Miss pop et le Royaume de Dieu

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Si je vous dis  Miss pop , à qui pensez-vous? À la gagnante d’un concours de chansons populaires? Si telle est votre réponse, vous n’y êtes pas du tout! Miss pop , c’est l’abréviation de Mission populaire évangélique de France. Je vous en parle d’abord parce qu’il y a plus de 40 ans, sans que je m’en rende trop compte sur le coup, elle a fait un peu partie de l’enchaînement d’évènements qui ont jalonné mon ressaisissement par la foi. Plus précisément, je vous en parle parce que dans un article récent de Réforme[1], l’hebdomadaire de notre Église-sœur de France, la secrétaire générale et le président de la Miss pop livraient un témoignage qui parle éloquemment, selon moi, du Royaume de Dieu déjà là, à  travers « les œuvres bonnes que Dieu a préparées d’avance afin que nous nous y engagions », comme nous l’avons lu la semaine dernière, dans la lettre de Paul à la communauté chrétienne d’Éphèse (Ep 2, 8-10).

Un mot d’abord sur mon bref contact en personne avec la Miss pop en 1983. Je suis alors à Paris, pour participer à une rencontre internationale de formation de l’Institut œcuménique pour le développement des peuples (INODEP). J’y suis avec une vingtaine ou une trentaine d’autres dans un contexte pluraliste où militent ensemble chrétiens, chrétiennes et humanistes laïques, dont quelques-uns en rupture avec toute référence religieuse, dont moi-même. Le dimanche, jour de congé, je suis invité par une permanente de l’organisme au culte de la Mission populaire. Sur la base des quelques informations qu’on me donne, je suis intrigué et j’accepte. À l’arrivée, j’ai droit à un accueil chaleureux et à une visite sommaire des installations qui servent aux rencontres et à la prestation de services à des personnes marginalisées et dans le besoin. Le lieu ressemble à l’entrepôt d’une usine désaffectée plutôt qu’à une église, y compris la salle où se tient le culte. Nous y sommes debout en cercle, sur un plancher de béton. Pendant toute la durée du culte, un chien très bas sur pattes se promène librement dans la salle, nous donnant à entendre le clic-clac de ses longues griffes sur le béton. Voilà une atmosphère de liturgie qu’on n’oublie pas. Au moment de la Sainte Cène, une baguette de pain circule dans le cercle. Chacun y arrache sa  bouchée et la trempe dans la coupe de vin qui suit. Le pasteur me met à l’aise de participer ou non à la communion. Je ne me souviens plus si j’ai communié ou non. En tout cas, ce fut pour moi une expérience marquante dont l’article récent du journal Réforme sur la Miss pop a ravivé le souvenir, me rendant attentif à son message.

Sans employer explicitement le mot, le message parle de ce que Jésus appelle le Royaume; le Royaume à rendre présent ici et maintenant, tout en sachant qu’il reste toujours à venir; ce dont nous parlent les lectures bibliques choisies pour ce jour. Le texte substantiel que je vais maintenant vous citer est, à mes yeux, une actualisation de ces lectures bibliques, dans le contexte d’une société d’aujourd’hui.

« À la Mission populaire évangélique de France, écrivent les auteurs, nous croyons en un projet de société où l’autre n’est pas un danger ou un risque, mais plutôt une chance. Si nous ne sommes pas capables d’inventer ce projet de société où chacun, chacune aurait sa place, un projet où l’autre est à accueillir et non à exclure, nous mourrons entre nous dans un monde névrosé et névrotique. L’étranger est une chance, un cadeau qui nous décentre de nous-mêmes, nous ouvre des horizons de réflexion, d’altérité, de découverte et de mise en partage infinis. À la Mission populaire, nous n’avons pas peur de l’autre, de celui qui est différent.

Nous n’avons pas peur de cette personne sans domicile fixe, qui vient prendre le café, chaque matin, (…). Nous n’avons pas peur parce que c’est un frère, une sœur en humanité et que sa fragilité, ses failles, nous disent quelque chose de nous-mêmes; parce que la rencontre véritable avec cette personne nous enrichit, nous décentre, nous incite à sortir de nos représentations étriquées du monde.

Nous n’avons pas peur de Mamadou, qui arrive du Mali, grand gaillard si respectueux de celles qu’il appelle ses « mamans de la Miss pop ». Il a raconté son parcours de migration, sa peur de la mer déchaînée dans le zodiac qui devait l’emmener vers l’Eldorado d’une Europe tant espérée. N’a-t-il pas le droit  d’aspirer à une vie meilleure pour lui-même et les siens? Nous n’avons pas peur de Fatima avec laquelle nous discutons et débattons de nos religions respectives, de nos accords et désaccords, de nos spécificités. Sa vision des choses nous enrichit et nous espérons que la nôtre l’enrichit un peu aussi.

(…)

Nous n’avons pas peur de ces ados des banlieues que l’on entasse dans des HLM en décrépitude, nous les connaissons, ils fréquentent nos fraternités pour du soutien scolaire ou des activités de jeunesse. Nous connaissons leurs rêves, leurs espoirs et leur désespérance aussi parfois.

(…)

Nous n’avons pas peur de partager le pain avec ces compagnons de route que la vie a mis sur notre chemin. Nous n’avons pas peur d’aller à la rencontre de l’autre, parce que c’est ce à quoi nous appellent les Évangiles. Nous n’avons pas peur des pauvres, des réfugiés climatiques, des migrants, nous n’avons pas peur des musulmans, des juifs ou des bouddhistes, nous n’avons pas peur du cadeau de l’autre, du visage de l’autre, de la main de l’autre. » (Fin de la citation).

Vous avez sans doute remarqué le refrain qui ponctue l’énumération des accueils et des solidarités de la Miss pop : « Nous n’avons pas peur de… ». Pourtant, l’article porte comme titre « De qui avons-nous peur? » Au dernier paragraphe, les auteurs précisent de qui ils avaient peur au moment où ils rédigeaient leur article. Ils avaient peur qu’un parti d’extrême droite, favorisé par les sondages, accède au pouvoir et compromette leurs efforts pour actualiser les exigences évangéliques associées à l’avancement du Royaume. « Quand nous ouvrons la Bible, écrivaient-ils en introduction, quelques exigences évangéliques semblent s’imposer à nous : « Qu’as-tu fais de ton frère? »; « Aime ton prochain comme toi-même »; « j’étais étranger et vous m’avez accueilli »; « mais la plus grande de toutes ces choses, c’est l’amour ». Ce ne sont pas des litanies, de vagues préceptes que nous pourrions accommoder à notre manière comme cela nous chante et en fonction des circonstances et des hasards de l’histoire; c’est un chemin que nous trace le Christ pour vivre à sa suite. Un chemin dessiné par l’amour de l’autre. » (Fin de la citation).

Frères et sœurs, entendons ce message. Profitons de la liberté dont nous jouissons pour faire avancer le Royaume, selon nos capacités et l’étape de vie où nous en sommes.  Dans un monde encore et toujours travaillé par la tentation du despotisme et du simplisme autocratique, ayons la lucidité et le courage de faire les bons choix politiques, quand l’occasion se présente; ceux qui favorisent l’avancement du Royaume ici et maintenant, comme nous y invitent nos lectures bibliques d’aujourd’hui. Amen.

LECTURES BIBLIQUES

Ésaïe 58, 6-12

Matthieu 25, 31-40

[1] Valérie Rodriguez et Sylvain Cuzent, « De qui avons-nous peur ? », Réforme.net, No 4049, 27 juin 2024, p.7.

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