit, nous font négliger notre baptême, l’engagement envers Dieu d’une bonne conscience ?

Il était avec les bêtes sauvages. Parce que nous sommes en union permanente avec Jésus, sauvés dans le Christ ressuscité, même ce qui est sauvage en nous peut s’apprivoiser, devenir un élément de vitalité qui nous accompagne dans la vie du règne de Dieu, une source d’énergie à l’état brut, primordiale, qui plutôt que de nous déchirer se métamorphose en puissance de service, en soif de justice, en élan de compassion et d’amour.

Et les anges le servaient. Lorsqu’on lâche prise, qu’on se vide de soi-même et qu’on se risque à garder le cap, au-delà de la tentation, après avoir apprivoisé nos bêtes sauvages, il y a… la Sainte Présence, l’Indicible, l’Indescriptible. Jésus Christ, qui, parti pour le ciel, est à la droite de Dieu, et à qui sont soumis anges, Pouvoirs et Puissances. Greffés au Christ, nous pouvons compter sur l’aide d’en haut dès maintenant, ici bas. Avons-nous vraiment essayé dernièrement?

Je conclurai de manière œcuménique en vous invitant à lire l’exhortation du carême de François, évêque de Rome, le pape des catholiques. Notre Église ‘Unie’ cherche toujours les lieux de communion et de convergence entre chrétiens pour l’annonce de l’Évangile de grâce et de libération. L’interpellation de ce pasteur d’exception – tous en conviennent, croyants ou non – mérite qu’on s’y attarde. Pour la seule gloire de Dieu et la guérison/salut de notre monde. Poussés par l’Esprit. Amen.

Denis Fortin, pasteur

22 février 2015 – 1^er dimanche du Carême « B »

PRÉDICATIONS

Psaume 25; 1 Pierre 3,18-22; Marc 1,9-15